Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique ([1]), introduction,
traduction Stéphane Piobetta, avertissement de Jean Nabert (1880-1960), Aubier
Montaigne, 1947.
Quel que soit le concept qu’on se fait, du point de vue métaphysique, de
la liberté du vouloir, ses manifestations phénoménales, les actions
humaines, n’en sont pas moins déterminées, exactement comme tout événement
naturel, selon les lois universelles de la nature. L’histoire qui se propose de
rapporter ces manifestations, malgré l’obscurité où peuvent être plongées leurs
causes, fait cependant espérer qu’en considérant (dans les grandes lignes) le jeu de la liberté du vouloir humain,
elle pourra y découvrir un cours régulier, et qu’ainsi, ce qui dans les sujets
individuels nous frappe par sa forme embrouillée et irrégulière, pourra
néanmoins être connu dans l’ensemble de l’espèce sous l’aspect d’un
développement continu, bien que lent, de ses dispositions originelles. Par
exemple les mariages, les naissances qui en résultent et la mort, semblent, en
raison de l’énorme influence que la volonté libre des hommes a sur eux, n’être
soumis à aucune règle qui permette d’en déterminer le nombre par avance par un
calcul ; et cependant les statistiques annuelles qu’on dresse dans de grands
pays mettent en évidence qu’ils se produisent tout aussi bien selon les lois
constantes de la nature que les incessantes variations atmosphériques, dont
aucune à part ne peut se déterminer par avance mais qui dans leur ensemble ne
manquent pas d’assurer la croissance des plantes, le cours des fleuves, et
toutes les autres formations de la nature, selon une marche uniforme et
ininterrompue. Les hommes, pris individuellement, et même des peuples entiers,
ne songent guère qu’en poursuivant leurs fins particulières en conformité avec
leurs désirs personnels, et souvent au préjudice d’autrui, ils conspirent à
leur insu au dessein de la nature ; dessein qu’eux-mêmes ignorent, mais
dont ils travaillent, comme s’ils suivaient ici un fil conducteur, à favoriser la
réalisation ; le connaîtraient-ils d’ailleurs qu’ils ne s’en soucieraient
guère.
Considérons les hommes tendant à réaliser leurs aspirations : ils
ne suivent pas simplement leurs instincts comme les animaux ; ils
n’agissent pas non plus cependant comme des citoyens raisonnables du monde
selon un plan déterminé dans ses grandes lignes. Aussi une histoire ordonnée
(comme par exemple celle des abeilles ou des castors), ne semble pas possible
en ce qui les concerne. On ne peut se défendre d’une certaine humeur, quand on
regarde la présentation de leurs faits et gestes sur la grande scène du monde,
et quand, de-ci, de-là, à côté de quelques manifestations de sagesse pour des
cas individuels, on ne voit en fin de compte dans l’ensemble qu’un tissu de
folie, de vanité puérile, souvent aussi de méchanceté puérile et de soif de
destruction. Si bien que, à la fin, on ne sait plus quel concept on doit se
faire de notre espèce si infatuée de sa supériorité. Le philosophe ne peut
tirer de là aucune autre indication que la suivante : puisqu’il lui est
impossible de présupposer dans l’ensemble chez les hommes et dans le jeu de
leur conduite le moindre dessein raisonnable personnel, il lui faut rechercher du moins si l’on ne peut pas
découvrir dans ce cours absurde des choses humaines un dessein de la nature : ceci rendrait du moins possible, à
propos de créatures qui se conduisent sans suivre de plan personnel, une
histoire conforme à un plan déterminé de la nature.
Nous allons
voir s’il nous sera possible de trouver un fil conducteur pour une telle
histoire, puis nous laisserons à la nature ce soin de produire l’homme capable
de rédiger l’histoire selon ce principe. N’a-t-elle pas produit un Kepler qui,
d’étonnante façon, soumit les orbites excentriques des planètes à des lois
déterminées, et un Newton qui expliqua ces lois en fonction d’un principe
général de la nature ?
*
* *
Première proposition
Toutes les dispositions naturelles d’une créature sont
déterminées de façon à se développer un jour complètement et conformément à un
but. – Chez les animaux, on vérifie
ce principe par l’observation externe aussi bien qu’interne ou par la
dissection. Un organe qui n’a pas de raison d’être, un agencement qui ne
remplit pas son but, sont des contradictions dans le système téléologique de la
nature. Car si nous nous écartons de ce principe, nous n’avons plus une nature
conforme à des lois, mais une nature marchant à l’aveuglette, et
l’indétermination désolante remplace le fil conducteur de la raison.
