Georg Simmel
est né le 1er mars 1858 à Berlin. Il est le plus jeune d’une famille
de sept enfants. Il a cinq sœurs et un frère. Son père, Edward Simmel
(1810-1874), fils de marchand et marchand lui-même se convertit au catholicisme
durant un séjour entre 1830 et 1835 à Paris. Sa mère, Flora Bodstein (1818- ?),
également d’origine juive, est baptisée dans l’Église évangélique. Le mariage a
lieu en 1838 à Berlin où son père fonde l’entreprise Felix und Sarotti, une
fabrique de chocolat. Georg est baptisé dans l’église évangélique de sa mère.
Il n’est donc pas né juif d’un point de vue religieux mais sera toujours
considéré comme tel.
En 1874, son
père décède. Il lègue une certaine fortune à sa femme et à ses sept enfants qui
participeront à leur indépendance financière. Julius Friedländer (1813-1884) devient
son tuteur. C’est un ami de la famille, propriétaire de la maison d’édition
musicale Peters Verlag, toujours en activité.
Simmel fait
ses études secondaires au Gymnasium (Lycée) Friedrich Werder un établissement
renommé où il obtient son Abitur (baccalauréat) en 1876.
Simmel étudie
la philosophie et l’histoire à l’Université Friedrich-Wilhelm de Berlin de 1876
à 1881. Il a pour professeurs l’historien Theodor Mommsen (1817-1903), l’historien
et théoricien politique antisémite Heinrich Von Treitschke (1834-1896), les
historiens Heinrich Von Sybel (1817-l895) et Johann Gustav Droysen (1808-1884),
les philosophes Friedrich Harms (1819-1880), Ludwig Tobler (1827-1895) et Eduard
Zeller (1814-1908), les historiens de l’art Herman Grimm (1828-1921) et Max
Jordan (1837-1906), les anthropologues et fondateurs de la psychologie des peuples
Moritz Lazarus (1824-1903 – il fut un opposant à l’antisémitisme) – et son
beau-frère Heymann Steinthal (1823-1899), et l’ethnologue Adolf Bastian
(1826-1905).
En 1881, il
présente une thèse sur les origines de la musique inspirée du darwinisme qui
est refusée par Zeller et du physicien Hermann von Helmholtz (1821-1894). Il
devint docteur en philosophie avec une autre thèse, celle-là acceptée, Das Wesen der Materie nach Kant’s Physischer
Monadologie (L’essence de la matière selon la Monadologie physique de Kant) où
il réfute les thèses de Kant.
En 1883, il
soutient une thèse d’habilitation sur la théorie de l’espace et du temps de
Kant.
En 1884 Julius
Friedländer meurt. Il lui lègue une partie de sa fortune qui concourra à son
indépendance financière.
En 1885 il
devient Privatdozent (c’est-à-dire un
professeur qui n’est payé que par ses étudiants) à l’université de Berlin. Le
système universitaire allemand quant au statut des professeurs est ainsi résumé
par le sociologue Émile Durkheim (1858-1917) :
« (…) les professeurs ordinaires ne
forment que la minorité des maîtres qui enseignent à l’Université. Les autres
sont des professeurs honoraires ou extraordinaires qui ont tout au plus un très
petit traitement, ou bien enfin des privatdocenten qui n’ont généralement d’autres
ressources que les honoraires payés par leurs auditeurs. » Émile Durkheim, « La philosophie dans les
universités allemandes », Revue
internationale de l’enseignement, 1887, n˚13. Texte reproduit in Émile Durkheim, Textes. 3. Fonctions sociales et institutions, Les Éditions de
Minuit, 1975.
Les cours de
Simmel eurent un tel succès qu’ils étaient annoncés dans les journaux et
parfois résumés.
En 1890, il
publie La psychologie des femmes (Zur Psychologie der Frauen) et Sur une différenciation sociale (Über sociale Differenzierung). Sa femme
Gertrud Kinel (1864-1938), qu’il épouse cette année-là, est peintre et
philosophe. C’est une amie intime de Marianne Schnitger, future madame Weber
(1870-1954), sociologue, féministe et femme du sociologue Max Weber
(1864-1920). Elle écrit sous le pseudonyme de Marie-Luise Enckendorf notamment
sur les sujets de la religion et de la sexualité. Ils ont un fils, Hans
(médecin et professeur de médecine, il est emprisonné à Dachau en 1938 puis
réussit à émigrer aux États-Unis où il meurt en 1943).
