mercredi 12 février 2025

corrigé du sujet : Créer une image

 On parle souvent de créateurs pour ceux qui fabriquent des images, sculpteurs, peintres, photographes, cinéastes. Or, qu’est-ce que créer une image ?

Créer à la différence de produire, c’est faire quelque chose de nouveau. Or, une image paraît être en première analyse une représentation d’une chose ou d’une personne en son absence. Elle ne paraît pas pouvoir être nouvelle.

Cependant, difficile de nier qu’il y ait des images nouvelles et donc créées.

Dès lors on peut se demander si et comment on peut créer une image.

Créer une image c’est paradoxalement imiter, c’est surtout s’exprimer, voire organiser les données de l’expérience.

 

 

Si je forge une image, visuelle ou acoustique, c’est sur la base d’une sensation visuelle ou auditive, et cette image peut exister en l’absence de l’objet comme cela se passe dans le sommeil de sorte qu’une image, c’est ce qui reste de l’acte d’une sensation (Aristote, De l’âme, livre III, chapitre 3). L’image est à l’imitation de l’objet dont elle est l’image. Ainsi, les artistes produisent des images. En quoi les créent-ils et comment est-ce possible ?

La peinture religieuse montre une certaine création. Ainsi Phidias (490-430 av. J.-C.) n’a pas vu le Zeus d’Olympie, statue chryséléphantine de 12 mètres qu’il a faite, ni l’Athéna du Parthénon, une statue chryséléphantine de 11,5 mètres. De même dans la peinture chrétienne. Le signe de la bénédiction avec le pouce qui touche l’annulaire et le petit doigt pendant que l’ Index et le majeur sont levés est une création pour symboliser la Trinité pour les trois doigts et l’union des natures divines et humaines du Christ pour les deux joints. Les peintres ont pris pour leur création des images d’humains, de doigts etc. ainsi l’imitation crée des images à partir d’autres images par composition de même qu’on peut créer de nouvelles phrases par la combinaison de mots. La Fontaine a créé des fables ainsi en imitant celles d’Ésope (VI° av. J.-C.), de Phèdre (14 av. J.-C.-50 ap. J.-C.), etc.

Créer une image repose sur l’imitation et la composition des images existantes comme le montre l’Intelligence artificielle, raison pour laquelle on peut créer des images fausses. C’est le sens de la critique de l’image de Platon (428-347 av. J.-C.) dans le livre X de la République : les poètes et les peintres ne créent que des simulacres. En effet, si on distingue L’Idée du lit du lit que fabrique à partir de lui l’artisan, le peintre lui représente une apparence du lit. C’est ainsi qu’il crée, mais un simple simulacre (φάντασμα, phantasma).

 

 

Néanmoins, si l’imitation et la composition permettent de créer des images, elles ne sont finalement que des reproductions de celles qui se forment spontanément. Dès lors la création n’est-elle pas plutôt dans l’expression consciente ou non ?

 

 

Une image n’est pas nécessairement une représentation, elle peut être une expression, soit l’extériorisation, la manifestation d’un sentiment du sujet. Ainsi Jakobson définissait la fonction expressive du langage en donnant comme exemple des phrases comme « je t’aime ». Quand Chimène dit au Cid « Va, je ne te hais point. » (Corneille, Le Cid, Acte III, scène 4), elle ne lui représente pas quelque chose, mais lui exprime son amour alors qu’il a tué son père et qu’elle devrait le haïr Le dramaturge crée une image, une litote ici, avec des mots déjà existant, mais surtout l’image est une expression.

On peut ainsi comprendre la création d’images en peinture comme La naissance de Vénus [1484-1485] de Botticelli (1445-1510), expression de la beauté. Le peintre a pris comme modèle pour sa Vénus Simonetta Cattaneo, une des plus belles florentines. Elle exprime ici l’idéal néoplatonicien de la beauté célébré par le philosophe florentin Marsile Ficin (1433-1499), commentateur du Banquet et du Phèdre de Platon et fondateur de l’académie platonicienne de Florence.