*
* *
Deuxième proposition
Chez l’homme (en tant que seule créature raisonnable
sur terre), les dispositions naturelles qui visent à l’usage de sa raison n’ont
pas dû recevoir leur développement complet dans l’individu mais seulement dans
l’espèce. – La raison, dans une
créature, est le pouvoir d’étendre les règles et desseins qui président à
l’usage de toutes ses forces bien au-delà de l’instinct naturel, et ses projets
ne connaissent pas de limites. Mais elle-même n’agit pas instinctivement :
elle a besoin de s’essayer, de s’exercer, de s’instruire, pour s’avancer d’une
manière continue d’un degré d’intelligence à un autre. Aussi chaque homme
devrait-il jouir d’une vie illimitée pour apprendre comment il doit faire un
complet usage de toutes ses dispositions naturelles. Ou alors, si la nature ne
lui a assigné qu’une courte durée de vie (et c’est précisément le cas), c’est
qu’elle a besoin d’une lignée peut-être interminable de générations où chacune
transmet à la suivante ses lumières, pour amener enfin dans notre espèce les
germes naturels jusqu’au degré de développement pleinement conforme à ses
desseins. Ce terme doit fixer, du moins dans l’idée de l’homme, le but de
l’effort à fournir ; car, sans cela, les dispositions naturelles devraient
être considérées pour la plupart comme vaines et sans raison d’être. Or ceci
détruirait les principes pratiques ; par suite, la nature serait suspecte
d’un jeu puéril en l’homme seul, elle, dont la sagesse doit servir de maxime
fondamentale pour juger ses autres formations.
*
* *
Troisième proposition
La nature
a voulu que l’homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse
l’agencement mécanique de son existence animale, et qu’il ne participe à aucune
autre félicité ou perfection que celle qu’il s’est créée lui-même,
indépendamment de l’instinct, par sa propre raison. – En effet la nature ne fait rien en vain, et elle
n’est pas prodigue dans l’emploi des moyens pour atteindre ses buts. En
munissant l’homme de la raison et de la liberté du vouloir qui se fonde sur
cette raison, elle indiquait déjà clairement son dessein en ce qui concerne la
dotation de l’homme. Il ne devait pas être gouverné par l’instinct, ni secondé
et informé par une connaissance innée ; il devait bien plutôt tirer tout
de lui-même. Le soin d’inventer ses moyens d’existence, son habillement, sa
sécurité et sa défense extérieure (pour lesquelles elle ne lui avait donné ni
les cornes du taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais
seulement des mains), tous les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable,
son intelligence, sa sagesse même, et jusqu’à la bonté de son vouloir, devaient
être entièrement son œuvre propre. La nature semble même s’être ici complu à sa
plus grande économie, et avoir mesuré sa dotation animale au plus court et au
plus juste en fonction des besoins les plus pressants d’une existence à ses
débuts ; comme si elle voulait que l’homme, en s’efforçant un jour de
sortir de la plus primitive grossièreté pour s’élever à la technique la plus
poussée, à la perfection intérieure de ses pensées, et (dans la mesure où c’est
chose possible sur terre) par là jusqu’à la félicité, en doive porter
absolument seul tout le mérite, et n’en être redevable qu’à lui-même ;
c’est comme si elle avait attaché plus d’importance chez l’homme à l’estime
raisonnable de soi qu’au bien-être. Car le cours des choses humaines est
hérissé d’une foule d’épreuves qui attendent l’homme. Il semble bien que la
nature n’ait pas eu du tout en vue de lui accorder une vie facile, mais au
contraire de l’obliger par ses efforts à s’élever assez haut pour qu’il se
rende digne, par sa conduite, de la vie et du bien-être.
Ce qui
demeure étrange ici, c’est que les générations antérieures semblent toujours
consacrer toute leur peine à l’unique profit des générations ultérieures pour
leur ménager une étape nouvelle, à partir de laquelle elles pourront élever
plus haut l’édifice dont la nature a formé le dessein, de telle manière que les
dernières générations seules auront le bonheur d’habiter l’édifice auquel a
travaillé (sans s’en rendre compte à vrai dire) une longue lignée de
devanciers, qui n’ont pu prendre personnellement part au bonheur préparé par
elles. Mais, si mystérieux que cela puisse être, c’est bien là aussi une
nécessité, une fois que l’on a admis ce qui suit : il doit exister une
espèce animale détentrice de raison et, en tant que classe d’êtres raisonnables
tous indistinctement mortels, mais dont l’espèce est immortelle, elle doit
pourtant atteindre à la plénitude du développement de ses dispositions.
