Dans le sommeil, si l’on a conscience que l’on dort et si l’on se rend compte de l’état qui révèle la sensation du sommeil, il y a l’apparence, mais il y a quelque chose en soi qui dit que c’est l’apparence de Coriscus et non Coriscus lui-même (car souvent, quand on dort, il y a quelque chose dans l’âme qui dit que ce qui apparaît est un rêve).
Aristote, Des Rêves, 460 a, in Parva naturalia (Petits Traités d'Histoire naturelle)
Mais je vous raconterai brièvement quelque chose qui vous sera un sujet de réflexion. Notre frère Gennadius, médecin connu de presque tout le monde, et qui nous est si cher, habite maintenant Carthage ; il a exercé son art à Rome avec grand succès ; vous savez combien il est religieux, avec quelle compassion vigilante et quelle bonté d’âme il s’occupe des pauvres. Autrefois, dans sa jeunesse, comme il nous l’a dit lui-même, et malgré sa ferveur pour ces actes de charité, il avait eu des doutes sur une vie à venir. Dieu ne voulant pas abandonner une âme comme la sienne et lui tenant compte de ses œuvres de miséricorde, un jeune homme d’une frappante apparence lui apparut en songe et lui dit : « Suivez-moi. » Gennadius le suivit ; il arriva dans une ville où il commença à entendre, du côté droit, un chant d’une suavité inaccoutumée et inconnue ; Gennadius cherchant ce que c’était, le jeune homme répondit que c’étaient les hymnes des bienheureux et des saints. Je ne me rappelle pas assez ce qu’il disait avoir vu du côté gauche. Il s’éveilla, le songe s’enfuit, et Gennadius ne s’en occupa que comme on s’occupe d’un songe.
La nuit suivante, voilà que le même jeune homme lui apparaît de nouveau et lui demande s’il le connaît ; Gennadius lui répond qu’il le connaît bien et tout à fait. Alors le jeune homme lui demanda où il l’avait connu ; Gennadius qui avait présents les souvenirs de la précédente nuit, lui parla de son rêve et des hymnes des saints qu’il avait entendus lorsqu’il l’avait eu pour guide. Interrogé sur la question de savoir s’il avait vu tout cela en songe ou éveillé, il répondit : « En songe. » — « Vous vous en souvenez bien, lui dit le jeune homme ; c’est vrai. Vous avez vu ces choses en songe. Mais sachez que maintenant encore vous voyez en songe. » Gennadius, entendant cela, répondit qu'il le croyait ainsi. « Où est en ce moment votre corps ? » lui dit celui qui l'instruisait ; « dans mon lit, » répondit-il. « Savez-vous, dit encore le jeune homme, savez-vous que les yeux de votre corps sont en ce moment liés, fermés, inoccupés, et qu'avec ces yeux-là vous ne voyez rien ? » — « Je le sais, » répondit Gennadius. « Quels sont donc, reprit le jeune homme, quels sont ces yeux avec lesquels vous me voyez ? » Gennadius, ne trouvant pas à répondre à cette question, se tut. Tandis qu’il hésitait et cherchait, la vérité lui fut révélée par la bouche de son jeune maître : « De même, lui dit celui-ci, que les yeux de votre chair, pendant que vous dormez et que vous êtes couché dans votre lit, se reposent et ne font rien, et que pourtant il y a en vous des yeux avec lesquels vous me voyez et que vous vous servez de cette vue ; de même, après votre mort, sans aucune action de vos yeux corporels, vous vivrez et vous sentirez encore. Gardez-vous désormais de douter qu’il y ait une vie après le trépas. » C'est ainsi que cet homme fidèle cessa de douter ; d’où lui vint cet enseignement si ce n’est de la providence et de la miséricorde de Dieu ?
Augustin, lettre 159 à Évode, 414
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