dimanche 31 mars 2019

Corrigé (terminales technologiques) : texte de Freud sur la tâche principale de la culture

Sujet.
C’est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rapprochés et avons créé la civilisation qui, entre autres raisons d’être, doit nous permettre de vivre en commun. À la vérité, la tâche principale de la civilisation, sa raison d’être essentielle est de nous protéger contre la nature. On le sait, elle s’acquitte, sur bien des chapitres, déjà fort bien de cette tâche et plus tard elle s’en acquittera évidemment un jour encore bien mieux. Mais personne ne nourrit l’illusion que la nature soit déjà domptée, et bien peu osent espérer qu’elle soit un jour tout entière soumise à l’homme. Voici les éléments, qui semblent se moquer de tout joug que chercherait à leur imposer l’homme : la terre, qui tremble, qui se fend, qui engloutit l’homme et son œuvre, l’eau, qui se soulève, et inonde et noie toute chose, la tempête, qui emporte tout devant soi ; voilà les maladies, que nous savons depuis peu seulement être dues aux attaques d’autres êtres vivants, et enfin l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grand tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieurs de la nature.
FreudL’avenir d’une illusion, 1927.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

Questions

1 – Dégagez l’idée centrale et le mouvement général du texte.
2 – Expliquez :
a) Pourquoi le projet de maîtrise de la nature est-il qualifié par Freud d’« illusion » ?
b) En quel sens la nature peut-elle être à la fois « sublime » et « cruelle » ?
c) Pourquoi la lutte contre les catastrophes est-elle qualifiée par Freud de « spectacle noble et exaltant » ?
3 – La tâche principale de la civilisation est-elle de nous protéger contre la nature ?

Corrigé
Pourquoi les hommes se rassemblent-ils et surtout pourquoi œuvrent-ils, à ce qu’on nomme culture ou civilisation ? Tel est le problème que Freud tente de résoudre dans ce texte.
Le fondateur de la psychanalyse veut montrer que la fonction essentielle de la culture est de protéger l’homme de la nature. Or, les hommes ont aussi à régler la question de leurs relations mutuelles. Dès lors, on peut se demander si la culture a bien pour fonction principale la maîtrise toujours plus grande quoique infinie de la nature ou bien si elle a plutôt pour fonction essentielle de permettre à des groupes d’hommes voire à l’humanité tout entière de vivre pleinement ensemble.


L’extrait pose les dangers dont la nature nous menace comme point de départ explicatif pour rendre compte du fait que les hommes se rassemblent et créent la civilisation. Une telle explication suppose d’une part des hommes au départ isolés dans une sorte d’état de nature. Elle implique qu’ils perçoivent une nature dangereuse et qu’ensuite ils raisonnent et se mettent ensemble. Or, Freud affirme que la civilisation ou culture a aussi pour fonction de nous permettre de vivre en commun. Dès lors d’emblée le problème apparaît. Est-ce la protection vis-vis de la nature, ou bien l’être en commun, ou bien les deux, l’aspect principal de la culture ?
Freud opte pour la fonction de protection vis-à-vis de la nature. Il indique de façon générale que cette fonction est réalisée sur certains points et qu’elle le sera de mieux en mieux. Il nous fait donc part de sa foi au progrès sur ce plan. Toutefois, il s’oppose à ce qu’il nomme une illusion, à savoir la maîtrise totale de la nature. Personne dit-il n’a cette illusion pour son époque – et peut-être en va-t-il également de même pour la nôtre. Toutefois, il y a bien quelques personnes, même si elles sont peu nombreuses selon lui, qui espèrent que la nature soit un jour entièrement domptée par l’homme. On reconnaît là une forme particulièrement absolue du projet cartésien, plus modeste, qui était de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, VI° partie).

Pourquoi une illusion, sinon parce qu’il s’agirait d’un désir irréalisable. Ce qui implique donc que la nature est toujours plus forte que l’homme.


Pour le montrer, Freud énumère les faits naturels qui, selon lui, empêchent de considérer comme possible la domination totale de la nature sur l’homme. Ce qui confirme alors qu’il s’agit là d’une illusion. De tels faits montrant en même temps en quoi la tâche principale de la civilisation reste entière et toujours la même. Le premier exemple est celui du tremblement de terre. S’il est vrai que l’homme est impuissant face à un tremblement de terre, il peut ne pas construire sur une zone sismique à partir du moment où il en reconnaît une, ni construire des immeubles qui sont des châteaux de cartes. Bref, le tremblement de terre frappe plus durement les hommes civilisés que ceux qu’on estime primitifs ou sauvages et qui peuvent reconstruire rapidement leurs modestes habitations. Est-ce alors la nature qu’il faut combattre ou la démesure humaine ?
Le second exemple est celui de l’eau qui noie et engloutit. Mais pourquoi construire près des côtes peut-on objecter à l’auteur ? Pourquoi s’installer là où on risque d’être noyé ? Et même aujourd’hui où le niveau de la mer monte, n’est-ce pas la mauvaise organisation des relations entre les hommes qui explique que leur œuvre est noyée ? De même la tempête détruit les bateaux qui s’aventurent en haute mer, jamais les canots de ceux qui empruntent de paisibles cours d’eau. Bref, les exemples de catastrophes naturelles qu’ils proposent ne sont entièrement probants.
L’exemple des maladies est plus intéressant. Freud rappelle que c’est depuis peu qu’elles sont comprises comme le fait d’attaque d’êtres vivants. Il fait référence à la révolution de Pasteur (1822-1895) qui a découvert les « microbes ». Ainsi c’est l’ignorance qui rendait les maladies immaîtrisables. La connaissance fait justement espérer qu’on puisse diminuer, voire détruire nombre de maladies. Dès lors, seule une connaissance absolue permettrait la maîtrise absolue de la nature. Bref, elle n’a de sens que pour Dieu et il est sûr que l’homme n’est pas Dieu.
Mais certaines maladies sont le fait des mœurs des hommes et non de la nature. Dès lors, il n’est pas évident que la nature soit dangereuse en elle-même et non l’homme et la façon dont il vit. Àquoi s’ajoute que la façon dont les hommes se traitent les uns les autres est tout autant source de maladies. Dès lors, il n’est pas évident que la protection de la nature soit pour la culture une tâche plus importante que l’organisation des relations des hommes entre eux.
Enfin l’exemple de la mort quant à lui est probant. En effet, Freud fait remarquer non seulement que personne ne la maîtrise mais que personne ne peut la maîtriser. Si les croyants quant à eux admettent qu’ils peuvent avoir l’espérance de la résurrection, les athées qui le nient ne se voient pas réaliser la vie éternelle. Bref, la mort est l’événement naturel qui marque effectivement la limite absolue de la civilisation humaine.

Mais justement, c’est à éviter que les hommes se l’infligent les uns les autres qu’il semble plus important d’y remédier car il y a moins de tremblements de terre et autres catastrophes que de guerre ou de révolutions.