*
* *
Quatrième proposition
Le moyen
dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses
dispositions est leur antagonisme au sein de la Société, pour autant que
celle-ci est cependant en fin de compte la cause d’une ordonnance régulière de
cette Société. – J’entends ici par
antagonisme l’insociable sociabilité
des hommes, c’est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui
est cependant doublée d’une répulsion générale à le faire, menaçant constamment
de désagréger cette société. L’homme a un penchant à s’associer, car dans un tel état, il se sent plus qu’homme par le
développement de ses dispositions naturelles. Mais, il manifeste aussi une
propension à se détacher (s’isoler),
car il trouve en même temps en lui le caractère d’insociabilité qui le pousse à
vouloir tout diriger dans son sens ; et, de ce fait, il s’attend à
rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu’il se sait par lui-même
enclin à résister aux autres. C’est cette résistance qui éveille toutes les
forces de l’homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous
l’impulsion de l’ambition, de l’instinct de domination ou de cupidité, à se
frayer une place parmi ses compagnons qu’il supporte de mauvais gré, mais dont
il ne peut se passer. L’homme a alors parcouru les premiers pas, qui de la
grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeur
sociale de l’homme ; c’est alors que se développent peu à peu tous les
talents, que se forme le goût, et que même, cette évolution vers la clarté se
poursuivant, commence à se fonder une forme de pensée qui peut avec le temps
transformer la grossière disposition naturelle au discernement moral en
principes pratiques déterminés. Par cette voie, un accord pathologiquement extorqué en vue de l’établissement d’une société,
peut se convertir en un tout moral.
Sans ces qualités d’insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes,
source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses
prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes,
au milieu d’une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une
satisfaction, et un amour mutuels parfaits ; les hommes, doux comme les
agneaux qu’ils font paître, ne donneraient à l’existence guère plus de valeur
que n’en a leur troupeau domestique ; ils ne combleraient pas le néant de
la création en considération de la fin qu’elle se donne comme nature
raisonnable. Remercions donc la nature pour cette humeur peu conciliante, pour
la vanité rivalisant dans l’envie, pour l’appétit insatiable de possession ou
même de domination. Sans cela toutes les dispositions naturelles excellentes de
l’humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil. L’homme veut la
concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son
espèce : elle veut la discorde. Il veut vivre commodément et à son
aise ; mais la nature veut qu’il soit obligé de sortir de son inertie et
de sa satisfaction passive, de se jeter dans le travail et dans la peine pour
trouver en retour les moyens de s’en libérer sagement. Les ressorts naturels
qui l’y poussent, les sources de l’insociabilité et de la résistance générale
d’où jaillissent tant de maux, mais qui, par contre, provoquent aussi une
nouvelle tension des forces, et par là un développement plus complet des
dispositions naturelles, décèlent bien l’ordonnance d’un sage créateur, et non
pas la main d’un génie malfaisant qui se serait mêlé de bâcler le magnifique
ouvrage du Créateur, ou l’aurait gâté par jalousie.
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* *
Cinquième proposition
Le problème essentiel pour l’espèce humaine, celui que
la nature contraint l’homme à résoudre, c’est la réalisation d’une Société civile
administrant le droit de façon universelle. – Ce n’est que dans la société, et plus précisément dans celle où l’on
trouve le maximum de liberté, par là même un antagonisme général entre les
membres qui la composent, et où pourtant on rencontre aussi le maximum de
détermination et de garantie pour les limites de cette liberté, afin qu’elle
soit compatible avec celle d’autrui ; ce n’est que dans une telle société,
disons-nous, que la nature peut réaliser son dessein suprême, c’est-à-dire le
plein épanouissement de toutes ses dispositions dans le cadre de l’humanité.
Mais la nature exige aussi que l’humanité soit obligée de réaliser par ses
propres ressources ce dessein, de même que toutes les autres fins de sa
destination. Par conséquent une société où la
liberté soumise à des lois extérieures se trouvera liée au plus haut degré
possible à une puissance irrésistible, c’est-à-dire une organisation civile
d’une équité parfaite, doit être pour l’espèce humaine la tâche suprême de la
nature. Car la nature, en ce qui concerne notre espèce, ne peut atteindre ses
autres desseins qu’après avoir résolu et réalisé cette tâche. C’est la détresse
qui force l’homme, d’ordinaire si épris d’une liberté sans bornes, à entrer
dans un tel état de contrainte, et, à vrai dire, c’est la pire des
détresses : à savoir, celle que les hommes s’infligent les uns aux autres,
leurs inclinations ne leur permettant pas de subsister les uns à côté des
autres dans l’état de liberté sans frein. Mais alors, dans l’enclos que
représente une association civile, ces mêmes inclinations produisent
précisément par la suite le meilleur effet. Ainsi dans une forêt, les arbres,
du fait même que chacun essaie de ravir aux autres l’air et le soleil,
s’efforcent à l’envi de se dépasser les uns les autres, et par suite, ils
poussent beaux et droits. Mais au contraire, ceux qui lancent en liberté leur
branche à leur gré, à l’écart d’autres arbres, poussent rabougris, tordus et
courbés. Toute culture, tout art formant une parure à l’humanité, ainsi que
l’ordre social le plus beau, sont les fruits de l’insociabilité, qui est forcée
par elle-même de se discipliner, et d’épanouir de ce fait complètement, en
s’imposant un tel artifice, les germes de la nature.
