vendredi 10 décembre 2021

Gaius Blossius dit Blossius (ou Blossios) de Cumes (IIème siècle av. J.-C.)

 Gaius Blossius dit Blossius (ou Blossios) de Cumes (IIème siècle av. J.-C.)

Selon Plutarque, dans ses Vies des hommes illustres, Tiberius et Caius Gracchus, Blossius était un philosophe et un étudiant du philosophe Antipater de Tarse, scolarque stoïcien de 150 à 129 av. J.-C.

Il venait de la ville de Cumesune ancienne cité de la Grande-Grèce, située au bord du golfe de Gaète (mer Tyrrhénienne), à 12 km à l’ouest de Naples, en Campanie, cité où mourut le dernier roi de Rome, Tarquin le superbe, en 495 av. J.-C. La cité fut soumise par Rome à la fin du IV° av. J.-C.

Blossios aurait avec le rhéteur grec, Diophane de Mytilène incité Tiberius Gracchus (163-133 av. J.-C.) à entreprendre une réforme agraire rendue nécessaire par la paupérisation de nombre de citoyens romains et l’accroissement de la fortune due à la concentration des propriétés agraires aux mains des grandes familles patriciennes. C’est un exemple d’intervention de la philosophie stoïcienne dans la politique concrète dans le sens de l’égalité, loin du retrait de la cité pour Hegel qui soutenait qu’avec elle « la tendance à introduire le principe dans le monde [comme c’était le cas avec Platon et Aristote] disparaît » (Leçon sur l’histoire de la philosophie , tome IV La philosophie grecque. Le dogmatisme et le Scepticisme. Les Néoplatoniciens, traduction Garniron, Vrin , 1975, p.429).

Tiberius Gracchus fut accusé par ses adversaires politiques d’avoir tenté de provoquer un soulèvement populaire, pour se faire couronner roi. Ils lui reprochèrent sa démagogie. Il fut assassiné et son corps jeté dans le fleuve Tibre en 133.

Après la mort de Tiberius Gracchus, Blossios fut interrogé par les consuls. Ils lui demandèrent, ce qu’il aurait fait si Tiberius Gracchus vous avait ordonné de brûler le Capitole ? Il répondit qu’il n’aurait jamais donné un tel ordre. Cependant pressé sur ce point, Blossius déclara finalement que si Tiberius avait ordonné une telle chose, c’est qu’elle était dans les vrais intérêts du peuple romain (cf. Cicéron, De amicitia, XI). Après cela, il fut libéré.

Blossios partit pour la province de l’Asie, où il a pris part à un soulèvement populaire contre Rome, en aidant à l’organisation de l’État d’Héliopolis, la « cité du Soleil ». Ce soulèvement suscité par Aristonikos , frère d’Attale III, qui avait légué son royaume à Rome, s’appuyait sur des esclaves à qui étaient promis une organisation de type socialiste (cf. J. Bidez, La cité du monde et la cité du Soleil chez les Stoïciens, Paris, Les Belles Lettres, p. 49) Lorsque le soulèvement fut finalement vaincu, Blossios se tua.

Son exemple tend à montrer non seulement qu’il y avait une politique stoïcienne, mais que le cosmopolitisme ou le souci de l’humain n’était pas de vains mots ou une pose pour faire sa cour aux puissants.


Paul Veyne, "L'identité grecque devant Rome et l'empereur". in Revue des Études Grecques, tome 112, Juillet-décembre 1999. note 64, p. 510-525.

cf. Robert Muller, Les Stoïciens, Paris, Vrin, 2006, p.26.

lundi 15 novembre 2021

corrigé d'une explication de texte de Locke

 Sujet

 

Expliquez le texte suivant :

C’est donc le travail qui donne à la terre la plus grande partie de sa valeur, et sans lui elle ne vaudrait pratiquement rien ; c’est à lui que nous devons la plus grande part des produits de la terre qui nous sont de quelque usage ; car tout le surplus de valeur qui se trouve dans la paille, le son[i] et le pain provenant d’une acre[ii] de terre cultivée par rapport au produit d’une terre d’aussi bonne qualité mais qui demeure inculte, tout cela est l’effet du travail. En effet, on ne doit seulement inclure, dans le pain que nous mangeons, les peines du laboureur, les fatigues du moissonneur et du batteur[iii], la sueur du boulanger ; mais également le travail de ceux qui ont dressé les bœufs, extrait et travaillé le fer et les pierres, abattu et façonné le bois dont on se sert pour fabriquer les charrues, les moulins, les fours et les nombreux autres instruments qu’exige ce blé depuis le moment où il est semé jusqu’à sa transformation en pain ; il faut, dis-je, mettre toutes ces peines au compte du travail et les tenir pour autant de ses effets : la nature et la terre n’ont fourni que la matière première qui sont presque sans valeur pour elles-mêmes. Ce serait un étrange catalogue – si nous pouvions le dresser – que celui des choses que l’industrie fournit et dont elle fait usage pour la production d’une miche de pain avant qu’elle ne soit disponible pour notre usage : le fer, le bois, le cuir, l’écorce, le bois de charpente, la pierre, le charbon, la chaux, le drap, les teintures, la poix, le goudron, les mâts, les cordes et tous les matériaux dont on s’est servi pour les bateaux qui ont apporté chacun des produits dont chacun des ouvriers s’est servi pour une partie de son travail ; mais ce serait presque impossible, et en tous cas trop long d’en faire le compte.