Freud oppose alors les forces de la nature aux forces humaines et fait des différentes catastrophes qu’il a énuméré ce qui rappelle aux hommes leur tâche essentielle. Cette nature, il nous la présente de façon apparemment contradictoire. Elle est à la fois sublime et cruelle. Or, est sublime ce qui produit sur nous une forte émotion en fonction de sa grandeur. Si la nature est sublime, nous l’admirons en ce sens. Par contre, est cruel ce qui exerce sur autrui une méchanceté gratuite, bref, qui prend plaisir à faire souffrir les autres. De ce point de vue, penser que la nature est cruelle, c’est la personnifier indûment, car, comment pourrait-elle sauf à la concevoir comme une sorte de déesse, être cruelle ? Mais pour nous, tout se passe comme si elle l’était puisque les catastrophes naturelles sont douloureusement vécues et proviennent de sa grandeur et de la supériorité absolue de sa force. On comprend alors le sens de ces deux qualificatifs qui montrent par contraste notre petitesse. De même, la nature est inexorable, ce en quoi elle n’est pas une personne qui pourrait agir librement et faire autrement. Parce que l’homme donc se révèle faible par rapport à la nature, ses difficultés avec elle manifestent la tâche essentielle de la civilisation.
C’est pourquoi enfin Freud présente la lutte contre les catastrophes naturelles comme un « spectacle noble et exaltant ». En effet, les hommes dans de telles circonstances, mettent de côté selon l’auteur tout ce qui les oppose et s’unissent pour réussir leur lutte. Si le spectacle est noble c’est en tant qu’il montre ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Et s’il est exaltant, c’est en tant qu’il donne la volonté de participer à cette œuvre. Or, pour que les hommes s’adonnent à cette tâche, encore faut-il qu’ils s’unissent. Sans cette union, leur tâche principale selon Freud n’est pas possible. Lui-même note qu’ils doivent oublier tout ce qui les oppose. Or, la tâche qu’il qualifie de principale n’est pas la première mais la seconde. Et sans l’union, c’est-à-dire si les hommes ne commençaient par s’unir, les hommes ne pourraient ni lutter contre la nature, ni réparer les dommages qu’eux-mêmes créent. Dès lors, il n’est pas illégitime de penser que par tâche principale, Freud n’entend pas la tâche la première, mais celle qui est la condition pour que les hommes puissent continuer à exister sur terre.


Disons pour finir que le problème dont traite l’auteur dans ce texte est celui de savoir quelle est la fonction principale de la civilisation ou de la culture comme on voudra dire, à savoir est-ce d’unir les hommes ou est-ce de permettre aux hommes d’affronter la nature. L’union entre les hommes apparaît comme essentielle en ce sens que sans elle, les hommes ne pourraient lutter contre la nature. Mais Freud énumère tous les obstacles naturels qui montrent que les hommes ne pouvant dominer la nature, leur union n’est pas le but de la culture, mais la préservation de leur existence face à une nature parfois destructrice de leur but. On a pu toutefois voir en quoi l’union entre les hommes et le travail pour qu’ils ne se détruisent pas entre eux et une tâche parfois tout aussi importante.


CPGE scientifiques programme français-philosophie 2020

Programme (provisoire) de français-philosophie pour 2020

Thème
La démocratie

Œuvres
Aristophane, Les Cavaliersl’Assemblée des femmes, traduction Jean-Marc Alfonsi.
Autres traductions sur le site Remacle

Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome II, quatrième partie : de l’influence qu’exercent les idées et les sentiments démocratiques sur la société politique


Philippe Roth, Le complot contre l’Amérique

dimanche 24 mars 2019

Corrigé (terminales technologiques) : texte de Merleau-Ponty sur l'opposition du naturel et du culturel

Sujet.
Il n’est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d’embrasser dans l’amour (1) que d'appeler table une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain sont en réalité des institutions (2). Il est impossible de superposer chez l’homme une première couche de comportements que l’on appellerait « naturels » et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique – et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme.
Merleau-Ponty, La phénoménologie de la perception (1945)

(1) On sait que le baiser n’est pas en usage dans les mœurs traditionnelles du Japon (note de l’auteur).
(2) Chez les indigènes des îles Trobriand, la paternité n’est pas connue. Les enfants sont élevés sous l’autorité de l’oncle maternel (note de l’auteur).

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

Questions

1) Dégagez la thèse soutenue par l’auteur et les articulations du texte.
2)
a. Expliquez l’expression : « par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque » ?
b. Quels critères permettent de distinguer le « naturel » et le « fabriqué » ?
3) En quoi chez l’homme toute conduite est-elle détournée de la simplicité de son sens biologique ?



Corrigé

On oppose souvent en l’homme et hors de l’homme ce qui relève de la nature et ce qui relève de la culture. Cette distinction théorique est peut-être utile pour ne pas croire que sont naturels des comportements inventés, voire pour éviter l’ethnocentrisme qui fait considérer que tout ce qui n’est pas familier est barbare ou sauvage. Reste que concrètement, il n’est peut-être pas si simple d’opérer une telle coupure. C’est dans ce sens que Merleau-Ponty tente dans ce texte extrait de La phénoménologie de 1945, d’examiner la pertinence de cette distinction.

1)
Merleau-Ponty veut montrer que les comportements humains ne peuvent se distinguer en culturels et naturels.
L’extrait commence par l’exposé de deux exemples où l’auteur nie la pertinence de la distinction entre le naturel et le conventionnel, à savoir crier dans la colère et embrasser dans l’amour qu’il compare au fait d’appeler table l’objet table. Pour l’exemple du baiser en amour, une note précise qu’il n’était pas d’usage dans la culture traditionnelle du Japon. On comprend donc que le comportement n’est pas simplement naturel comme on pourrait le croire de même que crier dans la colère. Par contre, l’objet table peut être nommé table en français, « Tisch » en allemand « mesa » en espagnol. Là, l’auteur nie que la nomination soit seulement conventionnelle.
Il généralise ensuite ses exemples en indiquant que tout ce qui relève de l’affectivité ou du désir est créé comme le sont les mots, c’est-à-dire est conventionnel. Il va jusqu’à prendre comme exemple ce qui semble une réalité purement physiologique, la paternité, pour en manifester le caractère aussi culturel. Une note précise que la paternité est inconnue chez les indigènes des îles Trobriand [des atolls qui se situent au large de la Nouvelle-Guinée dans le Pacifique qui ont été étudiés par l’anthropologue polonais Bronislaw Malinowski (1884-1942) notamment dans La vie sexuelle des sauvages du nord-ouest de la Mélanésie, publié en 1930]. La preuve en est que c’est l’oncle maternel qui élève les enfants. Il faut comprendre non pas que les Trobriandais ignorent le résultat de la conjonction entre un homme et une femme mais que le père biologique n’est pas forcément le père institutionnel. Il est clair que cet exemple est cité parce que dans la culture occidentale, c’est le père biologique qui assure la fonction d’éducation.
Merleau-Ponty déduit de ses analyses l’impossibilité de distinguer en l’homme deux types de comportements, à savoir des comportements qu’on considérerait comme naturels et d’autres qu’on considérerait comme culturels ou fabriqués. Il précise que chaque comportement humain est à la fois naturel et culturel. Il précise le sens de sa thèse. D’un côté tout mot ou tout comportement ont une origine biologique. D’un autre, ils ne sont pas seulement cela. S’y ajoute un sens inventé qui va au-delà du simple sens vital. Cet autre sens fait que l’homme sort de son être simplement biologique et qu’il se montre une sorte de créateur de sens multiples. C’est pour Merleau-Ponty deux caractères pour une définition possible de l’homme.

2)
a.
Un échappement se dit de ce qui sort de quelque chose. Merleau-Ponty fait ici référence au fait qu’un homme qui parle ou qui agit ne le fait pas simplement avec le sens biologique de la communication ou de l’expression ou de l’action. Il fait aussi autre chose. Il sort donc de la simple vie biologique. Si c’est vrai comme le pense Merleau-Ponty de toutes les conduites humaines, c’est que l’échappement est un élément de définition de l’homme.
Génie se dit soit de la capacité technique comme lorsqu’on parle du génie civil ou du génie dans l’armée soit des talents innés de l’individu comme lorsqu’on parle du génie de Mozart (1756-1791). En parlant de « génie de l’équivoque », Merleau-Ponty prend le terme dans son sens général de don de création qui porte donc sur l’invention de double sens. Ainsi l’homme en parlant et en agissant se trouve toujours dans le double sens naturel et culturel, c’est-à-dire qu’il invente cette équivoque.
Dès lors, il y a là deux éléments qui caractérisent en général l’homme puisqu’il n’est ni un être naturel, ni un être culturel, ni un être où l’on pourrait distinguer le naturel et le culturel.
b.
Même si on considère avec Merleau-Ponty qu’aucun comportement humain n’est à proprement parler seulement naturel ou seulement fabriqué, encore faut-il distinguer le « naturel » du « fabriqué ». Il est clair que par naturel Merleau-Ponty entend ce qui appartient au corps, à notre être biologique. De ce point de vue on trouvera chez les différentes espèces animales ou dans la science biologique ce qu’il y a de naturel en l’homme. Par contre le fabriqué, c’est ce que l’homme invente. D’après ses exemples, la table, la paternité, le baiser, sont fabriqués car on ne les trouve pas dans toutes les cultures. Est fabriqué, ce qui a un autre sens que le sens biologique, à savoir le sens institutionnel ou conventionnel qui est donc compris au moins du groupe qui l’utilise.

3)
Si donc le naturel apparaît comme le sens de nos conduites telles que notre être biologique nous le donne et si le culturel est le sens que l’homme y ajoute intentionnellement, dire avec Merleau-Ponty que toute conduite humaine est détournée de son sens biologique, c’est admettre à la fois qu’elle en a un et qu’elle ne l’a plus, ce qui semble contradictoire.
Dès lors, en quoi peut-on dire que chez l’homme toute conduite est détournée de la simplicité de son sens biologique ?


Une conduite est détournée de la simplicité de son sens biologique quand celui-ci disparaît. Ainsi alors que la sexualité a pour sens la reproduction, il n’en est rien chez l’homme. L’amour vise tout autre chose. L’exemple du baiser l’exprime. De même, crier pour manifester sa colère aura un sens pour la signifier à l’autre, pour qu’il le comprenne et non pour expurger ce qui fait mal.
Pourtant, comme l’auteur le laisse clairement entendre, la sexualité reste reproductive et la colère est bien aussi une manifestation biologique. Dès lors, ce n’est pas en faisant disparaître le sens biologique que l’on peut dire que chez l’homme toute conduite est détournée de la simplicité de son sens biologique. Est-ce en superposant un sens culturel sur le sens biologique ?

C’est ce que la distinction entre le naturel et le fabriqué laisse entendre. Si on peut les distinguer, il y aurait alors dans chaque conduite un sens biologique, le naturel et un sens culturel ou fabriqué que l’homme ajouterait. Le baiser est l’expression de l’amour qui s’ajoute à la sexualité purement biologique.
Mais Merleau-Ponty récuse cette opposition car la conduite est une et la distinction n’est qu’abstraite. N’est-ce pas donc dans l’équivoque du naturel et du culturel que l’on peut dire que chez l’homme toute conduite est détournée de la simplicité de son sens biologique ?

En effet, chaque conduite est redevable des deux lectures mais c’est qu’elle n’a pas un sens mais au moins deux. Lorsqu’il embrasse dans l’amour l’homme exprime à la fois la pulsion sexuelle et une convention d’expression de l’amour qui n’est pas universelle comme l’exemple des mœurs traditionnelles du Japon le montre. Dès lors, si le sens biologique semble présent, le sens culturel fait plus que s’y ajouter, il le modifie. On dit avec raison que l’homme fait l’amour et non qu’il se reproduit, qu’il se nourrit et non qu’il mange, etc. Bref, que les conduites humaines ne sont pas simplement naturelles, qu’elles sont aussi culturelles que ce aussi est plus qu’une addition : c’est un changement de sens qui conserve en même temps le sens premier.


Disons donc pour finir qu’à la lecture de cet extrait de sa Phénoménologie de la perception, on peut penser que Merleau-Ponty a voulu montrer que l’opposition de la nature et de la culture n’était pas pertinente pour penser l’homme. Il est l’être entièrement naturel qui est capable de ne pas l’être seulement mais qui toujours transforme en le conservant le naturel pour inventer des sens nouveaux qui sont ceux de la culture. L’ambigüité du sens de toutes ses conduites font la spécificité de son existence.



mercredi 20 mars 2019

L'amour - analyse d'un extrait de l'Esthétique de Hegel sur l'amour

Analyses 3, 4 et 5.
Sujet.
Analyser chacune des parties, l’une après l’autre.