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* *
Sixième proposition
Ce problème est le plus difficile ; c’est aussi
celui qui sera résolu en dernier par l’espèce humaine. – La difficulté qui saute aux yeux dès que l’on conçoit
la simple idée de cette tâche, la voici : l’homme est un animal qui, du moment où il vit parmi
d’autres individus de son espèce, a
besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses
semblables ; et, quoique, en tant que créature raisonnable, il souhaite
une loi qui limite la liberté de tous, son penchant animal à l’égoïsme l’incite
toutefois à se réserver dans toute la mesure du possible un régime d’exception
pour lui-même. Il lui faut donc un maître
qui batte en brèche sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté
universellement valable, grâce à laquelle chacun puisse être libre. Mais où
va-t-il trouver ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l’espèce humaine.
Or ce maître, à son tour, est tout comme lui un animal qui a besoin d’un
maître. De quelque façon qu’il s’y prenne, on ne conçoit vraiment pas comment
il pourrait se procurer pour établir la justice publique un chef juste par
lui-même : soit qu’il choisisse à cet effet une personne unique, soit
qu’il s’adresse à une élite de personnes triées au sein d’une société. Car
chacune d’elles abusera toujours de la liberté si elle n’a personne au-dessus
d’elle pour imposer vis-à-vis d’elle-même l’autorité des lois. Or le chef
suprême doit être juste pour lui-même,
et cependant être un homme. Cette
tâche est par conséquent la plus difficile à remplir de toutes ; à vrai
dire sa solution parfaite est impossible ; le bois dont l’homme est fait
est si noueux qu’on ne peut y tailler des poutres bien droites. La nature nous
oblige à chercher à ne pas chercher autre chose qu’à nous approcher de cette
idée ([2]). Réaliser cette
approximation, c’est aussi le travail auquel nous nous attelons le plus
tardivement : ceci résulte du fait que, pour y parvenir, ce qui est exigé,
ce sont des concepts exacts touchant
la nature d’une constitution possible, c’est une grande expérience, riche du
profit de maints voyages à travers le monde, et par-dessus tout, c’est une bonne volonté, disposée à accepter cette
constitution. Trois conditions qui ne peuvent être réunies que difficilement
et, quand cela se produit, ne peuvent l’être que très tardivement, après de
multiples et vaines tentatives.
*
* *
Septième proposition
Le problème de l’établissement d’une constitution
civile parfaite est lié au problème de l’établissement de relations régulières
entre les États, et ne peut pas être résolu indépendamment de ce dernier. – À quoi bon travailler à une constitution civile
régulière, c’est-à-dire à l’établissement d’une communauté entre individus isolés ?
La même insociabilité qui contraignait les hommes à s’unir est à son tour la
cause d’où il résulte que chaque communauté dans les relations extérieures,
c’est-à-dire dans ses relations avec les autres États, jouit d’une liberté sans
contrainte ; par suite chaque État doit s’attendre à subir de la part des
autres exactement les mêmes maux qui pesaient sur les hommes et les
contraignaient à entrer dans un état civil régi par des lois. La nature a donc
utilisé une fois de plus l’incompatibilité des hommes et même l’incompatibilité
entre grandes sociétés et corps politiques auxquels se prête cette sorte de
créatures, comme un moyen pour forger au sein de leur inévitable antagonisme un
état de calme et de sécurité. Ainsi, par le moyen des guerres, des préparatifs
excessifs et incessants en vue des guerres et de la misère qui s’ensuit
intérieurement dans chaque État, même en temps de paix, la nature, dans des
tentatives d’abord imparfaites, puis finalement, après bien des ruines, bien
des naufrages, après même un épuisement intérieur radical de leurs forces,
pousse les États à faire ce que la raison aurait pu aussi bien leur apprendre
sans qu’il leur en coutât d’aussi tristes épreuves, c’est-à-dire à sortir de
l’état anarchique de sauvagerie, pour entrer dans une Société des Nations. Là,
chacun, y compris le plus petit État, pourrait attendre la garantie de sa
sécurité et ses droits non pas de sa propre puissance ou de la propre
appréciation de son droit, mais uniquement de cette grande Société des Nations (Fœdus Amphyctionum), c’est-à-dire d’une force
unie et d’une décision prise en vertu des lois fondées sur l’accord des
volontés. Si romanesque que puisse paraître cette idée, et bien qu’elle ait été
rendue ridicule chez un Abbé de Saint-Pierre ou un Rousseau (peut-être parce
qu’ils en croyaient la réalisation toute proche), telle est pourtant bien
l’issue inévitable de la misère où les hommes se plongent les uns les autres,
et qui doit forcer les États à adopter la résolution (même si ce pas leur coûte
beaucoup) que l’homme sauvage avait acceptée jadis tout aussi à
contre-cœur : résolution de renoncer à la liberté brutale pour chercher
repos et sécurité dans une constitution conforme à des lois. Toutes les guerres
sont de ce fait autant de tentatives (non pas bien entendu dans l’intention des
hommes, mais dans celle de la nature) pour réaliser de nouvelles relations
entre les États, et, par leur destruction, ou du moins par leur démembrement
général, pour former de nouveaux corps ; ceux-ci à leur tour, soit dans leurs
rapports internes, soit dans leurs relations mutuelles ne peuvent se maintenir,
et par conséquent doivent subir d’autres révolutions analogues. Un jour enfin,
en partie par l’établissement le plus adéquat de la constitution civile sur le
plan intérieur, en partie sur le plan extérieur par une convention et une
législation communes, un état de choses s’établira qui, telle une communauté
civile universelle, pourra se maintenir par lui-même comme un automate.
Et maintenant, est-ce d’un concours épicurien
des causes efficientes qu’il nous faut attendre que les États, comme les atomes
de la matière, essaient, en s’entrechoquant au hasard, toute sorte de
structures qu’un nouveau choc détruira à leur tour, jusqu’à ce qu’enfin, un
jour, par hasard, l’une d’elles
réussisse à se conserver dans sa forme (heureux hasard, dont on n’imagine pas
sans peine la réussite !) ? Ou bien doit-on plutôt admettre que la
nature suit ici un cours régulier en conduisant notre espèce du degré inférieur
de l’animalité au degré supérieur de l’humanité par un art qui lui est propre,
bien qu’imposé de force à l’homme, tandis qu’elle développe ses dispositions
primitives, selon un plan tout à fait régulier en dépit du désordre apparent
qui préside à son arrangement ?
Ou bien prétendra-t-on au contraire que toutes ses actions ou réactions
des hommes, dans leur ensemble, n’aboutissent nulle part à rien, à rien de sage
du moins, que tout continuera comme par le passé et qu’on ne peut prévoir si la
discorde naturelle à notre espèce ne nous préparera pas finalement, malgré
l’état de civilisation, un enfer de maux, en anéantissant peut-être une fois de
plus par une destruction barbare cette civilisation et tous les progrès que
nous fîmes jusqu’ici dans la culture (menace d’un destin dont rien ne saurait
nous garantir sous le règne du hasard aveugle qui pratiquement s’identifie à la
liberté sans loi, à moins qu’on ne soumette cette liberté à un principe naturel
d’une secrète sagesse) ?
Toutes ces hypothèses reviennent à peu près à se poser la question
suivante : est-il raisonnable d’admettre la finalité de l’organisation de
la nature dans le détail et cependant l’absence de finalité dans
l’ensemble ? L’état des sauvages, dépourvu de finalité, d’abord entrave
toutes les dispositions naturelles de notre espèce ; mais, en fin de
compte, il les a forcés, par le moyen des maux où il les plongeait, à sortir de
cet état pour entrer dans une constitution civile où tous ces germes ont pu se
développer. La liberté barbare des États déjà établis réalise également cette
transformation. En effet, l’application de toutes les forces des communautés à
s’armer les unes contre les autres, les ravages que provoque la guerre, et bien
plus encore la nécessité de se sentir continuellement prêt à la guerre, gênent
le complet développement des dispositions de la nature dans leur cours. Mais
par contre aussi, les maux qui découlent de cette situation contraignent notre
espèce à imaginer une loi de compensation en face de cette opposition (en
soi-même salutaire), que manifestent nombre d’États vivant côte à côte, et,
pour donner du poids à cette loi, à introduire une force unifiée et par suite
une situation cosmopolitique de sécurité publique des États, d’où le danger ne
soit pas tout à fait exclu (car il ne faut pas que les forces des hommes
s’assoupissent complètement), mais que règle un principe d’égalité pour leurs actions et réactions mutuelles, afin qu’ils ne se
détruisent pas les uns les autres. Tant que ce dernier pas n’est point franchi
(à savoir l’association des États), ce qui ne représente guère qu’une moitié du
développement pour la nature humaine, cette dernière endure les pires maux sous
l’apparence trompeuse d’un bien-être extérieur ; et Rousseau n’avait pas
tellement tort de préférer l’état des sauvages, abstraction faite, évidemment,
de ce dernier degré auquel notre espèce doit encore s’élever. Nous sommes
hautement cultivés dans le domaine de l’art et de la science. Nous sommes
civilisés, au point d’en être accablés, pour ce qui est de l’urbanité et des
bienséances sociales de tout ordre. Mais quant à nous considérer comme déjà moralisés, il s’en faut encore de
beaucoup. Car l’idée de la moralité appartient encore à la culture
(Kultur) ; par contre, l’application de cette idée, qui aboutit seulement
à une apparence de moralité dans l’honneur et la bienséance extérieure,
constitue simplement la civilisation. Mais aussi longtemps que des États
consacreront toutes leurs forces à des vues d’expansion chimériques et
violentes, et entraveront ainsi sans cesse le lent effort de formation
intérieure de la pensée chez leur citoyen, les privant même de tout secours
dans la réalisation de cette fin, on ne peut escompter aucun résultat de ce
genre ; car un long travail intérieur est nécessaire de la part de chaque
communauté pour former à cet égard ses citoyens. Par contre, tout bien qui
n’est pas greffé sur une disposition moralement bonne n’est que pure chimère et
faux clinquant. Le genre humain restera sans doute dans cette position jusqu’à
ce que, de la manière que je viens d’indiquer, il se dégage laborieusement de
la situation chaotique où se trouve les rapports entre États.
*
* *
Huitième proposition
On peut envisager l’histoire de l’espèce humaine en
gros comme la réalisation d’un plan caché de la nature pour produire une
constitution politique parfaite sur le plan intérieur, et, en fonction
de ce but à atteindre, également parfaite sur le plan extérieur ;
c’est le seul état de choses dans lequel la nature peut développer complètement
toutes les dispositions qu’elle a mises dans l’humanité. – Cette proposition découle de la précédente. On le
voit, la philosophie pourrait bien avoir aussi son millénarisme
(Chiliasmus) ; mais pour en favoriser l’avènement, l’idée qu’elle s’en
fait, encore de très loin seulement, peut jouer un rôle par elle-même. Ce n’est
donc nullement une rêverie de visionnaire. Il s’agit seulement de savoir si
l’expérience révèle quelque chose qui justifie un tel processus dans les plans
de la nature. Je dis « un tant soit peu », car ce circuit semble exiger
un tel laps de temps avant de se fermer que, si nous nous fondons sur la
portion infime parcourue jusqu’ici par l’humanité dans ce domaine, on ne peut
déterminer la forme de ce circuit et les rapports des parties au tout qu’avec
bien peu de certitudes. Pareillement, en s’appuyant sur toutes les observations
du ciel faites jusqu’ici, entrevoit-on bien difficilement la course
qu’accomplit notre soleil et tout son cortège de satellites dans le grand
système des planètes : cependant le peu qu’on a observé du fondement
général de la constitution systématique de l’édifice du monde nous donne assez
de certitude pour conclure à la réalité de cette révolution. En attendant, la
nature humaine adopte l’attitude suivante : même à l’égard de l’époque que
doit atteindre notre espèce, elle ne demeure pas indifférente, à condition de
pouvoir l’attendre avec certitude. En particulier, nous pouvons d’autant moins
être indifférents dans notre cas, puisque, semble-t-il, nous sommes capables
par notre propre disposition raisonnable d’amener plus vite l’avènement de
cette ère si heureuse pour nos descendants. À ce titre, pour nous-mêmes, les
faibles indices de son approche sont très importants. Aujourd’hui déjà, les
États entretiennent des rapports mutuels si raffinés qu’aucun d’eux ne peut
relâcher sa culture intérieure sans perdre à l’égard des autres de sa puissance
et de son influence ; par conséquent, sinon le progrès, du moins la
conservation de ce but naturel, est suffisamment garantie par les desseins
ambitieux que ceux-ci nourrissent. Bien plus, la liberté du citoyen ne peut
plus guère être attaquée sans que le préjudice s’en fasse sentir dans tous les
métiers, et particulièrement dans le commerce ; mais aussi, du même coup,
se manifeste l’affaiblissement des forces de l’État dans ses relations
extérieures. Or, cette liberté s’étend d’une manière continue. Quand on empêche
le citoyen de chercher son bien-être par tous les moyens qu’il lui plaît avec
la seule réserve que ces moyens soient compatibles avec la liberté d’autrui, on
entrave le déploiement de l’activité générale, par suite, en retour, les forces
de la collectivité. C’est pourquoi les restrictions apportées à la personne,
dans ses faits et gestes, sont de plus en plus atténuées ; c’est pourquoi
la liberté universelle de religion est reconnue ; ainsi perce peu à peu
sous un arrière-fond d’illusions et de chimères, l’ère des lumières ; c’est là un grand bien dont le genre humain
doit profiter en utilisant même la soif égoïste de grandeur de ses chefs, pour
peu que ceux-ci comprennent leur propre intérêt. Mais ces lumières, et avec
elle encore un certain attachement que l’homme éclairé témoigne inévitablement
pour le bien dont il a la parfaite intelligence, doivent peu à peu accéder
jusqu’aux trônes et avoir à leur tour une influence sur les principes de