Locke, Second traité du gouvernement (1690)Locke n’en voit que l



[i] « son » : enveloppe des grains de blé.

[ii] « acre » : mesure de surface des terres agricoles.

[iii] « batteur » : ouvrier agricole.

 

Rédaction de la copie

Le candidat a le choix entre deux manières de rédiger l’explication de texte. Il peut : 

soit répondre dans l’ordre, de manière précise et développée, aux questions posées (option n°1); 

soit suivre le développement de son choix (option n°2). 

Il indique son option de rédaction (option n°1 ou option n°2) au début de sa copie. 

 

 

 

Questions de l’option n°1

 

A. Éléments d’analyse

1. Expliquez « la nature et la terre n’ont fourni que la matière première qui sont presque sans valeur pour elles-mêmes ».

2. Montrez comment l’exemple du pain sert l’argumentation de l’auteur. En quoi est-il particulièrement éclairant ? Donnez d’autres exemples.

3. Pourquoi l’auteur considère-t-il comme « un «étrange catalogue » le fait d’énumérer « des choses que l’industrie fournit et dont elle fait usage pour la production d’une miche de pain avant qu’elle ne soit disponible pour notre usage ».

 

B. Éléments de synthèse.

1. Quelle est la question à laquelle l’auteur tente ici de répondre ?

2. Dégagez les différents moments de l’argumentation.

3. En vous appuyant sur les éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte.

 

C. Commentaire.

1. Une nature travaillée est-elle dépourvue de valeur ?

2. Quel sens ce texte permet-il de donner à l’idée de transformation humaine de la nature ?

 

 

Corrigé : option 2

 

Sans la nature qui nous donne les conditions de notre existence, nous ne pourrions pas vivre, encore moins jouir des bienfaits de l’existence.

Mais est-ce la nature ou l’activité humaine, soit le travail qui est la source de la valeur que nous accordons aux choses que nous utilisons ?

Telle est la question à laquelle répond Locke dans cet extrait de son Second traité du gouvernement de 1690.

Locke veut montrer que c’est le travail de l’homme qui donne de la valeur à tous les produits ou objets d’usage.

Pour le montrer, il analyse tout ce qui est nécessaire comme travail pour faire un simple morceau de pain. Il distingue ensuite la matière première que donnent la nature et la terre au travail à proprement parler pour mettre en lumière l’étendue du travail nécessaire dans le moindre des produits ou objets d’usage quotidien.

Reste que la nature est aussi objet d’admiration ; une nature travaillée est-elle dépourvue de valeur ?

On peut enfin se demander quel sens ce texte permet- de donner à l’idée de transformation humaine de la nature ? Qu’implique-t-elle pour l’homme et la nature ?

 

 

Locke énonce d’abord sa thèse selon laquelle c’est le travail qui fait l’essentiel de la valeur à la terre. Aussi en déduit-il que sans travail la terre n’aurait pas de valeur ou très peu. Ce qu’est le travail selon Locke, c’est le fait de faire des produits dont nous faisons usage. Pour le montrer, il prend un exemple remarquable, à savoir celui du pain dans une série qui comprend, la paille et le son. Ces produits sont l’effet du travail de façon évidente pour le lecteur de la fin du XVII°, et pour nous encore.

Il énumère alors tous les efforts, les peines, autrement dit le travail dont l’étymologie admise (comme le trabajo des Espagnols), le latin tripalium, désigne un instrument où on attachait les esclaves pour les torturer et donc l’idée de souffrances. Il faut, outre ceux qui font le pain, inclure le travail de ceux qui en ont préparé les matériaux, les agriculteurs, mais aussi, l’extraction minière pour faire les instruments. Autrement dit, l’exemple du pain qui paraît si banal, montre l’étendue du travail humain qui font la valeur des produits d’usage quotidien. On pourrait illustrer par des exemples d’autres produits alimentaires, y compris les produits de la pêche qui exige de prendre en compte les travaux de fabrications des bateaux, des filets ou des cannes et des hameçons. De même les vêtements exigent de multiples travaux, à tel point qu’en ce début de XXI° siècle, un produit d’usage peut provenir de travaux venant de toute la Terre.

 

Si donc le travail fait l’essentiel de la valeur des produits, quel rôle jouent la nature et la terre ?

Locke considère que la nature et la terre fournissent la matière première. Qu’entendre par là ? lorsqu’on fabrique quelque chose, on utilise des outils, mais aussi des produits de la nature, par exemple un arbre qu’on va abattre pour faire un bateau. Ainsi, c’est la nature qui fournit la matière première ou la terre où l’arbre a poussé de lui-même pour parler comme Aristote dans sa Physique. la matière première au sens propre est ce sur quoi s’exerce l’activité humaine, mais qui n’a pas été modifié. Nombre de matières premières sont en réalité secondes dans la mesure où elles ont été produites par l’homme, comme les planches qu’utilise le menuisier.

 

Peut-on savoir tout ce qu’il y a de travail humain dans les objets d’usage ?