II. L’amour.
1° Idée de l’amour. – 2° Les collisions de l’amour. – 3° Son caractère accidentel. 
I. Si le caractère fondamental de l’honneur est le sentiment de la personnalité et de son indépendance absolue, dans l’amour, au contraire, le degré le plus élevé est l’abandon de soi-même, l’identification du sujet avec une autre personne d’un autre sexe. C’est le renoncement à son individualité propre, qui ne se retrouve que dans autrui. Sous ce rapport, l’honneur et l’amour sont opposés l’un à l’autre. 
Mais, d’un autre côté, nous pouvons considérer l’amour comme la réalisation d’un principe qui se trouve déjà dans l’honneur. L’honneur a essentiellement besoin de voir la personne qui se sent d’une valeur infinie, reconnue de même par une autre personne. Or cette reconnaissance est véritable et complète, non lorsque ma personnalité in abstracto, dans quelque cas particulier, et par conséquent limité, est respectée, mais lorsque moi tout entier, avec ce que je suis et renferme en moi-même, tel que j’ai été, tel que je suis et serai, je m’identifie avec un autre au point de constituer sa volonté, sa pensée, le but de son être et sa possession la plus intime. Alors cet autre ne vit qu’en moi comme je ne vis qu’en lui. Ces deux êtres n’existent pour eux-mêmes que dans cette unité parfaite. Ils placent dans cette identité toute leur âme et le monde entier. C’est ce caractère d’infinité intérieure qui donne à l’amour son importance dans l’art moderne, importance qui s’accroît encore par la richesse des sentiments que l’idée de l’amour renferme en elle-même. 
L’honneur s’appuie souvent sur des réflexions abstraites et sur la casuistique du raisonnement ; il n’en est pas de même de l’amour. Son origine est le sentiment, et comme la différence des sexes joue ici un grand rôle, il présente aussi le caractère d’un penchant physique spiritualisé. Cependant cette différence n’est essentielle que parce que l’individu met dans cette union son âme, l’élément spirituel et infini de son être. 
Ce renoncement à soi-même pour s’identifier avec un autre, cet abandon dans lequel le sujet retrouve cependant la plénitude de son être, constitue le caractère infini de l’amour. Et ce qui en fait principalement la beauté, c’est qu’il ne reste pas un simple penchant, ni un sentiment ; sous son charme, l’imagination voit le monde entier destiné à lui servir d’ornement. Il attire tout dans son cercle et n’accorde de prix aux objets que dans leur rapport avec lui. 
C’est surtout dans les caractères de femmes qu’il se révèle avec toute sa beauté ; c’est chez les femmes que cet abandon, cet oubli de soi, est porté à son plus haut degré. Toute leur vie intellectuelle et morale se concentre dans ce sentiment unique et se développe en vue de lui ; il fait la base de leur existence, et, si quelque malheur vient à le briser, elles disparaissent comme un flambeau qui s’éteint au premier souffle un peu violent.
L’amour ne présente pas ce caractère de profondeur dans l’art classique ; il n’y joue, en général, qu’un rôle subalterne, ou il n’apparaît que sous le point de vue de la jouissance sensible. Dans Homère, il est traité sans beaucoup d’importance ; il est représenté sous sa forme la plus digne dans la vie domestique, dans la personne de Pénélope, ou comme la tendre sollicitude de l’épouse et de la mère dans Andromaque, ou bien encore dans d’autres relations morales. Au contraire le lien qui unit Pâris à Hélène est reconnu immoral, et il est la cause déplorable de tous les malheurs, de tous les désastres de la guerre de Troie. L’amour d’Achille pour Briséis[1]n’a rien de profond ni de sérieux ; car Briséis est une esclave soumise au bon plaisir du héros. Dans les odes de Sapho[2], le langage de l’amour s’élève, il est vrai, jusqu’à l’enthousiasme lyrique ; cependant c’est plutôt l’expression de la flamme qui dévore et consume que celle d’un sentiment qui pénètre au fond du cœur et remplit l’âme. Dans les charmantes petites poésies d’Anacréon[3], l’amour présente un tout autre aspect. C’est une jouissance plus sereine et plus générale, qui ne connaît ni les tourments infinis, ni l’absorption de l’existence entière dans un sentiment unique, ni l’abandon d’une âme oppressée et languissante. Le poète se laisse aller joyeusement à la jouissance immédiate, naïvement et sans soucis, sans attacher d’importance à la possession exclusive d’une femme particulière. La haute tragédie des anciens ne connaît également pas la passion de l’amour dans le sens moderne. Dans Eschyle[4]et dans Sophocle[5], l’amour n’a pas la prétention d’exciter un véritable intérêt. Ainsi, quoique Antigone soit destinée à être l’épouse d’Hémon, que celui-ci s’intéresse à elle plus vivement qu’à son père, quoi qu’il aille même jusqu’à mourir à cause d’elle lorsqu’il désespère de la sauver, il fait cependant valoir devant Créon des raisons tout à fait indépendantes de sa passion. Celle-ci ne ressemble d’ailleurs nullement à celle d’un amant moderne et n’a pas le même caractère sentimental. Euripide[6]traite l’amour comme une passion plus sérieuse. Cependant l’amour de Phèdre apparaît chez lui comme un égarement coupable, causé par l’ardeur du sang et le trouble des sens, comme un poison funeste versé dans le cœur d’une femme par Vénus, qui veut perdre Hippolyte, parce que ce jeune prince refuse de sacrifier sur ses autels. De même nous avons bien, dans la Vénus de Médicis[7], une représentation plastique de l’amour, qui ne laisse rien à désirer sous le rapport de la grâce et de la perfection des formes ; mais on chercherait vainement l’expression du sentiment intérieur, tel que l’exige l’art moderne. On peut en dire autant de la poésie romaine. Après la destruction de la république, et à la suite du relâchement des mœurs, l’amour n’apparaît plus que comme une jouissance sensuelle.
Dans le moyen âge, au contraire, Pétrarque[8], par exemple, quoiqu’il regardât ses sonnets comme des jeux d’esprit, et fondât sa réputation sur ses poésies et ses œuvres latines, s’est immortalisé par cet amour idéal qui, sous le ciel italien, se mariait dans une imagination ardente avec le sentiment religieux. L’inspiration sublime du Dante[9]a aussi sa source dans son amour pour Béatrice. Cet amour se transforme dans l’amour religieux, lorsque son génie plein d’audace s’élève à cette conception sublime, dans laquelle il ose ce que personne n’avait osé avant lui, s’ériger en juge suprême du monde et assigner aux hommes leur place dans l’enfer, le purgatoire et le ciel. Comme pour former un contraste avec cette grandeur et cette sublimité, Boccace[10]nous représente l’amour dans la vivacité de la passion, un amour léger, folâtre, sans moralité, lorsqu’il met sous nos yeux, dans ses nouvelles si variées, les mœurs de son temps et de son pays. Dans les poésies des Minnesänger[11] allemands, l’amour se montre sentimental et tendre, sans richesse d’imagination, naïf, mélancolique et monotone. Dans la bouche des Espagnols, il abonde en images ; il est chevaleresque, quelquefois subtil dans la recherche et la défense de ses droits et de ses devoirs, dont il fait autant de points d’honneur personnels ; il est aussi enthousiaste, lorsqu’il se déploie dans tout son éclat. Chez les Français, il est, au contraire, plus galant ; il tourne à la vanité ; c’est un sentiment qui vise à l’effet poétique, dans l’expression duquel perce souvent beaucoup d’esprit et une subtilité sophistique pleine de sens. Tantôt c’est une volupté sans passion, tantôt une passion sans volupté, une sensibilité ou plutôt une sentimentalité raffinée qui s’analyse dans de longues réflexions. – Mais nous devons couper court à ces observations qui, prolongées davantage, seraient ici déplacées.
II. Le monde et la vie réelle sont remplis de causes de division. Or, que l’un se représente d’un côté la société avec son organisation actuelle, la vie domestique, les rapports civils et politiques, la loi, le droit, les mœurs, etc., et, en opposition avec cette réalité positive, une passion qui germe dans les âmes ardentes et généreuses, l’amour, cette religion des cœurs, qui tantôt se confond avec la religion, tantôt se la subordonne, l’oublie même, et, se regardant comme l’affaire essentielle, unique, vraiment importante de la vie, ne peut cependant se résoudre à renoncer à tout le reste, fuir au désert avec l’objet aimé ; capable d’ailleurs de se livrer à tous les excès, jusqu’à abjurer, par une dégradation cynique, la dignité humaine, on conçoit facilement que cette opposition ne doit pas manquer d’engendrer de nombreuses collisions ; car les autres intérêts de la vie font aussi valoir leurs exigences et leurs droits, et doivent par-là blesser l’amour dans ses prétentions à une domination souveraine. 
1° La collision la plus fréquente est le conflit de l’amour et de l’honneur. L’honneur, en effet, a le même caractère infini que l’amour, et il peut jeter sur son chemin un motif qui soit un obstacle absolu. Dans ce cas, le devoir de l’homme peut demander le sacrifice de l’amour. Dans une certaine classe de la société, par exemple, il serait contraire à l’honneur d’aimer une femme d’une condition inferieure. La différence des conditions est un résultat nécessaire de la nature des choses ; et d’ailleurs elle existe. Si la vie sociale n’a pas encore été régénérée par l’idée de la vraie liberté, en vertu de laquelle l’individu peut choisir lui-même sa condition et déterminer sa vocation, c’est toujours, plus ou moins, la naissance qui assigne à l’homme son rang et sa position. Ces distinctions sont encore consacrées comme absolues par l’honneur. On se fait un point d’honneur de ne pas déroger.
2° Les principes éternels de l’ordre moral eux-mêmes, l’intérêt de l’État, l’amour de la patrie, les devoirs de famille, etc., peuvent aussi entrer en lutte avec l’amour, et s’opposer à l’accomplissement de ses fins. Dans les représentations modernes où ces principes ont une haute valeur, ce genre de collision est un thème favori. L’amour se présente alors lui-même comme un droit imposant, le droit sacré du cœur ; il s’oppose à d’autres devoirs et à d’autres droits. Ou il les déclare inferieurs à lui et s’affranchit de leur autorité ; ou il reconnaît leur supériorité, et alors un combat s’engage au fond de l’âme entre la violence de la passion et une idée supérieure. La Pucelle d’Orléans (de Schiller[12]), par exemple, roule sur cette dernière collision.
3° Il peut aussi exister des rapports et des obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour : le cours ordinaire des choses, la prose de la vie, des accidents malheureux, les passions, les préjugés, des idées étroites, l’égoïsme dans les autres, une foule d’incidents de toute espèce. L’odieux, le terrible et le repoussant y occupent souvent beaucoup de place, parce que c’est la perversité, la grossièreté, la rudesse sauvage des passions étrangères qui sont mises en opposition avec la tendre beauté de l’amour. C’est surtout dans les drames et les romans qui ont paru dans ces derniers temps que nous voyons souvent de semblables collisions extérieures. Elles intéressent principalement à cause de la part que nous prenons aux souffrances, aux espérances, aux projets renversés des malheureux amants. Le dénouement, selon qu’il est heureux ou malheureux, nous satisfait ou nous émeut. Quelquefois ces productions simplement nous amusent. – En général, cette espèce de conflit, ayant pour principe des circonstances purement accidentelles, est d’un ordre inférieur. 
III. Sous tous ces rapports, sans doute l’amour présente un caractère élevé, parce qu’il n’est pas seulement un penchant pour l’autre sexe, mais un sentiment noble et beau ; il déploie, dans la poursuite de l’objet aimé, une grande richesse de qualités, de l’ardeur, de la hardiesse, du courage ; il est capable du plus grand dévouement. Cependant l’amour romantique a aussi ses imperfections. Ce qui lui manque, c’est le caractère général et absolu. Il n’est toujours que le sentiment personnel de l’individu qui, au lieu de se montrer tout occupé des grands intérêts de la vie humaine, du bien, de sa famille, de l’État, de sa patrie, des devoirs de sa position, du soin de sa liberté, de la religion, etc., n’est rempli que de soi, n’aspire qu’à se retrouver dans un autre lui-même et à faire partager sa passion. Le fond de l’amour est donc le moi, et il ne répond pas à la nature complète de l’homme. Dans la famille, dans le mariage même, au point de vue de la morale privée et publique, la sensibilité en elle-même, et cette union à laquelle elle aspire précisément avec telle personne et non avec une autre, ne jouent qu’un rôle secondaire. Dans l’amour romantique, tout roule sur ce principe, l’attrait mutuel de deux individus de sexe différent. Or, pourquoi plutôt cette personne que cette autre ? C’est ce qui n’a sa raison que dans une préférence toute personnelle et souvent dans le caprice. La femme a son bien-aimé ; le jeune homme a sa bien-aimée, objet toujours incomparable, type suprême de beauté et de perfection. Mais s’il est vrai que chacun fait de celle qu’il aime une Vénus ou quelque chose de plus, il est clair qu’il y a plusieurs femmes dont on peut en dire autant, et, au fond, personne n’est dupe de cette illusion. Cette préférence exclusive et absolue est purement une affaire de cœur, un choix tout personnel. Trouver la plus haute conscience de soi-même précisément dans cette personne que l’on a rencontrée offre l’apparence d’un jeu et d’un caprice du hasard. On reconnaît là, il est vrai, la haute liberté de l’individu, et il y a loin de cette liberté à une passion comme celle de la Phèdre d’Euripide, soumise à la puissance d’une divinité ; mais ce choix, tout libre qu’il est, par cela seul qu’il a pour principe la volonté purement individuelle, se présente comme quelque chose d’arbitraire et d’accidentel. 
Par-là, les collisions de l’amour, particulièrement lorsqu’il est représenté comme entrant en lutte avec les intérêts généraux de la société, conservent toujours un caractère d’accidentalité qui ne permet pas de les légitimer, parce que c’est l’homme, comme individu, qui, avec ses exigences personnelles, s’oppose à ce qui, par son caractère essentiel, a droit à être reconnu et respecté. Les personnages des hautes tragédies anciennes, Agamemnon, Clytemnestre, Oreste, Œdipe, Antigone, Créon, poursuivent aussi un but individuel ; mais le motif véritable, le principe qui se montre sous une forme passionnée comme le fond de leurs actions et de leur caractère, est d’une légitimité absolue et, par là même aussi, d’un intérêt général. Aussi les infortunes qui en sont la suite ne nous touchent pas seulement comme étant l’effet d’un destin malheureux, mais comme un malheur qui commande le respect ; elles inspirent une terreur religieuse, parce que la passion qui ne se repose que quand elle a obtenu satisfaction renferme un principe éternel et nécessaire. Que le crime de Clytemnestre ne soit pas puni, dans la pièce où Oreste poursuit la vengeance de son père, qu’Antigone meure pour avoir accompli un devoir fraternel envers Polynice, c’est là une injustice, un mal en soi. Mais ces souffrances de l’amour, ces espérances brisées, ces tourments, ce martyre qu’éprouve un amant, ce bonheur et cette félicité infinis qu’il se crée dans son imagination, ne sont nullement en soi un intérêt général ; c’est quelque chose qui le regarde personnellement. Tout homme a, il est vrai, un cœur fait pour l’amour et le droit d’y trouver le bonheur ; mais, lorsque précisément dans tel cas donné, dans telle ou telle circonstance, il n’atteint pas son but, aucune injustice ne lui est faite ; car il n’est pas nécessaire en soi qu’il s’éprenne précisément de cette femme et que nous devions nous intéresser à une chose aussi accidentelle, qui dépend plus ou moins du caprice, qui n’a ni étendue ni généralité. C’est là le côté froid qui se fait sentir dans le développement de cette brûlante passion.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, tome premier (1835, posth.), Deuxième partie : Développement de l’idéal dans les formes particulières que revêt le beau dans l’art, Troisième section De la forme romantique de l’art, chapitre 2 La chevalerie.