Dans la Vénus à l’organiste (1550-1552), Titien (Vecellio Tiziano,1488-1576, dit) exprime la supériorité de la peinture sur la musique pour manifester la beauté. En effet, l’organiste, dans une position improbable, se détourne de son instrument pour voir une plantureuse Vénus recouverte d’un voile transparent aux cheveux coiffés et qui arbore quelques bijoux au cou et aux poignets qui attire aussi le regard du spectateur. Ainsi créer une image pour un peintre de la renaissance c’est faire servir les représentations imitées au profit d’un sens que le spectateur doit lire.

C’est pourquoi la Rhétorique de l’image (in Communications, 1964) de Barthes sur une image publicitaire, relatif à Panzani montre l’intention de signification. Les signes linguistiques de la publicité comme le jeu de couleurs qui renvoient à l’italianité du produit qui renvoie à un plat typique du pays voisin. Le goût authentique est ainsi suggéré pour la sauce en boite et la photographie qui est une image d’un « avoir-été-là » prétend ainsi à une certaine évidence qu’on retrouve dans les images de propagandes parfois mensongères. La propagande nazie filmait les soldats africains noirs capturés surtout porteurs de balafres rituels en 1940 pour dénoncer le prétendu ensauvagement de l’Europe dont la France enjuivée aurait fait preuve selon l’idéologie raciste nazie. Par contre il n’y avait pas d’images de leur massacre systématique. Car créer une image s’entend de ce qu’on montre et de ce qu’on ne montre pas. Ainsi Staline faisait effacer des photographies les anciens bolcheviks qu’il faisait condamner dans des procès fictifs pour nier leur participations à la révolution, ce que Eric Blair (1903-1950), alias Georges Orwell, a montré dans son roman 1984 ( 1949), dystopie d’un monde totalitaire dont le héros Winston Smith est chargé de réécrire l’histoire au ministère de la vérité d’un pays totalitaire nommé Oceania dirigé par un chef du parti Angsoc à l’image omniprésente avec le slogan « Big brother is watching you ». On peut créer une image inconsciemment. C’est le sens de l’interprétation de Freud (1856-1939) du tableau de Léonard (1452-1519), La Vierge, l’enfant Jésus et Sainte Anne (1503-1519) qui exprimerait un désir homosexuel refoulé qui se trouverait dans le manteau de la Vierge, un oiseau qui touche la bouche de l’enfant de sa queue selon un prétendu souvenir d’enfance que Léonard a consigné dans ses Carnets (cf. Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, 1910, 1919).

 

 

Toutefois, si on conçoit que créer une image, c’est exprimer consciemment ou inconsciemment une signification, la dimension d’image se confond avec la signification et disparaît ainsi. Ne faut-il pas plutôt voir dans l’image une certaine organisation du sensible ?

 

 

Que l’image ne se réduise pas à la manifestation d’un contenu, on peut le demander à une image célèbre, celle que proposa Magritte (1898-1967) sous le titre de Trahison des images (1929). Le tableau présente une immense pipe flottant dans un espace indéterminé sous lequel est tracée dans une belle écriture d’instituteur la phrase « Ceci n’est pas une pipe ». La première réaction est de se dire que la phrase vise à distinguer l’image de la chose. Toutefois, le « ceci » peut désigner aussi bien l’ image que le tableau en entier, voire le mot ceci. On peut donc penser avec Michel Foucault (1926-1984) dans Ceci n’est pas une pipe (1966) que Magritte défait la liaison habituelle entre l’image et la légende qui réduit l’image. Ainsi, comme le manifeste le tableau lui-même, l’image est dans l’organisation des éléments peints.

En effet, on peut d’abord remarquer avec Sartre dans L’imaginaire (1940) que l’image mentale ou physique est non une chose, voire son décalque dans notre esprit, mais une conscience. L’image comme la chose perçue n’est pas dans la conscience mais hors de moi, avec cette différence que l’image repose sur une conscience d’absence qui la définit et dont le contenu est un analogon pour reprendre la terminologie de Husserl qui expliquait qu’en regardant une gravure de Dürer (1471-1528), Le chevalier, la mort et le diable (1513) (cf. Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie I, traduction française Paul Ricœur, § 131), on ne voyait pas les traits noirs, mais un quasi-étant. Créer une image, c’est faire surgir cette conscience du fond du pouvoir de la conscience de passer de la perception à l’image par un acte de néantisation, c’est-à-dire de liberté pure. Mais si toute image implique bien que le sujet ait conscience qu’elle est une image, ll n’en reste pas moins qu’elle a un contenu.

