Gaius Blossius dit Blossius (ou Blossios) de Cumes (IIème siècle av. J.-C.)
Selon Plutarque, dans ses Vies des hommes illustres, Tiberius et Caius Gracchus, Blossius était un philosophe et un étudiant du philosophe Antipater de Tarse, scolarque stoïcien de 150 à 129 av. J.-C.
Il venait de la ville de Cumes, une ancienne cité de la Grande-Grèce, située au bord du golfe de Gaète (mer Tyrrhénienne), à 12 km à l’ouest de Naples, en Campanie, cité où mourut le dernier roi de Rome, Tarquin le superbe, en 495 av. J.-C. La cité fut soumise par Rome à la fin du IV° av. J.-C.
Blossios aurait avec le rhéteur grec, Diophane de Mytilène incité Tiberius Gracchus (163-133 av. J.-C.) à entreprendre une réforme agraire rendue nécessaire par la paupérisation de nombre de citoyens romains et l’accroissement de la fortune due à la concentration des propriétés agraires aux mains des grandes familles patriciennes. C’est un exemple d’intervention de la philosophie stoïcienne dans la politique concrète dans le sens de l’égalité, loin du retrait de la cité pour Hegel qui soutenait qu’avec elle « la tendance à introduire le principe dans le monde [comme c’était le cas avec Platon et Aristote] disparaît » (Leçon sur l’histoire de la philosophie , tome IV La philosophie grecque. Le dogmatisme et le Scepticisme. Les Néoplatoniciens, traduction Garniron, Vrin , 1975, p.429).
Tiberius Gracchus fut accusé par ses adversaires politiques d’avoir tenté de provoquer un soulèvement populaire, pour se faire couronner roi. Ils lui reprochèrent sa démagogie. Il fut assassiné et son corps jeté dans le fleuve Tibre en 133.
Après la mort de Tiberius Gracchus, Blossios fut interrogé par les consuls. Ils lui demandèrent, ce qu’il aurait fait si Tiberius Gracchus vous avait ordonné de brûler le Capitole ? Il répondit qu’il n’aurait jamais donné un tel ordre. Cependant pressé sur ce point, Blossius déclara finalement que si Tiberius avait ordonné une telle chose, c’est qu’elle était dans les vrais intérêts du peuple romain (cf. Cicéron, De amicitia, XI). Après cela, il fut libéré.
Blossios partit pour la province de l’Asie, où il a pris part à un soulèvement populaire contre Rome, en aidant à l’organisation de l’État d’Héliopolis, la « cité du Soleil ». Ce soulèvement suscité par Aristonikos , frère d’Attale III, qui avait légué son royaume à Rome, s’appuyait sur des esclaves à qui étaient promis une organisation de type socialiste (cf. J. Bidez, La cité du monde et la cité du Soleil chez les Stoïciens, Paris, Les Belles Lettres, p. 49) Lorsque le soulèvement fut finalement vaincu, Blossios se tua.
Son exemple tend à montrer non seulement qu’il y avait une politique stoïcienne, mais que le cosmopolitisme ou le souci de l’humain n’était pas de vains mots ou une pose pour faire sa cour aux puissants.
Paul Veyne, "L'identité grecque devant Rome et l'empereur". in Revue des Études Grecques, tome 112, Juillet-décembre 1999. note 64, p. 510-525.
cf. Robert Muller, Les Stoïciens, Paris, Vrin, 2006, p.26.