Sujet
Résumez le texte suivant en 100 mots (plus ou moins 10%). Vous indiquerez les sous totaux de 20 en 20 (20, 40, …) par un trait vertical et par le chiffre correspondant dans la marge. Vous indiquerez obligatoirement votre total exact à la fin de votre résumé.
Je connais un certain nombre de bons esprits qui essaient de définir la Démocratie. J’y ai travaillé souvent, et sans arriver à dire autre chose que des pauvretés, qui, bien plus, ne résistent pas à une sévère critique. Par exemple celui qui définirait la démocratie par l’égalité des droits et des charges la définirait assez mal ; car je conçois une monarchie qui assurerait cette égalité entre les citoyens ; on peut même imaginer une tyrannie fort rigoureuse, qui maintiendrait l’égalité des droits et des charges pour tous, les charges étant très lourdes pour tous, et les droits fort restreints. Si la liberté de penser, par exemple, n’existait pour personne, ce serait encore une espèce d’égalité. Il faudrait donc dire que la Démocratie serait l’Anarchie. Or je ne crois pas que la Démocratie soit concevable sans lois, sans gouvernement, c’est-à-dire sans quelque limite à la liberté de chacun ; un tel système, sans gouvernement, ne conviendrait qu’à des sages. Et qui est-ce qui est sage ?
Même le suffrage universel ne définit point la Démocratie. Quand le pape, infaillible et irresponsable, serait élu au suffrage universel, l’Église ne serait démocratique par cela seul. Un tyran peut être élu au suffrage universel, et n’être pas moins tyran pour cela. Ce qui importe, ce n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants.
Ces remarques m’ont conduit à penser que la Démocratie n’existe point par elle-même. Et je crois bien que dans toute constitution il y a de la Monarchie, de l’Oligarchie, de la Démocratie, mais plus ou moins équilibrées.
L’exécutif est monarchique nécessairement. Il faut toujours, dans l’action, qu’un homme dirige ; car l’action ne peut se régler d’avance ; l’action, c’est comme une bataille ; chaque détour du chemin veut une décision.
Le législatif, qui comprend sans doute l’administratif, est oligarchique nécessairement ; car, pour régler quelque organisation, il faut des savants, juristes ou ingénieurs, qui travaillent par petits groupes dans leur spécialité. Plus la société sera compliquée, et plus cette nécessité se fera sentir. Par exemple, pour contrôler les assurances et les mutualités, il faut savoir ; pour établir des impôts équitables, il faut savoir ; pour légiférer sur les contagions, il faut savoir.
Où est donc la Démocratie, sinon dans ce troisième pouvoir que la Science Politique n’a point défini, et que j’appelle le Contrôleur ? Ce n’est autre chose que le pouvoir, continuellement efficace, de déposer les Rois et les Spécialistes à la minute, s’ils ne conduisent pas les affaires selon l’intérêt du plus grand nombre. Ce pouvoir s’est longtemps exercé par révolutions et barricades. Aujourd’hui, c’est par l’interpellation qu’il s’exerce. La Démocratie serait, à ce compte, un effort perpétuel des gouvernés contre les abus du pouvoir. Et, comme il y a, dans un individu sain, nutrition, élimination, reproduction, dans un juste équilibre, ainsi il y aurait dans une société saine : Monarchie, Oligarchie, Démocratie dans un juste équilibre.
Alain, Propos sur les pouvoirs, Le Contrôle, 79, propos du 12 juillet 1910.
Corrigé
1) Analyse du texte et remarque.
Alain commence par présenter négativement des tentatives pour définir la démocratie, celles d’autres ou les siennes. Il illustre son propos en donnant plusieurs définitions qu’il critique. La première définition qu’il donne comme exemple est celle de l’égalité des droits et des charges. Il lui objecte qu’une monarchie ou une tyrannie peut faire l’égalité des droits et celle des charges, les secondes étant élevées et les premiers réduits. Il illustre ce point en concevant la suppression de la liberté de penser pour tous. Il en déduit que la démocratie devrait être l’anarchisme, entendue comme l’absence de pouvoir. Il oppose à cette déduction la nécessité des lois et du gouvernement dans la mesure où les hommes manquent de la sagesse nécessaire.
La seconde définition de la démocratie réside en la présence du suffrage universel. Il lui objecte que le pape, infaillible ou le tyran peuvent être élus de cette façon. Il met ainsi en lumière la nécessité du contrôle.
Il a donc été amené à penser que la démocratie n’existe pas en elle-même. Il y a de la monarchie, de l’oligarchie dans tous les gouvernements effectifs. Il précise que l’exécutif est nécessairement monarchique pour agir, le législatif avec l’administratif est oligarchique. La raison qu’il avance est qu’il exige des connaissances que seul le petit nombre possède.
La démocratie repose alors selon lui sur un troisième pouvoir qu’il nomme le contrôleur. Ce pouvoir consiste à déposer ceux qui gouvernent ou légifèrent lorsqu’ils le font au détriment de l’intérêt général. Alain distingue les époques où la révolution opérait ce pouvoir de celle où c’est l’interpellation qui est la procédure légale qui consiste à demander à un pouvoir de s’expliquer sur ses actes avec la possibilité de le renverser. Il définit donc de façon conditionnelle la démocratie comme la peine que se donnent les gouvernés pour empêcher les abus de pouvoir. Il compare enfin un corps sain avec un bon régime politique par l’équilibre des régimes qui le composent.
Remarque.
Dans la conception habituelle les trois pouvoirs sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. On la déduit d’un chapitre de Montesquieu (De l’esprit des lois, livre XI, chapitre 6). Où donc Alain place-t-il le judiciaire ? Dans la mesure où les juges sont des fonctionnaires en France, on peut penser qu’il le place dans l’administratif.
2) Proposition de résumé.
Comme d’autres, j’ai échoué à définir la démocratie. Elle n’est pas dans l’égalité des droits et [20] services puisqu’ils peuvent primer lorsqu’un seul gouverne. La démocratie serait-elle anarchie ? Mais c’est impossible car les [40] hommes n’ont pas la sagesse nécessaire. Quant au vote, il peut conduire à choisir un tyran. Donc, il faut [60] contrôler le pouvoir.
Je pensai alors que tout gouvernement est mixte : monarchique dans l’exécution, aristocratique dans le législatif ou [80] l’administration.
La démocratie est un troisième pouvoir, celui du contrôle. Longtemps violent, il est désormais contestation par la parole. [100] L’équilibre des pouvoirs fait le régime sain.
108 mots
Super bien! Merci!
RépondreSupprimerC'est formidable
RépondreSupprimer