Aussi, s’il faut nier que l’image soit un décalque de la perception, on peut la penser à partir de la découverte par Kant du schématisme (Critique de la raison pure, 1781, 1787). Par schème, Kant entend un produit de l’imagination qui permet de procurer une image à un concept de sorte que l’image qui découle d’un concept organise la perception. Par exemple, c’est l’image du chien qi me permet de reconnaître un chien quand j’en voie un, autrement dit l’image organise le sensible et le rend visible. Aussi Merleau-Ponty a-t-il raison d’écrire dans L’œil et l’esprit qu’il y a une « texture imaginaire du réel »(p.24), et que c’est elle que les peintres dévoilent sur leur toile. Ainsi en va-t-il de La ronde de nuit (1642) que crée Rembrandt (1606-1669) où la main qui pointe vers nous est là quand son ombre sur le corps du capitaine nous la présente de profil (L’œil et l’esprit, II, Gallimard, 1960, p.29), les deux aspects incompossibles dans la perception rendent la vision possible sur la toile, comme les positions des jambes du cheval dans le Derby d’Epsom (1821, cf. L’œil et l’esprit, p. 80) de Géricault (1791-1824) qu’aucune photographie ne pourra rendre mais qui selon le mot de Rodin (1840-1917) que cite Merleau-Ponty, la rend fausse tandis qu’est vraie la peinture car le temps ne s’arrête pas (cf. p.80) et le peintre le montre.

 

 

En un mot, le problème était de savoir si et comment on peut créer une image. Il est vrai que par la composition des images, on peut en créer d’autres par imitation tout comme cette composition peut être l’expression du sujet, sentiment ou même idée. Mais créer une image, c’est surtout organiser le sensible pour en rendre possible la perception.

Créer une image, cela pourrait être aussi organiser la vie sociale, voire la rendre possible.

jeudi 6 février 2025

corrigé du sujet Image et modèle

 Lorsqu’on pense à une image, on a tendance à la référer à son modèle. Quand Marcel Duchamp (1887-1968) donne des moustaches et une barbichette à une reproduction de la Joconde en lui donnant un titre grossier L.H.O.O.Q. (1919), il laisse entendre que le modèle de Léonard était un homme selon une certaine orientation sexuelle. Cette référence au modèle paraît évidente pour la photographie mais aussi pour la peinture ou la sculpture pour ne rien dire de la littérature ou du cinéma. L’image paraît inséparable du modèle.

Pourtant, on dit de certaines images qu’elles ont été créées de sorte qu’elles seraient indépendantes de tout modèle.

On peut se demander si l’image peut ou non se passer de modèle ?

L’image est une copie qui exige un modèle intelligible ou empirique ou est une représentation et une invention du sujet qui jamais ne devient un modèle tout en ouvrant à la perception du réel.

 

 

Si on part d’une photographie ou d’une image mentale, il semble évident qu’elles présupposent un modèle. Ainsi le douanier compare la photographie du passeport qu’il voit avec le visage qu’il a devant lui, finalement avec la représentation mentale que lui livre la perception. L’image est la reproduction la plus fidèle possible de son modèle seulement sur le plan visuel sans quoi comme Platon (428-347 av. J.-C.) le faisait dire à Socrate (469-399 av. J.-C.) à Cratyle (432c), le personnage éponyme d’un de ses dialogues, ce ne serait pas une image mais un double et on ne pourrait distinguer les images de leurs modèles, autrement dit, on ne pourrait les appréhender comme images. Comment rendre compte des images dont on sait qu’elles n’ont pas de modèles empiriques déterminées ?