Locke note que ce serait « un étrange catalogue » que celui de tout ce qui est nécessaire pour faire une simple miche de pain. Il s’interroge même sur la possibilité de dresser un tel catalogue qu’il commence. Or, ce catalogue est disparate puisqu’il inclut des produits qui n’ont rien à voir avec le pain, comme le goudron et les cordes, produits qui entrent quand même dans la fabrication du pain que l’on mange. C’est cette disparité qui fait l’étrangeté du catalogue des produits nécessaires pour obtenir la miche de pain dont on dispose.

Il n’en reste pas moins vrai que tous les produits sont nécessaires. Aussi, on voit que la transformation humaine de la nature est multiforme.

 

Selon Locke, non transformés les produits de la nature sont quasiment sans valeur. Or, si tel est le cas pour la production, le rapport de l’homme à la nature n’est peut-être pas seulement celui de la transformation. Dès lors, une nature non travaillée est-elle dépourvue de valeur ?

 

Du point de vue de la production, c’est la nature travaillée, c’est-à-dire modifiée, voire détruite, qui a de la valeur comme produits dont les hommes font usage. C’est ce qui découle de la thèse de Locke selon laquelle le travail humain fait l’essentiel de la valeur des objets d’usage. Certes, la nature non travaillée peut être utilisée parfois directement, comme l’eau qu’on trouve pour boire dans certaines rivières ou sources naturelles. De même le feu naturel que l’homme a su utiliser pour faire cuire ses aliments, voire se défendre des prédateurs, il y a des centaines de milliers d’année. La valeur alors dépend des besoins humains, autrement dit a une valeur ce qui satisfait un besoin humain.

Mais on peut aussi trouver une satisfaction dans la contemplation de la nature vierge ou qui nous paraît telle parce que sa transformation a été très longue comme le note Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques. L’homme apprécie les beautés de ce qui se développe par lui-même et qui se présente gratuitement à lui.

Ainsi l’homme religieux peut célébrer la nature comme œuvre de Dieu, donnée à l’homme pour qu’il puisse vivre, œuvre qui est un don et non l’effet d’un effort.

 

Comment comprendre alors dans ce texte l’idée de transformation humaine de la nature ?

Il semble que Locke n’en voit que l’aspect positif. Or, à son époque déjà l’agriculture avait produit une grande déforestation. De même la colonisation de l’Amérique du nord conduisait non seulement au même processus, mais aussi à la destruction de peuples entiers, dépossédés de leur rapport à la nature.

Transformer la nature repose pour Locke sur le travail humain qui ne considère la nature que comme une matière première. L’homme est pensé comme extérieur à la nature, comme si elle était destinée à son usage et à sa seule utilité.

L’idée de transformation humaine de la nature de Locke la destitue de toute valeur, ce qu’elle donne à l’homme, sa valeur esthétique, sont totalement négligés.

 

En un mot, Locke veut montrer dans ce texte que c’est le travail humain, c’est-à-dire la peine prise à transformer la matière première pour satisfaire un besoin humain qui donne son sens à la transformation humaine de la nature.

Toutefois, il néglige ainsi la beauté de la nature ainsi que les destructions naturelles et humaines qui accompagnent le travail humain.

lundi 25 octobre 2021

corrigé d'une explication d'un texte extrait de L'utilitarisme de John Stuart Mill sur la valeur morale de l'action


 Sujet

 

Expliquer le texte suivant :

C’est la fonction de la morale de nous dire quels sont nos devoirs, ou quel est le critère qui nous permet de les reconnaître ; mais aucun système de morale n’exige que le seul motif de tous nos actes soit le sentiment du devoir : au contraire, nos actes, dans la proportion de quatre-vingt-dix-neuf sur cent, sont accomplis pour d’autres motifs, et, tout de même, sont des actes moraux si la règle du devoir ne les condamne pas. Il est particulièrement injuste de fonder sur cette singulière méprise une objection contre l’utilitarisme. Car les utilitaristes, allant plus loin que la plupart des autres moralistes, ont affirmé que le motif n’a rien à̀ voir avec la moralité de l’action quoiqu’il intéresse beaucoup la valeur de l’agent. Celui qui sauve un de ses semblables en danger de se noyer accomplit une action moralement bonne, que son motif d’action soit le devoir ou l’espoir d’être payé de sa peine ; celui qui trahit l’ami qui a placé sa confiance en lui se rend coupable d’un méfait, même s’il se propose de rendre service à̀ un autre ami envers lequel il a de plus grandes obligations qu’envers le premier. 

John Stuart Mill, L’utilitarisme (1863) 

 

 

Corrigé

 

On voit souvent des chanteurs sur le retour se livrer à des actions caritatives. Est-ce par souci moral ou bien est-ce par intérêt, pour la publicité ? Mais est-ce important ?

Qu’est-ce qui en effet, fait la moralité d’une action, c’est-à-dire sa valeur morale ? Est-ce l’intention de l’agent ou bien est-ce sa conformité à une règle ?

Tel est le problème que résout John Stuart Mill dans cet extrait de L’utilitarisme de 1863.

Le philosophe veut montrer que seule la conformité à la règle morale fait la valeur morale de l’action, peu importe au fond, l’intention de l’agent.

Il explique d’abord ce qui constitue la morale ; puis il répond à une objection adressée à la théorie morale utilitariste ; enfin, il illustre sa thèse en prenant des situations assez communes qui reposent sur le sens moral de son lecteur.

