jeudi 12 octobre 2017

corrigé d'une dissertation : Croire, est-ce renoncer à savoir ?



On oppose souvent l’homme de la foi qu’on imagine crédule au savant qui abandonne les idées reçues pour le savoir. Croire, est-ce renoncer à savoir ?
Croire, c’est-à-dire accepter comme vraie une idée sans l’avoir examinée impliquerait de renoncer à savoir. En effet, on estime ne pas avoir besoin de chercher à savoir. On la détiendrait la vérité. On se fie aux idées que l’on a.
Pourtant, ne voit-on pas des savants chercher qui sont en même temps croyants ?
Dès lors, on peut se demander si croire, c’est nécessairement renoncer à savoir.
On verra en quoi croire implique de renoncer à savoir, puis en quoi croire peut être lié au savoir, et enfin dans quelle mesure croire peut rendre possible le savoir.


Croire, c’est donc donner son assentiment à une idée ou un fait sans chercher des preuves. C’est en cela que croire s’oppose à savoir. Or, pour savoir, il faut chercher à savoir, c’est-à-dire qu’il faut d’abord admettre qu’on est ignorant. Bref, comme le dit Alain à juste titre dans un de ses Propos sur la religion (propos du 29 avril 1923) il faut commencer par « ne plus croire ». Inversement, celui qui croit renonce ainsi à savoir puisqu’il ne remet pas en cause les idées qu’il tient pour vraies.
On voit alors que qui croit, c’est-à-dire fait confiance en quelqu’un, ne cherchera pas de preuve puisque précisément, c’est dans la confiance ou la foi que l’on se place. Il est clair qu’on ne va pas chercher à prouver la valeur d’une amitié ou d’un amour. Croire, au sens d’avoir la foi, c’est encore renoncer à savoir.
Toutefois, il ne serait pas possible de savoir, s’il n’y avait aucune base sur laquelle s’appuyer. Il paraît donc nécessaire de croire. En quoi donc croire n’est pas renoncer à savoir ?

On peut avec Diderot dans l’article « Croire » de l’Encyclopédie distinguer croire sans avoir examiné ou en ayant mal examiné et croire après avoir examiné. Dans le dernier cas, loin de renoncer à savoir, c’est justement la recherche du savoir qui conduit à croire. En effet, le savoir par définition est toujours vrai alors que la croyance peut être vraie ou fausse comme Socrate le montre à Gorgias le personnage éponyme d’un dialogue de Platon. Aussi, lorsqu’on a examiné, qu’on a soupesé les preuves dont on dispose, on peut croire, même si on se trompe comme Diderot l’indique.
Croire, c’est aussi avoir foi en quelqu’un. S’il est vrai qu’on ne va pas chercher à prouver la foi, toujours est-il que croire en quelqu’un n’interdit pas de chercher à savoir qui il est. On s’intéresse à ce qu’est son ami. Et c’est bien la foi en l’autre qui rend possible la confidence, le partage des idées et des sentiments. Croire, au sens d’avoir la foi n’est pas non plus renoncer à savoir.
Cependant, il est clair que croire dirige l’esprit de sorte que si on croit, on sera amené à accepter ce qui va en faveur des preuves comme l’expérience sera vue à la lumière de ce en quoi on a foi. S’il faut donc croire pour savoir et si croire consiste à renoncer à savoir, comment sortir de cette contradiction ?

Le savoir ne peut pas ne pas sacrifier les croyances et autres convictions comme Nietzsche le soutient justement dans Le Gai Savoir. C’est qu’en effet, il lui faut nécessairement remettre en cause. Il lui faut commencer par des hypothèses et non par des croyances. On entend par là non pas le fait d’être dans une certaine incertitude tout en penchant pour une certaine idée, mais au contraire dans une égale distance entre l’assentiment et le refus. C’est la condition pour rechercher impartialement des preuves.
C’est aussi pour cela qu’on ne peut connaître les autres que lorsqu’on est dans une position impartiale, c’est-à-dire lorsqu’on ne croit pas en eux. Le médecin, le psychologue ou le juge ne doivent pas avoir foi en ceux qu’ils examinent ou qu’ils jugent. C’est leur position d’extérioriré et donc leur absence de foi qui leur permet de savoir.
Il n’en reste pas moins vrai que toute recherche de la vérité comme Nietzsche le soutient repose sur une croyance fondamentale, à savoir que la vérité existe, qu’elle est nécessaire. En ce sens, cette croyance n’implique pas de renoncer au savoir. Au contraire, c’est elle qui rend possible le savoir. Car, qui cherche à savoir, cherche nécessairement la vérité et doit donc croire en elle pour la rechercher. Il ne peut en effet savoir qu’elle existe puisque précisément, il la recherche.


Disons donc pour finir que le problème était de savoir si croire est nécessairement renoncer à savoir. Il apparaît que savoir repose sur le refus de croire, ce qui implique inversement que croire entraîne de renoncer à savoir, c’est-à-dire à ne pas chercher de preuves. Mais il n’est pas possible de savoir sans s’appuyer sur des croyances. Or, comme elles sont aussi des obstacles, il n’y a en réalité qu’une croyance, mais absolument impérative qui est la condition de la recherche du savoir. Croire en la vérité, ce n’est pas renoncer à savoir. Croire, ce n’est pas donc nécessairement renoncer à savoir.