Or toute la peinture religieuse montre des personnages dont il est clair que les peintres ou les sculpteurs ne les ont pas vus. Le Zeus de Phidias, le Christ, voire Mohamed dans la peinture byzantine, musulmane, voire persane ont été représentés en l’absence de leur modèle. Une solution serait avec Plotin de soutenir que l’artiste montre toutefois le Dieu, Zeus pour Phidias (Ennéades, V, 8, 1,38-40 traité 31 Sur la beauté intelligible, : « Phidias fit son Zeus, sans égard à aucun modèle sensible (Πρὸς οὐδὲν αἰσθητὸν) ; il l’imagina tel qu’il serait, s’il consentait à paraître (ἐθέλοι θανῆναι) à nos regards. ») Le modèle de l’image qui n’a pas de modèle empirique a un modèle intelligible. C’est cette conception que l’iconodoulie[1] de Jean Damascène reprendra en l’adaptant au christianisme dans son Troisième discours contre ceux qui rejettent les saintes icones de 743 que le Concile œcuménique de Nicée II (787) reprendra pour défendre le culte de l’image comme manifestation du modèle divin. Dieu lui-même en se faisant homme s’est donné dans le sensible.

Reste que le modèle de l’image pourrait être un concept, entendue comme ce qui résulte d’une multiplicité des perceptions comme le soutiennent les empiristes à l’instar de Hume (1711-1776) dans l’Enquête sur l’entendement humain (1748, section 3 De l’association des idées). C’est ainsi qu’on peut faire une image de l’homme à partir de la multiplicité des hommes déjà vus. N’est-ce pas toujours un certain idéal de l’homme qui sert à représenter le christ ou Mohamed dans la culture persane, voire dans certaines représentations dans l’empire ottoman jusqu’à ce que sa représentation sans visage devienne dominante. C’est pour cela qu’on reconnaît un homme dans les autoportraits de Rembrandt (1606-1669) qu’on ne connaît pas par ailleurs trois siècles après sa mort.

 

Toutefois, si l’image présuppose un modèle, quel est son modèle reste finalement obscur, un intelligible ou un objet de l’expérience, voire plusieurs, de sorte qu’il est possible de se demander si ce n’est pas plutôt l’esprit qui produit l’image sans modèle extérieur.

 

 

Le sujet pour imaginer applique l’esprit au corps comme le soutient Descartes dans la sixième de ses Méditations métaphysiques. Ainsi le concept de triangle qui est une représentation qui vient du sujet qui pense permet de se figurer une figure de trois côtés avec de nombreuses images possibles. Par contre l’image de chiliogone se distingue difficilement de celle du myriogone par une certaine impuissance de l’esprit à bien figurer son modèle conceptuel. Le concept d’enfant comme petit homme permet à Masaccio (1401-~1428) de représenter Jésus sur les genoux de Marie dans son tableau Sainte Anne, la vierge avec l’Enfant et des anges(1424). De même les anges ne sont que des hommes avec des ailes. Le modèle pour l’image la sert dans son intention de signification.

Si l’image se réfère à un objet extérieur, c’est parce qu’elle est une affection du sujet soutient à juste titre Spinoza (1632-1677). Ainsi le Soleil dans le Ciel m’affecte âme et corps et une représentation d’une boule de feu à 200 pieds de distance apparaît (Éthique, partie II, scolie de la proposition 35, posthume 1677). Pour l’astronome, l’image est fausse car il connaît la vraie distance déjà calculée par Aristarque de Samos au III° siècle av. J.-C. Ainsi l’image est une représentation qui exprime la relation d’un objet à un sujet. Une puissance d’imaginer est cependant possible pour Spinoza (cf. Éthique, (1677 posthume), Proposition XVII, scolie).

Aussi peut-on avec Kant (1724-1804) voir dans le schématisme (cf. Critique de la raison pure, 1781, 1787), la possibilité de créer des images s’il est vrai que c’est un procédé pour donner une image à un concept. Ainsi quand Dürer (1471-1528) représente la mort avec un sablier dans sa gravure Le chevalier, la mort et le diable(1513) il donne ou reprend une image de la mort qui n’en a pas, qui a donc été créée. on peut parler avec Kant d’image venant de l’imagination créatrice. En ce sens l’image n’a pas besoin de modèle. Elle existe par elle-même et le sujet a conscience de son être d’image car elle est comme Sartre le soutient dans L’imaginaire(1940) une conscience qui enveloppe une négation, celle de l’existence de l’objet de l’image. L’image est une conscience et non une réalité qui serait dans l’esprit (cf. L’imagination, 1936) Le sujet qui regarde la gravure voit l’analogon des figures allégoriques, c’est-à-dire un quasi objet qui est visé par l’image (cf. Sartre [1905-1980], L’imaginaire, 1940). De même que c’est la conscience qui fait de la photographie une image comme Roland Barthes (1915-1980) le soutient en reprenant la thèse de Sartre dans La chambre claire. Note sur la photographie (Cahiers du cinéma, Gallimard, Seuil, 1980).