 

 

Mill commence donc par définir la morale comme théorie. Il en donne deux définitions qui lui semblent équivalentes dans la mesure où elles forment une disjonction inclusive. La première définition est qu’une théorie morale doit énoncer « quels sont nos devoirs », c’est-à-dire les obligations qui permettent de faire le bien et d’éviter le mal. La seconde est qu’elle doit nous donner « quel est le critère qui nous permet de les [devoirs] reconnaître ». Or, il est clair que si nous avons le critère des devoirs, nous les connaissons et pour les connaître, il faut savoir en quoi un devoir est bien tel, ce qui implique la connaissance du critère qui permet de les reconnaître. Les deux définitions sont donc équivalentes.

À cette définition de la morale, il semple opposer l’idée qu’une morale fasse reposer l’essentiel sur le sentiment du devoir, c’est-à-dire finalement sur l’intention de l’agent. Or, on estime bien souvent qu’une action ne peut être morale si elle est purement intéressée, bref, on fait bien entrer le sentiment du devoir dans l’appréciation de la valeur morale de l’action.

C’est justement ce que récuse l’auteur, son argument étant que pratiquement tous nos actes n’ont pas pour motifs, c’est-à-dire pour raison d’agir le sentiment du devoir. Est-ce à dire qu’ils ne sont pas moraux ? Nullement selon Mill s’ils ne sont pas contraires à la règle morale.

 

Or, peut-on encore qualifier de morale une action dont le motif est éloigné du sentiment du devoir, c’est-à-dire qui n’est pas faite par devoir mais pour de tout autre motif ?

 

 

Pour montrer qu’il en va bien ainsi, Mill répond donc à une objection implicite faite aux utilitaristes, c’est-à-dire à ceux qui soutiennent la théorie morale de l’utilitarisme dont il est un partisan comme semble l’indiquer le titre de son livre. Cette objection reviendrait à dire que si on agit par utilité, l’action n’est donc pas morale puisqu’elle n’est pas faite par sentiment du devoir.

Pour Mill, cette objection est une méprise, c’est-à-dire un erreur. Car les utilitaristes soutiennent justement à la différence d’autres théoriciens de la morale que l’intention de l’agent n’entre pour rien dans la qualification de la moralité de l’action, mais seulement dans la valeur de l’agent. Autrement dit, un agent est meilleur qu’un autre s’il agit par sentiment du devoir plutôt que de façon intéressée. Mais l’action est morale à la seule condition qu’elle n’aille pas à l’encontre du devoir, ce que Mill exprime en disant que la règle morale ne la condamne pas.

 

Reste à comprendre le sens de cette distinction. Mill introduit des exemples pour la faire comprendre.

 

 

Il prend donc une situation morale. Quelqu’un est en train de se noyer, un autre essaye de le sauver. Mill donne deux motifs possibles de l’action du sauveteur : le sentiment du devoir ou l’espoir d’une récompense. Le deuxième motif est intéressé. L’action est morale dans la mesure où Mill présuppose que son lecteur considère que c’est un devoir moral d’empêcher la mort d’autrui. L’action est bonne selon lui quel que soit le motif. en effet l’essentiel est de sauver celui qui est en danger.

Le second exemple est celui d’une action immorale malgré les bonnes intentions de l’agent. Il s’agit de trahir un ami au profit d’un autre avec qui on a de plus grandes obligations. Le motif de l’action qui entraîne l’acte peut être considéré comme lié au sentiment du devoir puisqu’il dépend des obligations qui lient l’individu à son second ami. Par contre l’acte est mauvais et Mill s’appuie sur le sentiment moral de son lecteur.

 

Disons donc pour finir que le problème dont traite cet extrait de L’utilitarisme de John Stuart Mill est celui de se savoir si le sentiment du devoir entre dans l’appréciation morale de l’action. L’auteur défend la doctrine utilitariste qui distingue rigoureusement entre l’action qui est morale si et seulement elle est conforme au devoir et la valeur de l’agent qui dépend de ses motifs d’action.

Le sentiment du devoir n’entre en rien dans la qualification morale de l’action, raison pour laquelle seule les conséquences des motifs, soient les actions comptent. C’est un strict conséquentialisme que défend ici Mill selon la terminologie d’Elizabeth Anscombe.

mardi 19 octobre 2021

Etienne de La Boétie - biographie

 Etienne de La Boétie (Boitie dans la graphie de Montaigne dans les Essais, I, XXVIII De l’amitié) est né le 1er novembre 1530 à Sarlat (Dordogne). Sa mère se nomme Philippe (prénom aussi féminin jusqu’au XVII°, ce qu’on appelle un prénom épicène) de Calvimont. Elle est fille du seigneur de Lherm, Jean de Calvimont, président du parlement de Bordeaux et ambassadeur de François 1er en Espagne. Son père, Antoine de La Boétie, est lieutenant particulier du Sénéchal de Périgord. Etienne est le troisième enfant et le seul garçon. Le roi François 1er (1494-1515-1547) règne depuis son sacre le 25 janvier 1515.

Le 18 octobre 1534, a lieu l’affaire des placards. Des textes sont affichés jusque sur la porte de la chambre du roi qui s’en prennent au pape, aux évêques, bref, à l’Église catholique. Ils sont l’œuvre de protestants. François 1er les réprime durement. C’est le prélude des futures guerres de religion.