En 1892, il
publie anonymement dans le numéro de janvier de Die Neue Zeit, le journal du parti social démocrate, un article
intitulé “Quelques réflexions sur la prostitution dans le présent et dans
l’avenir” (“Einiges über die Prostitution
in Gegenwart und Zukunft”). Il publie également deux ouvrages : Les problèmes de la philosophie de
l’histoire (Die Probleme der
Geschichtsphilosophie) et une Introduction
à la science morale. Une critique des concepts fondamentaux de
l’éthique (Einleitung in die Moralwissenschaft. Eine
kritik der ethischen Grundbegriife, 1892/93).
En 1894, il
fait la rencontre de Célestin Bouglé (1870-1940) un jeune et récent agrégé de
philosophie qui bénéficie d’une bourse d’un an pour se former dans les
universités allemandes. Il nous reste une partie de la correspondance entre les
deux hommes jusqu’en 1908. La même année il publie dans la Revue internationale de sociologie “La différenciation sociale”, un
article traduit en français par M. Parazzola et dans la Revue de métaphysique et de morale un article intitulé “Le problème
de la sociologie” traduit par Célestin Bouglé. Il publie “Karl Grünberg : Die
Bauernbefreiun in Böhmen, Mähren und Schlesien” qui paraît dans les numéros
7-8 de la Revue internationale de
sociologie en juillet et en août. Il publie en octobre dans Vossische Zeitung, une sorte
d’équivalent du journal Le Monde
actuellement, un article intitulé “Sur la sociologie de la famille” (“Zur Soziologie der Familie”).
Pour l’année
1894/1895, il fait paraître un article intitulé “Influence du nombre des unités
sociales sur les caractères des sociétés” dont la traduction est de Célestin Bouglé
dans les Annales de l’Institut
international de sociologie.
En 1896, il
publie dans la Revue de métaphysique et
de morale un article traduit par Bouglé intitulé “Sur quelques relations de
la pensée théorique avec les intérêts pratiques”. Il écrit également un mémoire
traduit en français par Émile Durkheim et Bouglé pour le premier numéro de la
revue de Durkheim, l’Année sociologique
(première année, 1896-1897, pp. 71-109) intitulé “Comment les formes sociales
se maintiennent”. La revue paraîtra en 1898. Elle est l’organe de l’école
française de sociologie. C’est Célestin Bouglé qui tente un rapprochement entre
Simmel et Durkheim et ses disciples. Les critiques de Durkheim mettent fin à cette
collaboration. La pensée de Simmel est présente dans le premier ouvrage de
Bouglé, Les Sciences sociales en
Allemagne. Les méthodes actuelles. Cette année-là Simmel publie un article
intitulé “Esthétique sociologique”.
En janvier 1898,
il publie dans le journal Die Zeit
“Le rôle de l’argent dans les rapports entre les sexes. Fragment d’une
Philosophie de l’argent” (“Die Rolle des
Geldes in den Beziehung der Geschlechter. Fragment au seiner Philosophie des
Geldes”) et “Sur la sociologie de la religion” (“Zur Soziologie der
Religion”) dans le Neue Deutsche Rundschau
(Freie Bühne), un magazine littéraire
fondé en 1890.
En 1900, il
publie la Philosophie de l’argent (Philosophie des Geldes). Dans son
article intitulé « La sociologie et son domaine scientifique » (un
article publié en italien, « La sociologia e il suo domino scientifique » in Rivista italiana di sociologia, 4, dont
la version se trouve dans Émile Durkheim, Textes.
1. Éléments d’une théorie sociale, Éditions de Minuit, 1975), Durkheim
critique vertement Simmel qu’il présente comme un sociologue dilettante et un
philosophe peu rigoureux.
En 1901, il
quitte l’université de Berlin. Il publie La
psychologie de la honte (Zur
Psychologie der Scham). Il devint Ausserordentlicher
Professor, c’est-à-dire professeur extraordinaire, un titre qui confère un
petit traitement.
En 1902, il
publie dans le Neue Deutsche Rundschau
un article intitulé “Culture féminine”. Il publie également “L’art de Rodin et
la question du mouvement dans la sculpture”. Le poète Rainer Maria Rilke
(1875-1926) traduira cet article pour le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) et
le mettra en contact avec Simmel dont il suit les cours comme il l’explique
dans une lettre à Rodin du 16 avril 1905.