[1]C’est le motif de la colère d’Achille dans l’Iliade(VIII° av. J.-C.)
[2](VII°-VI° av. J.-C.) Poétesse de l’île de Mytilène à Lesbos. Ses poèmes d’amour étaient adressées aussi à des femmes.
[3](VI°-V° av. J.-C.) Poète lyrique de Téos en Ionie.
[4](525-456 av. J.-C.) Premier des trois grands poètes tragiques athéniens. Il nous reste sept pièces de lui dont une trilogie, l’Orestie.
[5](495-406 av. J.-C.) Second des trois grands poètes tragiques athéniens. Il nous reste sept pièces de lui dont Œdipe-roiet Antigone.
[6](480-406 av. J.-C.) Troisième des trois grands poètes tragiques athéniens. Il nous reste dix-huit pièces de lui dont Hippolytedont Sénèque et Racine s’inspirèrent pour leur Phèdreet Andromaque. Nous avons conservé aussi un drame satyrique de sa facture.
[7]Statue d’Aphrodite d’un élève de Praxitèle (IV° av. J.-C.) dont il nous reste une copie romaine du 1ersiècle av. J.-C.
[8](1304-1374). Poète italien. Ses sonnets à Laure chantent un amour idéalisé.
[9](1265-1321). Poète italien, auteur de La Divine Comédie. Son amour pour Béatrice, exprimé en sonnets dans la Vita nuova, est célèbre.
[10](1313-1375). Poète italien, auteur du Décaméron, un receuil de nouvelles.
[11]Chants d’amour allemands qui se situent entre le XII° et le XIV°.
[12](1759-1805) Poète, écrivain et philosophe de l’esthétique allemand. La Pucelle d’Orléansest une de ses pièces de théâtre.

