Cependant l’orgueil au
meilleur marché, c’est l’orgueil national. Il trahit chez celui qui en est
atteint l’absence de qualités individuelles dont il puisse être fier, car, sans
cela, il n’aurait pas recours à celles qu’il partage avec tant de millions
d’individus. Quiconque possède des mérites personnels distingués reconnaîtra,
au contraire, plus clairement les défauts de sa propre nation, puisqu’il l’a
toujours présente à la vue. Mais tout piteux imbécile, qui n’a rien au monde
dont il puisse s’enorgueillir, se rejette sur cette dernière ressource, d’être
fier de la nation à laquelle il se trouve appartenir par hasard ; c’est
là-dessus qu’il se rattrape, et, dans sa gratitude, il est prêt à défendre πυξ
και λαξ (du poing et du pied) tous les défauts et toutes les sottises propres à
cette nation.
Schopenhauer, Aphorismes
sur la sagesse dans la vie, Chapitre IV De ce que l’on représente, I. —De
l’opinion d’autrui (1851).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire