Introduction
La nature désigne, tout ce qui existe, et qui est indépendant de l’homme, que ce soit hors de lui ou en lui.
La nature n’est pas l’univers ou le monde car on y trouve des choses qui ne sont pas naturelles.
Or, il est clair que si on fait abstraction de l’homme qui cherche à connaître et à modifier, ce qui existe hors de lui pour l’adapter pour ses besoins, il n’y a pas vraiment de nature.
En modifiant ce qui existe hors de lui, voire en lui, l’homme détruit non seulement la pure nature, mais il se détruit peut-être lui-même.
Comment définir la nature ? comment concevoir la relation entre l’homme et la nature ? est-elle toujours négative ?
I. Phusis (φύσις).
Comme Aristote l’avait proposé dans sa Physique, on peut penser que la nature désigne un principe de mouvement qui est interne aux choses naturelles alors que les choses artificielles ont leur principe hors d’elles, dans l’artisan ou l’artiste qui les réalise. Ainsi le marbre est naturel, mais non la Pietà (1499) qu’en tire Michel-Ange (1475-1564). La nature est ce qui naît de soi-même conformément à l’étymologie du terme latin, natura, et du terme grec, φύσις (phusis) qu’il traduit (cf. Hannah Arendt, La condition de l’homme moderne).
Mais s’il est possible de modifier la nature, c’est parce qu’elle s’y prête. Ainsi le marbre ou le bois peuvent recevoir une autre forme que celle qui est naturelle.
En outre, une modification artificielle peut réaliser la nature ou la corriger comme on le voit avec la médecine qui rétablit la santé ou dans la culture qui prend soin des plantes et des paysages (c’est le sens du mot latin cultura). C’est pourquoi, Aristote soutient que « l’art [τέχνη, technè] imite la nature » ( Physique, II, 2).
En outre, il y a aussi de la nature en l’homme : c’est la cité pour Aristote, ce qui le prouve est que la nature a donné à l’homme le λόγος (logos), parole ou raison, qui lui permet de vivre dans une organisation où on discute des exigences morales.
Aussi la nature en général, est-elle non seulement la forme, mais aussi la fin, tout en étant le principe général qui dispose des moyens en vue de réaliser certaines fins.
Une telle conception de la nature semble la personnaliser. Or, comment penser qu’existe une mystérieuse réalité qui organise les choses. N’est-ce pas la considérer comme une divinité ?
II. Les lois de la nature et le sujet.
Lorsqu’on cherche à connaître ce qui est naturel, on cherche des régularités.
On peut donc les concevoir comme des lois de la nature, c’est-à-dire comme les règles des changements de la matière : cette conception de la nature, que Descartes, dans le cadre de la révolution scientifique des temps modernes, défend, permet de comprendre la nature comme un ordre légal que l’homme peut connaître par le raisonnement et l’expérience et non comme une Déesse. Et c’est cette connaissance de la nature qui permet de la transformer ou plutôt de changer ses produits en d’autres qui nous sont utiles. « vaincre la nature (…) en lui obéissant » selon la formule de Bacon ou « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » selon celle de Descartes : tel est le projet des temps modernes que la science et la technique ont mis en œuvre, l’une pour connaître, l’autre pour dominer et maîtriser.
Que doit être l’homme pour qu’il puisse ainsi modifier la nature.
On peut comme Hegel, penser qu’il n’est pas simplement une chose de la nature mais également mais un être conscient, doc un sujet libre qui se représente les choses et/ou leur imprime sa marque.
Pourtant, en tant que vivant l’homme appartient aussi à la nature si son espèce est le fruit de l’évolution naturelle qui, conformément à la conception de Darwin (1809-1882 ; L’origine des espèces, 1859) sélectionne par la pression du milieu les espèces aptes à vivre. Ainsi, la connaissance peut être conçue comme un instrument qui permet à l’homme de vivre et de s’insérer dans son environnement qu’il aménage plus et plus profondément que d’autres espèces.
L’insertion de l’homme dans la nature ne conduit-elle pas à une sorte de destruction de la nature ?
III. Équilibre.
Comme François Dagognet l’indique la nature peut désigner un équilibre éprouvé qu’on estime ne pas devoir changer. Or, si cet équilibre provient de changements plus anciens, rien n’interdit de nouveaux changements si la situation l’exige ou au contraire une volonté conservatrice.
Soit c’est l’existence même des hommes qui est menacée et dès lors changer et modifier l’existant est nécessaire pour qu’émergent de nouveaux équilibres plutôt qu’une volonté destructrice qui place l’homme en sujet dominateur de la nature.
Soit, un équilibre est satisfaisant, et le conserver permet un certaine sérénité dans l’existence plutôt que cette volonté de domination qu’on trouve dans les temps modernes et qui détruit l’homme autant si ce n’est plus que la nature.
Bilan
la nature pure ou vierge, c’est-à-dire une réalité totalement indépendante de l’homme est certainement une chimère. Certes, il y a des réalités qui naissent indépendamment de l’homme, mais il les a transformées depuis longtemps, parfois sans s’en rendre compte. Il a aussi dans les temps modernes exercer une domination sur le monde qui a conduit à le détruire dans ses grandes lignes et à lui substituer un monde de produits industriels qui menacent la vie. En voulant dominer la nature, l’homme semble s’être quelque peu perdu lui-même.
Il est donc légitime qu’il voit dans la nature un équilibre entre lui et ces réalités qui existent indépendamment de lui, équilibre à conserver ou à refaire pour rendre possible l’existence humaine.