Introduction.
On admet généralement que
l’expérience est la source fondamentale de la vérité. Et pourtant, il faut bien
convenir que l’expérience peut nous induire en erreur. Ne nous montre-t-elle
pas tous les jours que la Terre est immobile alors qu’elle tourne autour du
Soleil à environ 30 kms/s et sur elle-même à
1700 kms/h à l’équateur ?
Dès lors, quelle valeur a
l’expérience ? Dans quelle mesure conduit-elle à la vérité ?
I.
Les limites de l’expérience.
Une expérience est toujours
particulière. Par conséquent, les seules vérités qu’elle peut donner sont
particulières même si on s’en sert pour confirmer une vérité générale ou plutôt
qu’on présume telle. On peut l’illustrer avec un exemple que donne Leibniz dans
ses Nouveaux Essais sur l’entendement
humain (1765, posthume). C’était dans l’antiquité une vérité présumée
générale que le jour et la nuit se succède en 24 heures. Pourtant, à Nova
Zembla, ce n’est pas le cas. Penser donc que c’est une vérité générale sur la
base de l’expérience serait une erreur.
On peut ajouter que même sous les
latitudes qui sont les nôtres, cette vérité n’est pas nécessaire car la Terre
et la Lune peuvent disparaître. L’expérience ne permet donc pas de connaître
des vérités universelles et nécessaires comme le sont les vérités mathématiques
qui ne dépendent que de la raison.
Or, peut-on découvrir des vérités qui
reposeraient sur la raison et qui concerneraient les faits ?
II.
L’expérience et les faits.
On peut penser avec Hume dans l’Enquête sur l’entendement humain que
l’expérience joue un rôle fondamental dans la connaissance des faits. En effet,
ce qui nous permet de raisonner sur les faits, c’est la relation de cause et
d’effet. Par exemple, lorsque je vois une étendue d’eau, j’en déduis qu’elle
peut me suffoquer. Le pourrais-je sans expérience ?
Nullement. À supposer qu’Adam ait eu
toutes ses facultés de raisonner, il n’aurait pu à la seule vue de l’eau
inférer qu’elle suffoque ou à celle du feu qu’il brûle. C’est sur la base de la
conjonction constante de faits en quoi consiste l’expérience que je découvre
les effets des causes et réciproquement. A priori, c’est-à-dire sans se référer
à l’expérience, je ne peux rien inférer. Même lorsqu’on émet une hypothèse, on
suit les suggestions de l’expérience.
Aussi n’y a-t-il de vérités générales
que celles qui reposent sur l’expérience et elles sont générales en un sens
limité, c’est-à-dire qu’on ne leur a pas trouvé d’exception jusque là. Les
vérités relatives aux faits sont donc provisoires et en ce sens relatives. Leur
généralité n’est qu’une supposition, autrement dit, elles ne sont pas
universelles.
Est-ce à dire que pour découvrir des
vérités il faut s’en tenir à l’expérience ?
III. L’expérience scientifique.
On ne peut simplement collectionner
des faits et chercher par la généralisation à trouver des vérités. En effet, à
ce compte on risque ou bien de s’en tenir à des banalités ou bien de ne pas
tenir compte des cas défavorables ou bien de ne pas savoir qu’en faire.
Une expérience négative a quelque
chose de positif : elle élimine une erreur. Telle est sa fonction
essentielle. Aussi faut-il lui attribuer une vertu essentiellement négative.
L’expérience de Léon Foucault du pendule qui garde son mouvement quel que soit
le mouvement de son point de fixation permet de « voir » la Terre en
mouvement. Elle réfute donc l’impression que nous avons d’une Terre immobile.
Aussi peut-on penser avec Bergson
dans La pensée et le mouvant (1934)
que la vraie méthode scientifique consiste à user de l’expérience pour répondre
à des questions qu’on se pose. Par exemple, lorsque Strabon a utilisé
l’expérience du bateau qui arrive progressivement à l’horizon, c’était par
rapport à la question de la forme de la Terre, disque circulaire ou sphère. Ou
encore quand Aristote a utilisé l’observation de la forme réfléchie sur la Lune
lors des éclipses de Lune, c’était dans le même questionnement.
Conclusion.
Disons donc pour finir que le rôle de
l’expérience est à la fois essentiel et limité. Limité parce que l’expérience
ne permet pas de connaître des vérités universelles et nécessaires. Essentiel
parce qu’elle permet d’éviter à leur propos les erreurs. La science est donc
une recherche infinie de la vérité.
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