En 1903 il
publie Pont et porte. Essais
philosophiques sur l’histoire, la religion, l’art et la société (Brücke und Tür. Essays des Philosophischen
zur Geschichte, Religion, Kunst und Gesellschaft). Il publie en français
“De la religion au point de vue de la théorie de la connaissance” paru dans le
volume du Premier Congrès international
de philosophie, Tome II Morale générale. “Les grandes villes et la vie de
l’esprit”.
Le semestre
d’hiver 1903/1904, est consacré à un cours sur Kant en seize leçons à
l’Université de Berlin.
En 1904,
Simmel a une fille, Angela Kantorowicz, avec son étudiante Gertrud Kantorowicz
(1876-1945 morte au camp de Theresienstadt), sa future collaboratrice,
historienne de l’art et poétesse, traductrice du philosophe français Henri
Bergson (1859-1941). Le fait demeura secret.
En 1906, il
publie Kant et Goethe. Contribution à l’histoire
de la conception du monde moderne (Kant
und Goethe. Zur Geschichte der modernen Weltanschauung) et La religion (Die Religion).
En 1907, il donne
une deuxième édition de son ouvrage intitulé Les Problèmes de la philosophie de l’histoire ainsi qu’une deuxième
édition augmentée de sa Philosophie de
l’argent. Il publie Le pauvre.
En 1908, il
publie la Sociologie. Études sur les formes de la socialisation
(Soziologie). Il publie également “Digressions
sur l’étranger”. Paraît un article en français intitulé “Enquête sur la
sociologie” dans Les Documents du
progrès. Revue internationale. “Digressions sur le problème : comment
la société est-elle possible ?” Candidat pour être professeur ordinaire à
l’université de Heidelberg, il est refusé malgré l’appui de Max Weber. Le
philosophe Wilhelm Dilthey (1833-1911) s’oppose à sa nomination. Le rapporteur
de son dossier, l’historien Dietrich Schaeffer (1845-1929), le décrit malgré
son acte de baptême comme juif et lui reproche un auditoire de femmes et de
gens de l’est de l’Europe (cf. Laura Desfor Edles, Scott Appelrouth, Sociological theory in the classical
era : text and readings, Thousand Oaks, 2005, p.243). Max Weber dans
sa conférence « Le métier et la vocation de savant » (Wissenschaft als Beruf) écrira :
« Lorsque de jeunes savants viennent
nous demander conseil en vue de leur habilitation, il nous est presque
impossible de prendre la responsabilité de notre approbation. S’il s’agit d’un
juif on lui dit naturellement : lasciate
ogni speranza [Laissez toute espérance]. »
Max Weber, Le savant et le politique, Plon, 1959, 10/18, p.61.
En 1909, Ferdinand
Tönnies (1855-1936), Max Weber et Simmel fonde la Société allemande de
sociologie (Deutsche Gesellschaft für
Soziologie). Il publie dans le journal Der
Tag les 11 et 12 mai un article intitulé « Psychologie de la
coquetterie » (Psychologie der
Koketterie). Georg Lukàcs (1884-1971) suit ses séminaires jusqu’en 1912. Simmel
publie un article traduit en français par G. H. Milan intitulé “Quelques
considérations sur la philosophie de l’histoire” dans la revue « Scientia », Rivista di Scienza.
En 1911 il
publie Le concept et la tragédie de la culture “Der Begriff und die Tragödie der Kultur” ; “Rodin”.
En 1912 il
publie un ouvrage en français, Mélanges
de philosophie relativiste. Contribution à la culture philosophique, dont
la traductrice est Alix Guillain (1876-1951). Il publie un article L’individualisme
de Goethe “Goethes individualismus”dans
le numéro de décembre de la revue LOGOS.
Internationale Zeitschrift für Philosophie der Kultur.
En 1913 il
publie un article « Philosophie du paysage » (“Philosophie der Landschaft”) dans la revue Die Güldenkammer. Eine bremische Monatsschrift.
Le 26 janvier
1914, il est nommé professeur ordinaire à Strasbourg – alors université allemande
– avec un enseignement de sociologie et de philosophie. Seuls les professeurs
ordinaires avaient un traitement leur permettant de vivre. Il abandonne
officiellement la religion protestante et se retrouve sans religion. Il s’oppose
à Bergson qui avait critiqué l’Allemagne dans « La signification de la
guerre actuelle » daté du 1er novembre dans un discours du 7
novembre.
Le 7 mars 1915
il écrit un article sur « l’idée d’Europe » favorable à l’Allemagne. Le
10 juin, il publie un article intitulé « Deviens ce que tu es ». Il
publie « L’Europe et l’Amérique » le 4 juillet.