Corrigé.
Corrigé de l’analyse n°3
Dans ce premier moment consacré à l’« Idée de l’amour », Hegel oppose l’honneur et l’amour. Le point de vue sous lequel il les oppose explicitement est que le premier est le sentiment de la personnalité et celui de l’indépendance absolue de la personnalité alors que le second est le sentiment de l’abandon à autrui.
Après les avoir opposés, il montre que l’amour développe ce qui est déjà dans l’honneur. Ce dernier exige la reconnaissance de la personne par une autre. L’amour exige cette même reconnaissance avec cette double particularité que c’est la personne concrète totale et non un aspect d’elle qui est visée et que chacun vit dans l’autre pour former avec lui une unité. Hegel souligne que l’infinité de l’amour lui donne son importance dans l’art moderne.
Il oppose de nouveau l’honneur qui a des caractères abstraits comme principes alors que l’amour s’appuie sur le sentiment. L’amour précise-t-il spiritualise le physique. Il oppose à l’idée d’un caractère statique de l’amour que c’est l’acte de l’individu qui place dans l’union tout son être.
Il en déduit que l’infinité de l’amour qui se constitue par l’abandon de chacun en l’autre pour se retrouver ne concerne pas seulement le sentiment, mais tout l’être, y compris l’imagination.
Hegel voit dans la femme l’être porteur de l’amour par excellence. Il voit dans la femme l’être dont toute la vie est prise par l’amour et qui en meurt lorsqu’elle en est privée.
Il entame alors des considérations sur l’amour dans les œuvres en commençant par remarquer son rôle subordonné et sa limitation à la jouissance sensible dans l’art classique [c’est-à-dire pour Hegel dans l’art antique]. Il analyse alors une série d’exemples : Homère, Sappho (la dimension homosexuelle de sa poésie est purement et simplement négligée), Anacréon, il oppose Eschyle et Sophocle à Euripide chez qui l’amour joue un plus grand rôle, analyse la Vénus des Médicis, la poésie romaine.
Il analyse ensuite la période chrétienne [celle de l’art romantique dans son vocabulaire] qui s’ouvre avec Pétrarque, suivi de Dante et de Boccace. Après des considérations sur des chants allemands, il soutient que les Espagnols ont l’amour tourné plutôt vers l’honneur tandis que les Français le sont plutôt du côté de la galanterie, voire de la vanité.


Corrigé de l’analyse n°4
Dans ce deuxième moment consacré aux « collisions de l’amour » Hegel expose d’abord l’opposition entre d’une part les exigences sociales ou politiques et celle de la passion parfois liée à la religion ou inversement qui se la subordonne. Mais cette opposition se complique dans son exposé du fait que l’amour ne conduit pas à renoncer au reste, soit la fuite dans le désert. Il en déduit des collisions entre les intérêts sociaux et l’amour, chacun visant la primauté.
Il définit trois collisions.
La première est celle de l’amour et de l’honneur. Les deux sont une exigence infinie. Hegel l’illustre par le privilège de la naissance qui interdit l’amour avec quelqu’un d’une classe sociale inférieure tant que la société ne fait pas de la liberté et de la vocation le principe du rang social et s’en tient à la naissance.
La seconde concerne les intérêts de la famille ou de l’État d’un côté et l’amour de l’autre, chacun visant là encore la primauté. Hegel note que dans les représentations modernes, c’est un thème qui a une certaine faveur. Il donne comme exemple La pucelle d’Orléansde Schiller.
La troisième concerne toutes les circonstances ou la bassesse qui peuvent s’opposer à l’amour, bref, les collisions extérieures. Les genres littéraires qui s’en occupent sont le drame et le roman. Deux types de dénouement : heureux et le lecteur est satisfait, malheureux, il est ému. Ils apparaissent inférieurs pour Hegel.

Corrigé de l’analyse n°5
Hegel résume d’abord les hautes qualités de l’amour romantique [c’est-à-dire l’amour de la période chrétienne] : beauté, ardeur, hardiesse, courage. Il leur oppose ensuite son défaut principal : il ne vise pas l’universalité, mais le singulier, voire le sujet lui-même. L’universalité est du côté de la morale, de l’État, de la famille, de la patrie, de la liberté, de la religion. Il ne limite pas cette liste. Hegel en déduit que l’amour ne répond pas à la nature totale de l’homme. Il précise qu’il joue un rôle secondaire dans le mariage et dans la vie familiale. Il précise que l’amour romantique (qu’il conçoit nécessairement hétérosexuel) qui est le lien entre deux personnes ne peut justifier ou expliquer le « choix » de la personne. Il oppose à la représentation par chaque amoureux de son aimée comme d’une déesse de l’amour, le fait que nul n’est dupe de l’illusion. Il y a là un choix libre mais qu’il considère comme accidentel tout en l’opposant à la passion de la Phèdre d’Euripide qui a les Dieux pour origine.
Il en déduit que les collisions de l’amour – thème de la deuxième partie des considérations sur l’amour en art - ne peuvent le légitimer. Il présente les personnages des tragédies antiques comme ayant un but personnel mais qui est aussi légitime comme but valant pour lui-même. Nous sommes touchés par leur infortune non seulement comme destin mais par le respect inspiré par leur but. Il donne deux illustrations avec la punition du crime de Clytemnestre par Oreste et la mort d’Antigone qui a fait son devoir familial envers son frère Polynice. Il leur oppose les infortunes de l’amoureux qui ne nous touchent pas de la même manière car elle ne concerne que lui et l’amour accidentel pour telle femme plutôt que telle autre.

samedi 16 mars 2019

Tchekhov, Oncle Vania, résumé

Tchekhov (1860-1904), Oncle Vania, traduit du russe par André Markowicz et Françoise Morvan, Arles, Actes sud, Babel, 1994

Résumé

Ce “résumé” de l’Oncle Vaniade Tchekhov a pour but de se faire une idée globale de l’action ou de retrouver un moment. J’ai essayé d’éviter d’interpréter le texte, ce qui n’est guère possible dans l’absolu.
Quoique les actes ne soient pas découpés en scène, j’ai essayé le plus possible de tenir compte des entrées et des sorties des personnages pour le découpage que je propose.