gouvernement. Prenons un exemple : si nos gouvernements actuels ne
trouvent plus d’argent pour subventionner les établissements d’éducation
publique, et de manière générale pour tout ce qui représente au monde les vraies
valeurs, parce que tout est déjà dépensé par avance pour la guerre à venir, il
y va pourtant de leur véritable intérêt de ne pas du moins entraver les
efforts, certes bien faibles et lents, que leur peuple accomplisse à titre
privé dans ce domaine. Et enfin la guerre ne se borne pas à être une entreprise
aux rouages très subtils, très incertaine quant au dénouement pour les deux
camps ; mais encore pour les fâcheuses conséquences dont se ressent l’État
écrasé sous le poids d’une dette toujours croissante (c’est là une invention
moderne), et dont l’amortissement devient imprévisible, elle finit par devenir
une affaire épineuse ; en même temps l’influence que le seul ébranlement
d’un État fait subir à tous les autres finit par devenir si sensible (tant chacun
d’eux est indissolublement lié aux autres sur notre continent par ses
industries) que ceux-ci sont obligés par la crainte du danger qui les menace et
hors de toute considération législatrice, de s’offrir comme arbitres, et ainsi,
longtemps à l’avance, de faire tous les préparatifs pour l’avènement d’un grand
organisme politique futur dont le monde passé ne saurait produire aucun
exemple. Bien que cet organisme politique pour le moment ne soit qu’une ébauche
bien grossière, un sentiment se fait déjà pour ainsi dire jour chez tous les
membres ; la conservation de la collectivité leur importe. Ce qui donne
l’espoir qu’après maintes révolutions et maints changements, finalement, ce qui
est le dessein suprême de la nature, un État
cosmopolitique universel, arrivera un jour à s’établir : foyer où se
développeront toutes les dispositions primitives de l’espèce humaine.
*
* *
Neuvième proposition
Une tentative philosophique pour traiter
l’histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à une unification
politique totale dans l’espèce humaine, doit être envisagée comme possible et
même comme avantageuse pour ce dessein de la nature. – C’est un projet à vrai dire étrange, et en
apparence extravagant, que de vouloir composer une histoire d’après l’idée de la marche que le monde devrait suivre,
s’il était adapté à des buts raisonnables certains ; il semble qu’avec une
telle intention, on ne puisse aboutir qu’à un roman. Cependant, si on peut que
la nature même, dans le jeu de la liberté humaine, n’agit pas sans plan ni sans
dessein final, cette idée pourrait bien devenir utile ; et, bien que nous
ayons une vue trop courte pour pénétrer dans le mécanisme secret de son
organisation, cette idée pourrait nous servir de fil conducteur pour nous
représenter ce qui ne serait sans cela qu’un agrégat des actions humaines comme formant, du moins en gros, un système. Partant en effet de l’histoire grecque, la seule qui nous transmette
toutes les autres histoires qui lui sont antérieures ou contemporaines, ou qui
du moins nous apporte des documents à ce sujet ([3]) ;
suivons son influence sur la formation et le déclin du corps politique du
peuple romain, lequel a absorbé
l’État grec ; puis l’influence du peuple romain sur les Barbares qui a leur tour le
détruisirent, pour en arriver jusqu’à notre époque ; mais joignons-y en
même temps épisodiquement l’histoire
politique des autres peuples, telle que la connaissance en est peu à peu
parvenue à nous par l’intermédiaire précisément de ces nations éclairées.
On verra alors apparaître un progrès régulier du perfectionnement de la
constitution politique dans notre continent (qui vraisemblablement donnera un
jour des lois à tous les autres).