En 1916, il
publie un Rembrandt. Il publie le 13
février « La crise de la culture ». le 27 août, il publie « La
dialectique de l’esprit allemand ».
En 1917, il
publie Questions fondamentales de la
sociologie. (Grundfragen der
Soziologie). Il publie en avril La
guerre et les décisions de l’esprit qui marque son engagement pour l’Allemagne.
En 1918, il
publie Le conflit de la culture moderne
(Der Konflikt der modernen Kultur).
Il est mort le
28 septembre 1918 à Strasbourg des suites d’un cancer. Peu avant sa mort il
écrivait :
« Je sais que je
mourrai sans héritiers spirituels (et c’est bien). La succession que je laisse
est comme de l’argent distribué entre de nombreux héritiers, dont chacun met sa
part à profit dans quelque occupation qui est compatible avec sa nature propre,
mais qui ne peut plus être reconnu comme venant de la succession. »
Simmel, Buch des Dankes.
Publications
posthumes en français.
1981, Sociologie et Épistémologie,
introduction et traduction de Julien Freund.
1984, Problème de la philosophie de l’histoire,
introduction et traduction de Raymond Boudon.
1987, Philosophie de l’argent, traduction de
S. Cornille et P. Ivernel ; Philosophie
et société, traduction et présentation de Jean-Louis Veillard-Baron.
1988, Philosophie de la modernité : la femme,
la ville, l’individualisme, introduction et traduction de Jean-Louis
Veillard-Baron ; La tragédie de la
culture et autres essais, traduction de S. Cornille et P. Ivernel.
1990, Philosophie de la modernité. 2. Esthétique
et modernité, conflit et modernité, testament philosophique, introduction
et traduction de Jean-Louis Veillard-Baron ; Michel-Ange et Rodin traduction de Philippe Ivernel et de Sabine
Cornille.
1991, Secrets et sociétés secrètes, traduction
de S. Müller.
1994, Rembrandt, traduction de S. Müller.
1995, Le Conflit, traduction de S. Müller.
1998, La Religion, traduction de P.
Ivernel ; Les Pauvres,
traduction de B. Chokran.
1999, Sociologie : Étude sur les formes de la
socialisation, traduction de L. Deroche-Gurcel et S. Müller.
2001, La Philosophie du comédien, traduction
de S. Müller.
2002, La philosophie de l’aventure qui est la
reprise sous un autre titre des Mélanges
de philosophie relativiste traduits par Alix Guillain.
2003, Le Cadre et autres essais, traduction et
préface de Karine Winkelvoss.
2004, La Forme de l’histoire et autres essais,
traduction, préface et annotations de Karine Winkelvoss.
2005, Kant et Goethe, traduction, préface et
annotations de Pierre Rusch.
2006, Le problème de la sociologie et autres
textes, postface de Fabienne
Barthélémy et Benoît Cret (l’ouvrage regroupe les trois textes suivants : “Le
problème de la sociologie”, “Comment les formes sociales se maintiennent” et “Sur
quelques relations de la pensée théorique avec les intérêts pratiques”) ; Pour comprendre Nietzsche, traduction de Christophe David ; L’argent dans la culture moderne et autres essais sur l’économie de la
vie, introduction et traduction de Alain Deneault avec le concours de
Céline Colliot-Thélène (l’ouvrage comprend les cinq textes suivants :
“L’argent dans la culture moderne”, “Sur la psychologie de l’argent”, “La
différenciation et le principe de l’économie d’énergie”, “L’argent et la
nourriture”, “Le tournant vers”)
2007, Esthétique sociologique, Introduction de
Philippe Marty, traduction de Lambert Barthélémy, Michel Collomb, Philippe
Marty et Florence Thérond (l’ouvrage comprend les textes suivants :
“Esthétique sociologique”, “Les paysages de Böcklin” texte édité en 1922 par sa
femme, “Sur les quantités esthétiques”, “La Cène de Léonard de Vinci”, “Kant et
l’esthétique moderne”, “Esthétique du portrait”, “L’art de Rodin et la question
du mouvement dans la sculpture”, “L’esthétique de Schopenhauer et la conception
moderne de l’art”, “Sur l’esthétique des Alpes”, “Producteurs de formes et
créateurs”, “Fragments d’une philosophie de l’art”, “Souvenir de Rodin”, “Style
germanique et style de tradition classique et romane”).
2009, Le pauvre, traduction de Laure
Cahen-Maurel.
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