Acte I (pp. 11-30)

Au printemps, après le « Grand Carême » (p. 13 ; p. 49) dans le jardin, l’après-midi, le ciel est couvert, autour d’une table servie pour le thé.
¤ Astrov évoque le temps qui passe avec Marina. Elle remarque qu’il a perdu sa beauté. Il se plaint de sa vie vouée à son travail de médecin, sans liberté, vide. Il se sent entouré de « toqués » qui le contaminent. Il évoque un aiguilleur qu’il n’a pu sauver. Il se demande ce que les hommes dans quelques siècles penseront d’eux. Marina, la nourrice s’en tient à sa foi en Dieu (pp. 11-14).
¤ Voïnitski (Oncle Vania) se plaint d’une liberté oisive depuis l’arrivée du professeur et de son épouse tandis que Marina se plaint d’un emploi du temps bouleversé (pp. 14-15).
¤ Sérébriakov, Sonia avec Éléna Andréevna, silencieuse, passent rapidement de retour de leur promenade en évoquant de qu’ils ont vu et ce qu’ils verront (p. 15).
¤ Voïnitski critique le féminisme de sa mère. Il se plaint de la brillante ascension sociale du professeur Sérébriakov et critique ses travaux littéraires. Il se montre jaloux du professeur qui a épousé en premières noces sa sœur dont il fait l’éloge puis la jeune et belle Éléna Andréevna qui devrait trahir son vieux mari. Il manifeste pour elle un certain désir. Téléguine, peu écouté lorsqu’il exprime sa béatitude due à la contemplation des choses, lui oppose son exemple. Il a, lui, préféré le devoir au bonheur en acceptant d’aider sa femme, son amant maintenant décédé et leurs enfants (pp.16-19).
¤ Sonia envoie Marina voir des paysans (p. 20).
¤ Astrov et Éléna évoquent sans conviction la santé de Sérébriakov. Sonia se montre satisfaite de la présence d’Astrov. Éléna Andréevna montre son désintérêt pour Téléguine dont elle écorche le nom. Il explique son surnom « la Gaufre ». Maria Vassilievna commente une brochure où l’auteur contredit ce qu’il écrivait auparavant dans l’indifférence. Voïnitski se plaint d’avoir méconnu jusque-là « la vraie vie », illusionné qu'il était par des théories d’école. Il ne trouve pas d’oreilles compatissantes. Il se dispute à ce propos avec sa mère qui lui reproche de ne pas agir (pp. 20-23).
¤ Marina explique à Sonia ce que voulaient les paysans et repart inquiète du sort d’une poule (pp. 23-24).
¤ Un valet de ferme vient chercher le docteur pour une intervention à l’usine. Il hésite et commande un verre de vodka (p. 24).
¤ Éléna s’enquiert de son intérêt pour les forêts. Sonia expose l’action et la pensée écologiques du docteur en leur faveur. Elles rendent les hommes meilleurs notamment dans leur rapport avec les femmes. Puis, Astrov lui-même expose son credo sous les propos et le regard ironiques de Voïnitski. Il reproche à l’homme de détruire alors que sa vocation est de créer. Planter a pour but de rendre heureux les hommes de l’avenir (pp. 24-27).
¤ Le valet de ferme apporte à Astrov son verre de vodka qui disqualifie ses propos antérieurs. Une fois son verre de vodka bu, il part et Sonia montre son regret (p. 28).
¤ Éléna et Voïnitski échangent des propos doux amers. Elle lui reproche de s’en prendre à Maria et à son mari, de vouloir détruire la fidélité – discours démarqué de celui d’Astrov – tout en montrant qu’elle a compris les sentiments de Sonia pour Astrov et elle-même ne semble pas indifférente. Voïnitski avoue haïr le professeur et lui reproche sa vie paresseuse et sa philosophie démarquée d’Astrov. Il lui dit l’aimer : elle est son bonheur et lui affirme que de lui en parler fait son bonheur. Éléna se montre très peu intéressée (pp. 28-30).

Acte II (pp. 31-55)

L’été à la saison des foins (p. 36), après minuit (p. 32, 35) dans la salle à manger. Dehors, un orage (pp. 36, 38, 39, 42, 45, 50) menace, éclate puis passe.
¤ Le professeur Sérébriakov est réveillé par une douleur et/ou un rêve. Il accuse sa femme d’attendre sa mort et se plaint de sa retraite et de sa vieillesse. Il est conscient de tyranniser son entourage mais exprime son droit à une vieillesse tranquille. Éléna semble vouloir le tranquilliser (pp. 31-35)
¤ Puis il refuse à sa fille de voir le docteur Astrov et tente de la tyranniser également. Elle ne s’en laisse pas conter (pp. 35-36)
¤ Il refuse de rester seul avec Voïnitski qui vient remplacer Sonia et Éléna qui le veillent depuis deux nuits. Leur ancienne amitié a disparu (p. 36)
¤ Marina, la nourrice, plaint le professeur. Elle évoque sa première femme, Véra Petrovna, et lui promet des soins. Elle le traite comme un petit enfant et réussit ainsi à l’emmener dormir (pp. 36-38)
¤ Voïnitski se retrouve seul avec Éléna. Elle se plaint du professeur et lui fait observer les multiples conflits dans la maison. Elle lui reproche de ne rien faire pour réconcilier tout le monde. Lui se plaint d’avoir perdu sa vie et pense qu’elle perd la sienne. Tel est le contenu de sa seconde déclaration d’amour qui est refusée, notamment au motif qu’il est saoul (pp. 38-40)
¤ Voïnitski soliloque. Il regrette de ne pas être tombé amoureux d’Éléna dix ans plus tôt du vivant de sa sœur. Puis, il regrette son ancienne admiration pour Sérébriakov dont l’œuvre lui paraît maintenant nulle de même que le travail qu’il a fourni avec Sonia pour lui (pp. 40-41)
¤ Astrov arrive avec Téléguine à qui il demande de jouer de la guitare. Le docteur comprend l’attirance de Voïnitski pour Éléna et lui expose sa conception terre à terre des rapports entre hommes et femmes. Ils se saoulent et évoquent chacun leur vie (pp.41-44)
¤ Sonia, après qu’Astrov est allé mettre une cravate, suivi de Téléguine, dispute son oncle qui boit depuis peu et qui néglige le domaine. Il justifie l’usage de l’alcool par l’absence de « vraie vie ». Il est ému en voyant dans le regard de sa nièce sa défunte sœur et évoque un mystère (pp. 44-45)
¤ Sonia veut parler à Astrov qui s’est habillé correctement. Elle lui demande de ne plus faire boire son oncle, Vania. Comme il annonce qu’il part sur l’heure, elle tente de le retenir. La conversation roule sur le professeur et sur Éléna Andréevna. Astrov exprime son insatisfaction de la vie provinciale russe, des grossiers paysans, des hommes cultivés, qu’ils soient bêtes et qu’ils soient minés par la réflexion. Il affirme qu’il est trop tard pour lui d’aimer. Sonia quant à elle le flatte, lui fait jurer qu’il ne boira plus. Elle lui déclare indirectement son amour sans rencontrer d’écho favorable (pp. 45-50)
¤ Sonia monologue. Elle est heureuse malgré le refus implicite d’Astrov mais se plaint de sa laideur (p. 50)
¤ Éléna Andréevna et Sonia dialoguent. Elles se réconcilient. Éléna Andréevna affirme avoir cru épouser le professeur par amour. Elle ne l’a pas épousé par intérêt. Elle demande la confiance. Elle répond à Sonia qui lui a posé la question qu’elle n’est pas heureuse. Elles évoquent le docteur qui plaît à Éléna Andréevna. Cette dernière parle de son talent mis au service du bonheur de l’humanité. Sonia affirme son bonheur. Éléna Andréevna, malheureuse, est prête à jouer de la musique si le professeur le supporte. Sonia va poser la question (pp. 50-55)
¤ Elle demande à Efim, le gardien, de ne pas frapper sur sa planchette pour ne pas réveiller le professeur (p. 55)
¤ Sonia revient lui apprendre que le professeur refuse qu’elle joue (p. 55)