La Boétie perd son père en 1540. Il est élevé par son oncle paternel et parrain, La Boétie, sieur de Bouilhonas, également prénommé Etienne. C’est un ecclésiastique cultivé qui lui transmet l’amour des lettres, notamment grecques et latines, et son intérêt pour le droit. On peut penser que s’il avait été au collège de Guyenne à Bordeaux, il aurait rencontré Montaigne bien plus tôt (cf. introduction aux Œuvres complètes de La Boétie de Paul Bonnefon, 1892, p.XVI).

Si on suit Montaigne (1533-1592), c’est entre 1546 (il parle d’un « garçon de seize ans » Essais, I, XXVIII De l’amitié) et 1548 (Montaigne parle d’une écriture un peu avant 18 ans dans la première édition des Essais, I, XXVIII De l’amitié) que La Boétie aurait rédigé au moins une première version du Discours de la servitude volontaire. Montaigne écrit : « Je me suis avisé d’en emprunter un d’Estienne de la Boétie, qui honorera tout le reste de cette besogne. C’est un discours auquel il donna nom : La Servitude volontaire : mais ceux qui l’ont ignoré, l’ont bien proprement depuis rebaptisé, Le Contre Un. Il l’écrivit par manière d’essai, en sa première jeunesse, à l’honneur de la liberté contre les tyrans. » (Essais, I, 28 De l’amitié). C’est ce texte que Montaigne lit qui inaugure leur rencontre et leur amitié selon la première édition des Essais de 1580. La Boétie a dû faire circuler des copies du texte. Montaigne donne comme raison de l’écriture un mot de Plutarque : « Il y a dans Plutarque beaucoup de discours étendus très-dignes d’être sus : car à mon gré c’est le maître ouvrier de telle besogne : mais il y en a mille qu’il n’a que touché simplement : il guigne seulement du doigt par où nous irons, s’il nous plaît, et se contente quelquefois de ne donner qu’une atteinte dans le plus vif d’un propos. Il les faut arracher de là, et mettre en place marchande. Comme ce sien mot, Que les habitants d’Asie servaient à un seul, pour ne savoir prononcer une seule syllabe, qui est, Non, donna peut être, la matière, et l’occasion à la Boétie, de sa Servitude volontaire. » Montaigne, Essais, I, 25 De l’institution des enfants.

Le 31 mars 1547, François 1er meurt. Son fils, Henri II (1519-1547-1559) lui succède.

En 1548 a lieu en Guyenne, Saintonge et en Angoumois, un soulèvement populaire contre la gabelle (une taxe royale sur le sel) que le roi Henri II impose alors que ces territoires en étaient jusque là dispensés. Les milices de paysans (comprenant jusqu’à 10 000 hommes en tout) s’attaquent aux receveurs des gabelles mais aussi aux nobles et aux riches. Du 17 au 22 août, les rues de Bordeaux grouillent d’émeutiers. Le gouverneur de Bordeaux, Tristan de Moneins ( ?-1548), est exécuté le 21 août. Dans les Essais (I, 24 Divers événements de même conseil), Montaigne relate l’événement dont il prétend avoir été témoin. Le futur beau-père de Montaigne, Geoffroy de La Chassaigne (1491-1565) réussit à obtenir une trêve des émeutiers. En octobre, le roi Henri II envoie deux armées commandées par le connétable Anne de Montmorency (1493-1567). Il réprime dans le sang la révolte. Il fait exécuter plus d’une centaine de paysans. Le parlement de Bordeaux est suspendu jusqu’en 1551. On peut raisonnablement penser que les événements ont été la matière de discussion entre Montaigne et La Boétie lorsqu’ils se sont connus. La Boétie commence à étudier le droit à l’université d’Orléans qui avait bonne réputation (cf. Machiavel [1469-1527], Rapport sur les choses de France, 1510). Il a pour maîtres les juristes Charles Dumoulin (1500-1566) et le protestant Anne du Bourg (1521-1559).

En 1549 une brève épidémie de peste se déclare.

En 1551, le parlement de Bordeaux est rétabli.

Le 23 septembre 1553, Etienne de La Boétie obtient sa licence en droit. On peut estimer qu’il a remanié son Discours de la servitude volontaire durant ses années d’études à Orléans. En effet, sa référence aux poètes français (GF, p.143-144) suppose qu’ils aient publié. Or, Joachim Du Bellay (1522-1560) publie la Défense et illustration de la langue française en 1549. Pierre de Ronsard (1524-1585) publie les quatre premiers livres de ses Odes en 1550, tandis que Du Bellay publie son premier recueil, L’Olive, Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) publie Les Amours en 1552. Si Ronsard publie La Franciade en 1572, le projet était antérieur, La Boétie, poète lui aussi, a pu en être averti. Guillaume de Lur, seigneur de Longa ( ?-1557), un humaniste membre du parlement de Bordeaux, est appelé au parlement de Paris par le roi Henri II par lettres-patentes datées du 20 janvier. C’est ce dernier qui est nommé deux fois comme le destinataire du Discours de la servitude volontaire. La Boétie le remplace. Il reçoit le 13 octobre par lettres-patente pour pourvoir « son aimé et féal Maître Estienne de La Boétie de l’office de conseiller en la cour par la résignation de Maître Guillaume de Lur ». Comme la charge exigeait 25 ans le roi a joint joignait des lettres de dispenses au parlement de Bordeaux. On y lit : « Attendu sa suffisance qui supplée en cet endroit l’âge qui lui pourrait défaillir, et ne voulant cela lui nuire et préjudicier en aucune manière, vous mandons… que… vous ayez à recevoir le dit La Boétie au serment. »

Le 11 mai 1554, toutes les chambres se réunissent pour discuter de son admission et le 17 mai, il entre en fonction au Parlement en prêtant serment. La Boétie épouse Marguerite de Carle, sœur de Lancelot de Carle (1508-1568), évêque de Riez, et ami de Ronsard et de toute la Pléiade. Elle est aussi sœur du président Pierre de Carle. Elle est, depuis 1552, veuve de Jean d’Arsac, seigneur d’Arsac, du Castera de Saint-Germain, de Lilhac et de Loyrac en Médoc, issu d’une vieille famille de chevalerie.