 

Néanmoins, si le sujet fait l’image sans qu’un modèle soit nécessaire, n’y a-t-il pas comme un renversement qui fait de l’image le modèle d’un objet possible ou réel ?

 

 

Heidegger (1889-1976) dans une des premières versions de L’origine de l’œuvre d’art écrivait « L’œuvre d’art ne représente jamais rien, et pour cette simple raison qu’elle n’a rien à représenter, étant elle-même ce qui crée tout d’abord ce qui entre pour la première fois grâce à elle dans l’ouvert », trad. E. Martineau, Authentica, 1987, p. 53. Si donc l’œuvre d’art est pensée comme image, il apparaît donc que l’image n’a pas besoin de modèle, ni même d’être un modèle. Il faut la penser comme ce qui montre quelque chose de réel ou dans le réel qui sans elle n’apparaîtrait pas. Ainsi Molière (1622-1673) a-t-il montré l’image du faux dévot qui utilise la religion à son profit dans son Tartuffe (1669) qui est ainsi devenu l’antonomase de l’hypocrisie.

On peut considérer que l’œuvre d’art provient de l’imagination créatrice qui fait des images originales, comme la forme du tableau de Léonard (1452-1519), La vierge, l’enfant Jésus et sainte Anne, 1503-1519 dont le carton premier, celui de Londres a été imité par son disciple, Bernardino Luini. Une image peut donc avoir une autre image comme modèle. Elle n’est alors qu’une imitation et perd ce par quoi elle permet d’ouvrir à ce qui est.

L’image n’a pas besoin d’être imité pour être. Son imitation, c’est-à-dire son érection comme modèle est un caractère extrinsèque. Ainsi, la scène du meurtre dans la douche dans Psychose (1960) d’Alfred Hitchcock (1899-1980) où l’on voit le sang se mêlé à l’eau et disparaître dans la bonde a souvent été imitée sous forme d’hommage comme Brian de Palma (né en 1940) ou par des réalisateurs en manque d’imagination. L’image comme œuvre d’art doit être exemplaire, c’est-à-dire permettre la création d’autres images. Ainsi, Merleau-Ponty (1908-1961) dans L’œil et l’esprit (1960), note que la formation du peintre peut passer par la copie mais qu’elle conduit à dégager la « structure imaginaire du réel », c’est-à-dire les éléments du visible qui permet de voir le monde. Il cite à juste titre ce mot de Rodin qui disait que le peintre qui donne une image du mouvement est dans le vrai là où le photographe qui reproduit a tort. Pour qu’une image photographique soit véritablement une image, il faut qu’elle dévoile quelque chose de réel comme Ghost Child (août 1936) de Dorothea Lange (1895-1965) qui montre la figure d’une enfant frappée par la misère lors de la grande dépression et du dust bowl. La peinture n’a pas besoin de modèle ni n’est un modèle. Elle crée des images qui manifestent ce qui rend visible le monde et ce qui lui appartient.

 

 

Disons pour finir que le problème était de savoir si l’image exige un modèle ou bien si elle peut l’être elle-même ou si elle peut être détachée de tout modèle. Il est apparu qu’on pouvait lui assigner un modèle intelligible ou empirique mais qu’ainsi on manque le fait que l’image dépend du sujet, d’une puissance de figuration qui permet au mixte d’âme et de corps de faire être de quasi-objets. C’est que l’image dévoile finalement quelque chose du réel, ce qui le rend accessible, et est éloignée de tout modèle.

D’où peuvent venir alors les imitations ou simulacres qui pullulent dans notre monde ?



[1] Ou iconodulie (du grec εικών / eikôn, image et δουλεία / douleia, service), iconodule ou iconodoule, les deux orthographes existent (cf. Nouvelle histoire du Moyen âge, volume 1 Le premier moyen âge La sortie du monde antique sous la direction de Florian Mazel, Seuil, histoire, 2024, « 9. L’horizon byzantin » de Annick Peters-Custot, p.228.