Acte III (pp. 56-81)

En septembre (p. 59), c’est l’automne (p. 70, cf. Acte IV, p. 82). Dans le salon de la maison. En début d’après-midi (pp. 56, 57).
¤ Il est une heure moins le quart. Éléna Andréevna, Sonia et Voïnitski attendent la réunion convoquée par le professeur. Sonia invite Éléna Andréevna à combattre son ennui qu’elle a communiqué à tous par le travail auprès du peuple. Elle refuse de confondre roman et réalité. Voïnitski lui propose de devenir sirène qu’elle est. Il part lui préparer un bouquet de roses (p. 56-58)
¤ Restées seules, Sonia avoue à Éléna Andréevna aimer depuis six ans Astrov sans être payée de retour. Éléna lui propose d’interroger le docteur sur ses sentiments relatifs à Sonia : elles en tombent finalement d’accord (pp. 58-61)
¤ Éléna Andréevna soliloque. Elle pense savoir que le docteur n’aime pas Sonia. Elle-même pense être séduite par cet homme qui n’est pas voué comme les autres à satisfaire uniquement ses besoins vitaux et croit deviner qu’il est attiré par elle. Elle hésite ‑ quoique ait pu dire Oncle Vania ‑ à se laisser séduire, anticipant sur ses remords (pp. 61-62)
¤ Éléna Andréevna et Astrov dialoguent. Il raconte comment il venait de temps en temps prendre plaisir à son travail de cartographie à côté de Sonia et de Voïnitski. Il lui expose ses travaux sur la progressive disparition de la forêt et d’une partie de la faune depuis un demi-siècle. Malgré les protestations d’Éléna Andréevna, ces explications ne l’intéressent pas. Elle l’interroge sèchement sur ses sentiments relatifs à Sonia. Astrov lui rétorque que son interrogatoire est une ruse et lui fait des propositions qu’elle semble repousser. Au moment où il l’embrasse, entre Voïnitski avec son bouquet de roses à la main (pp. 62-69)
¤ Éléna Andréevna hésite avant de voir Voïnitski et repousse finalement le docteur, gênée. Astrov parle du temps, exprimant ainsi la gêne (pp. 69-70)
¤ Éléna Andréevna, restée seule, demande à Voïnitski, abattu, de tout faire pour qu’ils partent, son mari, le professeur et elle (p. 70)
¤ Arrivée des autres personnages pour la réunion. Éléna Andréevna apprend assez laconiquement à Sonia le refus d’Astrov. Elle et Voïnitski sont désemparés. Dans son discours apprêté de professeur cultivé (Gogol le dispute au poète épicurien Horace), Sérébriakov explique son intention de vendre le domaine pour le bien de tous. Voïnitski s’estime trompé – Sérébriakov n’a rien à proposer pour le futur à sa fille Sonia, la vieille Marina et son beau-frère. Il réagit violemment parce qu’il a donné sa part d’héritage et travaillé pour le domaine. Il s’oppose à sa mère, Maria Vassilievna, d’accord avec le professeur. Il coupe une intervention intempestive de Téléguine. Il reproche finalement à Sérébriakov l’admiration qu’il a eue pour lui et sa vie gâchée alors qu’il aurait pu être philosophe ou écrivain. Chacun est hors de lui (pp. 70-78)
¤ Sérébriakov finit par accepter de se réconcilier avec Voïnitski sous la pression de sa femme, Éléna Andréevna, et de sa fille, Sonia, qui lui relate tout ce que son oncle a fait pour lui, notamment son aide pour les travaux littéraires du professeur. (pp. 78-80)
¤ Marina console Sonia et compare la dispute à celle des jars (les mâles des oies) (pp. 80)
¤ Après le coup de feu entendu, Sérébriakov entre et Voïnitski le rate pour la deuxième fois. Le malaise est presque général (pp. 80-81)

Acte IV (pp. 82-100)

C’est l’automne (p.82), la chambre d’Ivan Petrovitch Voïnitski. Le soir.
¤ Téléguine et Marina évoquent les événements et le départ d’Éléna Andréevna et de Sérébriakov pour Kharkov. Ils sont satisfaits de reprendre leur vie routinière (pp. 82-84)
¤ Voïnitski chasse Marina et Téléguine. Il veut rester seul. Astrov refuse de partir. Il demande à Voïnitski de lui rendre une boîte de morphine qu’il lui a dérobée. Voïnitski dénonce la folie de l’existence humaine. Astrov pense que l’homme est « toqué » (Le terme revient plusieurs fois. Astrov l’utilise à l’Acte I, pp. 12, 27, 28 ; Acte II, p. 43. Éléna Andréevna à l’Acte II, p. 52.). Voïnitski n’a aucun espoir et émet le vœu de recommencer sa vie tandis qu’Astrov se console à l’idée du bonheur de l’humanité future tout en dénonçant la misérable vie petite bourgeoise qui les gagne (pp. 84-88)
¤ Sonia, tout aussi malheureuse que son oncle, le persuade de rendre la boîte et l’invite de façon répétitive à supporter. L’oncle et la nièce s’accordent pour penser que c’est le travail qui le leur permettra (pp. 88-89).
¤ Éléna Andréevna invite Voïnitski à aller voir Sérébriakov, Sonia lui demande de se réconcilier avec lui (p. 90).
¤ Éléna Andréevna et Astrov restés seuls font leurs adieux. Il tente à nouveau de la séduire en arguant qu’elle peut succomber maintenant, dans la forêt plutôt que dans une petite ville de province puisqu’elle n’a aucun but dans la vie. Ayant échoué, il dénonce sans conviction assurée en elle et son mari, des oisifs qui les ont tous perturbés. Elle finit par l’étreindre passionnément avant leur séparation définitive (pp. 90-93).
¤ Sérébriakov pontifie en promettant un « traité d’art de vivre ». Lui et Éléna Andréevna font leurs adieux. Le professeur invite les autres à agir (pp. 93-94).
¤ Voïnitski et Éléna Andréevna se font leurs adieux chastement (p. 94).
¤ Le professeur et sa femme sont partis, constate Astrov (p. 94).
¤ Marina, Sonia et Maria Vassilievna constatent à leur tour le départ du couple. Cette dernière lit. Sonia et Astrov travaillent en établissant des factures. Astrov hésite à partir et se laisse persuader par Marina de boire un dernier verre de vodka tout en évoquant les énormes chaleurs africaines et finit par s’en aller (pp. 95-97).
¤ Marina et Sonia constatent tour à tour le départ d’Astrov. Malgré le travail, Voïnitski se plaint. Sonia évoque sa foi en un bonheur dans l’au-delà qui aurait pour source la pitié de Dieu et consisterait dans le repos (pp. 98-99)