En 1557, Michel de Montaigne entre au Parlement de Bordeaux. Anne du Bourg devient conseiller au parlement de Paris.

C’est vers 1558 que Montaigne et La Boétie se rencontrent et se lient d’une amitié fameuse avec lui. S’il a « une âme très belle » écrira Montaigne, il a un visage disgracieux (cf. Montaigne, Essais, III, 12 De la physionomie). C’est la lecture du Discours de la servitude volontaire qui lui donna l’envie de le rencontrer, preuve que le texte circulait et que Montaigne en avait un manuscrit qui a disparu de ses affaires. Dans les Essais, Montaigne écrit à propos de leur amitié : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi. » (Essais, I, 28 De l’amitié).

Le 3 avril 1559, le traité du Cateau-Cambrésis entre la France d’Henri II et l’Espagne de Philippe II met fin aux guerres d’Italie qui avaient commencé en 1494. En juin, Anne du Bourg critique la politique antiprotestante d’Henri II. Il est immédiatement arrêté. Le 10 juillet, Henri II meurt, mortellement blessé dans un tournoi. Son fils François II (1544-1559-1560) lui succède. Les Guise prennent le pouvoir. Anne du Bourg est jugé et condamné. Il est supplicié le 23 décembre 1559 après un procès pour hérésie.

Le 5 décembre 1560, François II meurt. Son frère Charles IX lui succède (1550-1560-1574). C’est leur mère Catherine de Médicis (1519-1589) qui détient le pouvoir. La Boétie est chargé en ce mois de décembre d’une mission relative aux émoluments des magistrats bordelais. Il se rend à Paris pour rencontrer le chancelier Michel de L’Hospital (1507-1573), conseiller de Catherine de Médicis.

Il rentre à Bordeaux en mars 1561. Le 19 avril, une ordonnance prône une politique de tolérance entre catholiques et protestants. La Boétie est chargé de la défendre devant le parlement de Bordeaux plutôt acquis à une défense stricte du catholicisme. En septembre, des troubles opposent catholiques et protestants dans l’agenais. Le roi demande à Burie, son lieutenant à Bordeaux, d’aller y ramener le calme. Burie amène La Boétie avec lui après en avoir la demande au parlement de Bordeaux. Dans une lettre au roi où il rend compte de sa mission, il écrit : « Et ai ici avec moi le conseiller qu’elle m’a baillé, qui se nomme Monsieur de La Boétie, lequel est fort docte et homme de bien ». Le 16 octobre, les protestants sont traqués et massacrés à Cahors.

Le 17 janvier 1562 est pris un édit qui accorde une certaine tolérance au culte protestant. Le 1er mars 1562, le massacre de Vassy où les catholiques du duc de Guise massacrent des protestants qui célébraient un office dans une grange, ouvre la première guerre de religion (1562-1563). La Boétie rédige (au milieu de l’année) un Mémoire sur l’édit de janvier 1562 où il défend la thèse d’un catholicisme d’État. En décembre, il fait partie des douze parlementaires bordelais qui accompagnent une troupe de 1200 hommes chargés d’arrêter une troupe de protestants marchand sur Bordeaux.

Le 19 mars 1563, l’édit d’Amboise qui permet aux protestants d’avoir des lieux de culte met fin à la première guerre de religion. Tombé malade (dysenterie ou peste), La Boétie rédige son testament et meurt le 18 août 1563 près de Bordeaux dans les bras de sa femme avec Montaigne à son chevet. Peu avant de mourir, il lui écrit : « Mon frère que j’aime si chèrement et que j’avais choisi parmi tant d’hommes pour faire renaître avec vous cette amitié vertueuse et sincère dont, à cause des vices, l’usage nous a quittés depuis si longtemps qu’il n’en reste de traces que dans les souvenirs qu’on a de l’antiquité ; je vous supplie de vouloir être l’héritier de ma bibliothèque et de mes livres que je vous donne comme signes de mon affection : c’est un présent bien petit, mais fait de bon cœur ; il vous convient en raison de l’affection que vous avez pour les études. Cela vous sera un souvenir de votre compagnon » (extrait d’une lettre de Montaigne à son père, cité par Gérard Allard, « Les servitudes volontaires : leurs causes et leurs effets selon le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie », in Laval théologique et philosophique, vol. 44, n° 2, 1988, p.138).

 À l’automne 1567 commence la deuxième guerre de religion après que des protestants ont massacré des catholiques à Nîmes.

Le 23 mars 1568, l’édit de Longjumeau qui confirme l’édit d’Amboise met fin à la deuxième guerre de religion. En août commence la troisième guerre de religion après une nouvelle législation antiprotestante.