Bornons nous donc à considérer la constitution politique et ses lois
d’une part, les rapports internationaux d’autre part, dans la mesure où les
deux choses ont, par ce qu’elles renfermaient de bon, servi pendant un certain
temps à élever des peuples (du même coup à élever les arts et les sciences), et
à les faire briller, mais dans la mesure aussi où ils ont servi à précipiter
leur chute par des imperfections inhérentes à leur nature (en sorte qu’il est
pourtant toujours resté un germe de lumières, germe qui, au travers de chaque
révolution se développant davantage, a préparé un plus haut degré de
perfectionnement) ; alors nous découvrirons un fil conducteur qui ne sera
pas seulement utile à l’explication du jeu embrouillé des affaires humaines ou
à la prophétie politique des transformations civiles futures – (profit qu’on a
déjà tiré de l’histoire des hommes, tout en ne la considérant comme le résultat
d’une liberté sans règle) ; – mais ce fil conducteur ouvrira encore (ce
qu’on ne peut raisonnablement espérer sans présupposer un plan de la nature),
une perspective consolante sur l’avenir, où l’espèce humaine nous sera
représentée dans une ère très lointaine sous l’aspect qu’elle cherche de toutes
ses forces à revêtir : s’élevant jusqu’à l’état où tous les germes que la
nature a placés en elles pourront être pleinement développés et où sa destinée
ici-bas sera pleinement remplie. Une telle justification de la nature ou mieux
de la Providence n’est pas un motif négligeable pour choisir un centre
particulier de perspective sur le monde. Car à quoi bon chanter la magnificence
et la sagesse de la création dans le domaine de la nature où la raison est
absente ; à quoi bon recommander cette contemplation, si, sur la vaste
scène où agit la sagesse suprême, nous trouvons un terrain qui fournit une
objection inéluctable et dont la vue nous oblige à détourner les yeux avec
mauvaise humeur de ce spectacle ? Et ce serait le terrain même qui
représente le but final de tout le reste : l’histoire de l’espèce humaine.
Car nous désespérerions alors de jamais rencontrer ici un dessein achevé et
raisonnable, et nous ne pourrions plus espérer cette rencontre que dans un
autre monde.
Croire que j’ai voulu, avec cette idée d’histoire du monde qui possède
dans une certaine mesure un fil conducteur a
priori, évincer l’étude de l’histoire (Historie) proprement dite comprise
de façon empirique, ce serait se
méprendre sur mon intention ; j’ai simplement été guidé par la pensée de
ce qu’une tête philosophique (qui, par ailleurs, devrait être très avertie des
problèmes historiques) pourrait encore tenter de faire en se plaçant à un autre
point de vue. En outre la minutie, louable sans doute, avec laquelle on rédige
l’histoire contemporaine, doit malgré tout faire naître naturellement en chacun
une inquiétude : celle de savoir comment nos descendants éloignés s’y
prendront pour soulever le fardeau de l’histoire que nous pourrons leur laisser
d’ici quelques siècles. Sans aucun doute, ils apprécieront celle des temps
reculés, dont les documents se seront perdus pour eux depuis longtemps, du seul
point de vue de la contribution ou du préjudice que les peuples et les régimes
ont apporté sur le plan cosmopolitique. Prendre garde à cela et tenir compte
aussi tant de l’ambition des chefs d’États que de celle de leurs serviteurs,
pour attirer leur attention sur le seul moyen qu’ils ont de transmettre leur
glorieux souvenir à la postérité : voilà encore un petit motif
supplémentaire pour tenter une telle histoire philosophique.
([1]) Une note
parue dans la Gothaische gelehrte Zeitung
(11 février 1784) s’exprimait ainsi : « Une idée chère au professeur
Kant, c’est que le but final de l’espèce humaine est la réalisation de la
constitution politique la plus parfaite, et il souhaite qu’un historien
philosophe veuille bien entreprendre une histoire de l’humanité conçue sous ce
point de vue, qui montre jusqu’à quel point l’humanité, aux différentes
époques, s’est éloignée ou rapprochée de ce but, et ce qu’il y a encore à faire
pour l’atteindre. »
C’est pour répondre à l’attente suscitée par cette
note que Kant écrivit dans la Berlinische
Monatsschrift de novembre 1784, l’article qui devint l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique.
[Note de Piobetta]
([2]) Le rôle
de l’homme est par conséquent tout à fait artificiel. Ce qu’il en est des
habitants des autres planètes et de leur nature, nous l’ignorons. Mais si nous
menons à bien cette mission de la nature, nous pouvons certes nous flatter
d’avoir droit à une place de choix parmi nos voisins dans l’édifice du monde.
Peut-être chez ces autres, chaque individu peut-il remplir pleinement sa
destinée au cours de sa vie : pour nous, l’affaire se présente tout
autrement ; il n’y a que l’espèce qui puisse nourrir cette espérance.
([3]) Seule
l’existence d’un public instruit, qui
a duré sans interruption depuis les débuts de l’histoire ancienne jusqu’à nous,
peut en garantir l’authenticité. En dehors de lui, tout est « terra
incognita » ; et l’histoire des peuples qui vécurent en marge de lui
ne peut être entreprise qu’à partir du
moment où ils sont entrés. C’est ce qui arriva pour le peuple juif, au temps des Ptolémée, par l’intermédiaire de la traduction grecque de la Bible,
sans laquelle on ne pourrait guère ajouter crédit aux renseignements isolés que nous possédons sur lui. À
partir de ce moment (une fois ce point initial bien établi), on peut remonter
le cycle des récits historiques. Et de même pour tous les peuples. La première
page de Thucydide (dit Hume) est le seul début de toute histoire véridique.
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