Lorsque quelqu’un agit, on tient compte de son intention, pour évaluer moralement son acte.
Aussi semble-t-il qu’en morale c’est l’intention qui compte. Si je perds une somme d’argent importante qu’un pauvre s’en trouve aidé, mon action est moralement nulle.
Toutefois, l’intention ne semble pas suffire, voire être nécessaire. Si je sauve quelqu’un de la noyade, mon action est bonne, même si mon intention est d’être récompensé, ce qui semble peu moral.
Dès lors quelle est la place de l’intention dans l’action morale ?
Est-elle sans intérêt ?Est-elle constitutive de la moralité de l’action ? Exige-t-elle d’être liée à l’action ?
On pourrait penser comme les utilitaristes que la valeur morale de l’action ne tient qu’à ses conséquences. Dès lors, une action qui est utile est bonne quelle que soit l’intention du sujet, intention qui ne compte pas, c’est l’efficacité qui compte. Si j’ai l’intention de sauver quelqu’un de la noyade et que j’échoue par ma maladresse, l'intention de le sauver ne corrige pas l’échec, tout au plus elle conduit à une certaine indulgence de la part d’autrui. Et si je le sauve pour obtenir une récompense, mon action est bonne. Ainsi un mensonge habituellement mauvais par ce qu’il sape la confiance (cf. Mill, L’utilitarisme) peut être bon par ses conséquences comme ceux que fait Sœur Simplice dans Les Misérables (1862) de Victor Hugo (1802-1885) et qui apaisent Fantine, pui sauvent Jean Valjean et Cosette.
Pourtant, celui qui n’agit que par intérêt, pour bonnes aux autres que soient ses actions ne semble avoir aucune valeur morale. L’intention n’est-elle pas essentielle à la morale ?
On peut donc avec Kant considérer que c’est la « bonne volonté », soit l’intention qui fait la valeur morale de l’action (Fondements de la métaphysique des mœurs), mais cette intention doit être distinguée du simple souhait ou du vœu qui n’est que la représentation d’un but désiré pour lequel on ne fait rien. Ainsi, ce n’est pas avoir l’intention de sauver quelqu’un de la noyade que de le regarder s’enfoncer dans l’eau, il faut agir, au moins appeler au secours si on ne peut faire autrement. La simple déclaration d’intention au sens du souhait ne donne aucune valeur à l’acte et on ne peut se dédouaner d’une action peu glorieuse en prétendant que c’est l’intention qui compte.
Cependant, l’intention qui implique un commencement d’action exige une certaine réussite pour que sa valeur morale soit nette. Que doit être l’intention pour qu’elle suffise à la valeur morale de l’action ?
Ainsi un acte de charité exige d’être guidé par l’intention de se soucier du prochain et non par l’intérêt personnel. Sa réussite n’exige aucune capacité spéciale ; il suffit de donner une partie de ce qu’on a. Lorsque l’action dépend de capacités spéciales ou de circonstances particulières, l’intention du sujet est suffisante, à la condition qu’elle inclue les meilleures actions dont le sujet est capable. C’est en ce sens que Kant a raison de faire de la bonne volonté, le principe de l’action morale. Le héros du mur qui fait découvrir aux franquistes que son chef est caché dans un cimetière en mentant, est coupable car finalement l’intention ne se sépare pas de la réalisation de l’acte.
En somme, l’action morale n’est pas seulement celle qui est utile au plus grand nombre comme le pensaient les utilitaristes, elle exige une intention du sujet, et celle-ci qui consistent à agir de façon désintéressée, enveloppe les actions qui la manifestent, acquiert ainsi toute sa valeur morale.
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