Le 8 août 1570, l’édit de Saint-Germain met fin à la troisième guerre de religion. Montaigne publie une partie des œuvres de La Boétie à l’exception des œuvres politiques, à savoir le Discours de la servitude volontaire et Quelques mémoires de nos troubles sur l’édit de janvier 1562. Il s’en justifie ainsi : « Parce que j’ai trouvé que cet ouvrage a été depuis mis en lumière, et à mauvaise fin, par ceux qui cherchent à troubler et changer l’état de notre police, sans se soucier s’ils l’amenderont, qu’ils ont mêlé à d’autres écrits de leur farine, je me suis dédit de le loger ici. Et afin que la mémoire de l’auteur n’en soit intéressée en l’endroit de ceux qui n’ont peu connaitre de près ses opinions et ses actions : je les avise que ce sujet fut traité par lui en son enfance, par manière d’exercitation seulement, comme sujet vulgaire et tracassé en mil endroits des livres. Je ne fais nul doute qu’il ne crut ce qu’il écrivait : car il était assez consciencieux, pour ne mentir pas même en se jouant : et sait davantage que s’il eut eu à choisir, il eut mieux aimé être né à Venise qu’à Sarlat ; et avec raison : Mais il avait une autre maxime souverainement empreinte en son âme, d’obéir et de se soumettre très-religieusement aux lois, sous lesquelles il était né. Il ne fut jamais un meilleur citoyen, ni plus affectionné au repos de son pays, ni plus ennemi des remuements et nouvelletés de son temps : il eut bien plutôt employé sa suffisance à les éteindre, qu’à leur fournir de quoi les émouvoir davantage : il avait son esprit moulé au patron d’autres siècles que ceux-ci. » (Essais, I, 28 De l’amitié). Il s’agit d’une traduction de La ménagerie de Xénophon, de La règle du mariage et la Lettre de consolation de Plutarque, les six premiers chapitres des Économiques, faussement attribués à cette époque à Aristote. Il s’agit aussi de 29 sonnets.

Quatre jours après le mariage d’Henri de Bourbon (1553-1589-1610), roi de Navarre et protestant avec sa cousine Marguerite de Valois (1553-1615, La Reine Margot selon le roman d’Alexandre Dumas), la sœur de Charles IX, l’amiral de Coligny (1519-1572), chef des protestants, est victime d’un attentat le 22 août. Il est seulement blessé. Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, à Paris puis en province, a lieu, le jour de la saint Barthélémy, le massacre de milliers de protestants. Henri de Navarre et le prince de Condé (1552-1588) sont épargnés parce qu’ils sont prince du sang. Ils doivent abjurer la religion protestante. Débute la quatrième guerre de religion.

Le 11 juillet 1573, la quatrième guerre de religion s’achève avec l’enregistrement par le parlement de Paris de l’édit de Boulogne, plus restrictif que les précédents.

En 1574, paraît la première édition du Discours de la servitude volontaire, incomplet, tronqué, mutilé, sans nom d’auteur, dans le Réveille-Matin des François et de leurs voisins sous le nom d’Eusèbe Philadelphe Cosmopolite. Il s’agit d’un ouvrage collectif d’obédience protestante qui s’en prend à la monarchie française. Le 30 mai, le roi Charles IX meurt. Son frère, Henri III (1551-1574-1589) lui succède. Le mouvement des malcontents qui veulent une résolution du conflit religieux conduit à des troubles qui constituent la cinquième guerre de religion avec des combats dans le Poitou et la Saintonge.

Le 6 mai 1576, l’édit de Beaulieu augmente les droits des protestants et met fin à la cinquième guerre de religion. La même année, le protestant Simon Goulart (1543-1628) fait paraître les Mémoires de l’état de France sous Charles IX contenant les choses les plus notables, faites et publiées tant par les catholiques que par ceux de la religion, depuis le troisième édit de pacification fait au mois d’Août 1570 jusques au règne de Henry troisième, & réduits en trois volumes, chacun desquels a un indice des principales matières y contenus qui, dans son tome III (publié en 1577), donne de larges extraits du Discours de la servitude volontaire sans que La Boétie soit mentionné. On peut raisonnablement penser que des manuscrits circulaient pour que les protestants l’aient possédé. Les États généraux de Blois abolissent l’édit de Beaulieu et restreignent le culte protestant.

En mai 1577 les combats reprennent : c’est la sixième guerre de religion qui commence. Le 14 septembre, elle prend fin avec la paix de Bergerac suivi en octobre de l’édit de Poitiers qui permet au culte protestant d’avoir lieu dans les faubourgs des chefs lieux de chaque baillage.

Le 7 mai 1579, le parlement de Bordeaux fait brûler les Mémoires de l’état de France sous Charles IX de Simon Goulart qui contenaient le Discours de la servitude volontaire de La Boétie.

En novembre 1580, les combats reprennent : c’est la septième guerre de religion. Le traité de Fleix du 26 novembre y met fin. Dans le même temps, Montaigne publie la première édition de ses Essais. Dans celui consacré à l’amitié (I, XXVIII), il évoque le discours Sur la servitude volontaire et son autre nom, le Contr’Un. Il souligne le contenu inoffensif de l’ouvrage de son ami. Il est clair que l’ouvrage était plutôt explosif.

Le 10 juin 1584, le duc d’Alençon (1555-1584), dernier frère du roi Henri III meurt de tuberculose. Le roi n’ayant pas d’enfant mâle, Henri de Navarre, cousin du roi mais chef des protestants, devient l’héritier légitime du trône de France.

En 1585, le duc de Guise (1550-1588), à la tête des ultras catholiques connus sous le nom de Ligue, impose le traité de Nemours qui donne lieu à un édit enregistré au parlement le 18 juillet 1585. Les protestants ont six mois pour abjurer ou s’exiler, les pasteurs sont bannis et toutes les places fortes doivent être rendus. La guerre reprend.

Le 12 mai 1588, Paris se soulève en faveur de la Ligue lors de la « journée des barricades ». Henri III s’enfuit et se réfugie à Blois. Henri III se rapproche d’Henri de Navarre. Leurs deux armées se joignent et se dirigent vers Paris. Les Parisiens s’opposent au roi qui s’est allié avec les hérétiques. En décembre durant les états généraux de Blois, Henri III fait assassiner le duc de Guise et son frère le cardinal de Lorraine.

Le 1er août 1589, Henri III est assassiné par le moine fanatique Jacques Clément (1567-1589). Henri de Navarre devient roi sous le nom d’Henri IV. Il lui reste à conquérir son royaume.

En mars 1590, Henri IV remporte la bataille d’Ivry. Il fait le siège de Paris.

Le 25 juillet 1593, Henri IV abjure une nouvelle fois (« Paris vaut bien une messe » lui fait-on dire). Il est sacré à Chartres.

En 1594, Paris ouvre ses portes à Henri IV.

En 1595, Henri IV reçoit l’absolution du Pape et déclare la guerre à l’Espagne dont les troupes soutenant la Ligue sont présentes en France.

En 1598, le traité de Vervins conduit au départ des troupes espagnoles.

C’est à Nantes, en avril 1598, qu’Henri IV signe le fameux édit qui met fin aux guerres de religion. Cet édit instaure la coexistence religieuse entre catholiques et protestants. Le culte réformé est autorisé dans tous les lieux où il existait en 1597 et l’accès à toutes les charges est garanti aux réformés.

En 1727, à la suite de la réédition des Essais de Montaigne par le protestant Pierre Coste (1668-1747), traducteur des œuvres du philosophe Locke (1632-1704), se trouvent les 29 sonnets de La Boétie ainsi que son Discours de la servitude volontaire.

En 1735 paraît une traduction anonyme en anglais du Discours de la servitude volontaire.

Durant la révolution française, le Discours de la servitude volontaire est publié ou plagié.

En 1837, Hugues-Félicité Robert de Lamennais (1782-1854), ancien prêtre et publiciste chrétien ; publie le Discours de la servitude volontaire avec une préface (cf. l’édition de la Petite Bibliothèque Payot).

En 1892 sont publiées les Œuvres complètes de La Boétie (moins le Mémoire touchant l’édit de janvier 1562) par Paul Bonnefon (1861-1922). On y trouve : une préface et introduction intitulé : Estienne de La Boëtie, sa vie, ses ouvrages et ses relations avec Montaigne de Paul Bonnefon puis le Discours de la Servitude volontaire ; Avertissement au lecteur par M. de Montaigne ; Lettre à M. de Lansac ; La Mesnagerie de Xénophon ; Lettre à M. de Mesmes ; Les règles de mariage de Plutarque ; Lettre à Mme de Montaigne ; Lettre de consolation de Plutarque à sa femme ; Lettre au chancellier de L’Hospital ; Stephami Boetiani Poemata ; Lettre à M. de Foix ; Vers françois de feu Estienne de La Boétie ; Lettre à Mme de Grammont ; Vingt-neuf sonnets d’Estienne de La Boétie ; Extrait d’une lettre que Monsieur le conseiller de Montaigne écrit à Monseigneur de Montaigne, son père, concernant quelques particularités qu’il remarqua en la maladie et mort de feu Monsieur de La Boétie.

En 1913, Paul Bonnefon transcrit pour la Revue d’Histoire Littéraire de la France le Mémoire touchant l’édit de 1562 qu’il a retrouvé.

En 1922 est publié le Discours de la servitude volontaire suivi de Mémoire touchant l’Edit de janvier 1562 et d’une Lettre de M. le Conseiller de Montaigne, aux éditions Bossard par Paul Bonnefon (1861-1922). Il n’a pas le temps de relire son texte car la mort l’emporte.

En 1942, une édition traduite en anglais paraît aux États-Unis sous le titre Anti-dictator.

En 1963, le Discours de la servitude volontaire apparaît comme un classique du peuple aux Éditions sociales d’obédience marxiste selon la doctrine du Parti communiste français.

En 1976, l’édition du Discours de la servitude volontaire chez Payot est accompagnée d’une étude de l’anthropologue Pierre Clastres (1934-1977) et d’une étude du philosophe politique antitotalitaire Claude Lefort (1924-2010).

En 1983, le Discours de la servitude volontaire est publié chez Flammarion avec une étude de Simone Goyard-Fabre.

En 1993 le Discours de la servitude volontaire ou Contr’Un suivi de Mémoire touchant l’édit de 1562 suivi de sa réfutation par Henri de Mesmes est publié chez Gallimard, édité par Nadia Gontarbert, le Mémoire est présenté par Annie Prassoloff.