vendredi 9 octobre 2020

corrigé: La politique est-elle l'affaire de tous?


Dans la mesure où la politique désigne le domaine des affaires publiques, c’est-à-dire le domaine de ce qui est commun et de ce qui apparaît aux yeux de tous en tant que le public s’oppose au secret, il semble évident qu’elle est l’affaire de tous.

Toutefois, les exclus de tous les régimes politiques, comme les femmes dans l’antiquité, aussi bien dans les cités grecques, fussent-elle démocratiques, que sous la république romaine puis l’empire, sans compter la restriction des décisions aux conseils du roi sous l’ancien régime, roi qui décidait selon son bon plaisir selon la formule habituelle, montrent que la politique n’a jamais concerné tout le monde. On peut ajouter les secrets qu’on trouve dans tous les États pour agir efficacement dans les relations internationales, voire dans la politique intérieure, ce qu’on nommait les arcanes de l’État à l’âge classique.

On peut donc se demander s’il est possible que la politique soit l’affaire de tous et comment ?

La politique touche tout le monde, mais tous ne sont pas compétents pour faire de la politique ; c’est une obligation que la politique soit l’affaire de tous.

 

 

Comme la politique paraît être l’invention des Grecs, on peut remonter à l’apparition de la cité, voire à l’institution de la démocratie à partir de Clisthène en 508 av. J.-C. à Athènes qui se caractérise par la participation de tous les membres du peuple au vote des lois et des décisions qui engagent la cité comme des grands travaux ou encore la guerre. Si la déclaration de guerre est toujours publique, il est clair que la stratégie pour la mener ne peut qu’être secrète. Il n’en reste pas moins vrai que tous les citoyens participaient à la guerre.

Certes, les enfants, les femmes, les esclaves et les étrangers ne participaient pas à la vie politique. Mais, les enfants mâles de citoyen le devenaient. Les esclaves pouvaient aussi le devenir comme Pasion (430-370 av. J.-C.), ancien esclave devenu banquier et très riche, ce qui lui permit de faire des cadeaux à la cité qui finit par lui accorder la citoyenneté. Les étrangers étaient concernés par la politique sans y participer.

En effet, même dans les régimes politiques où une minorité gouverne, monarchie, c’est-à-dire ou un seul a le pouvoir ou oligarchie, c’est-à-dire le pouvoir du petit nombre, généralement des riches, tout le monde est concerné par la politique, c’est-à-dire par les décisions du pouvoir ; c’est en ce sens qu’elle est l’affaire de tous.

 

Néanmoins, si tous sont touchés par la politique, cela ne signifie nullement que tous sont capables de prendre part aux affaires publiques.

Dès lors, la politique n’est-elle pas l’affaire d’un petit nombre, à savoir de ceux qui sont qualifiés pour la mener ?

 

 

Dans La République, Platon donne une image de la politique en démocratie. C’est celle d’un patron de navire, gros mais mal voyant et un peu sourd. Certains matelots, ignorants en navigation, réussissent à obtenir le poste de pilote. Le patron représente le peuple, le matelot, le dirigeant de la démocratie. Il veut montrer que la politique n’est pas l’affaire de tous, en ce sens que tous ne peuvent participer au pouvoir politique. Il faut connaître l’art politique comme le navigateur doit en connaître l’art. Et finalement même en démocratie, le pouvoir est réservé à la petite élite de ceux qui parviennent à persuader le peuple, comme le montre l’image de Platon, ce sont les mauvais matelots. L’histoire le montre. Longtemps la démocratie athénienne a eu un dirigeant, Périclès (495-429 av. J.-C.), à qui Cléon a succédé sous les critiques moqueuses d’Aristophane dans les Cavaliers, pièce (de 424 av. J.-C.) dans laquelle, le vieux Démos, se laisse mener par un de ses esclaves qui représente Cléon, démagogue et corrompu.

Lorsque la politique est l’affaire de tous, elle est une lutte, un combat qui peut dégénérer en guerre civile (grec στάσις / stásis), comme l’histoire de la république romaine le montre. Émerge alors un prince comme Auguste (53-27 av. J.-C.-19 ap. J.-C.), ou bien le pouvoir finit par échoir à un roi comme durant le moyen âge et l’ancien régime, la monarchie héréditaire permettant l’unité de la décision et l’absence de contestation continuelle (cf. Hegel, Principes de la philosophie du droit, addition au § 280). 

La démocratie représentative, dans la mesure où elle fait choisir par le suffrage universel le chef de l’État, permet d’allier une certaine participation du peuple sans qu’il se mêle véritablement de politique avec la constitution d’une classe politique, c’est-à-dire un groupe d’hommes, voire de femme, dont la politique est le métier ou la vocation pour s’exprimer comme Max Weber (1864-1920) dans Le métier et la vocation d’homme politique (Politik als Beruf, 1919).

 

Toutefois, laisser la politique être confisquée par un groupe d’hommes ou de femmes, même choisis par le suffrage universel, revient à écarter nombre de questions de l’espace public, ce qui revient à le réduire, voire à tenter de le faire disparaître. Un tel projet est celui des régimes autoritaires comme la tyrannie ou la dictature, notamment militaire, c’est-à-dire une négation de la politique. Ne faut-il pas au contraire, que la politique devienne vraiment l’affaire de tous ?

 

 

En effet, le propre de la tyrannie ou du despotisme, c’est de non seulement confisquer le pouvoir, mais d’interdire à quiconque de manifester le moindre souci de l’intérêt public. Ainsi sous Pinochet (1915-2006), à partir de 1973, toute manifestation pouvait conduire à la torture et à la mort. Le refus de la liberté d’expression sous l’ancien régime montre une certaine tendance despotique de la monarchie absolue de droit divin. Seuls ceux que le roi autorisait, pouvaient émettre une opinion sur le domaine public.

Or, la politique suppose un espace public où il soit possible d’intervenir par la parole comme Hannah Arendt le soutient dans « Qu’est-ce que la liberté ? » dans La crise de la culture. Cette liberté de parole dont se vantait les Athéniens comme Socrate le dit à Polos dans le Gorgias de Platon (461e), est essentielle pour que le domaine politique soit possible. Ainsi, la liberté d’expression permet-elle que la politique soit l’affaire de tous et il faut l’instituer et la défendre pour que la politique puisse l’être. Le législateur américain a eu raison de l’inscrire comme premier amendement à la constitution.

Il faut ajouter le droit de manifester d’une façon ou d’une autre pour tous, un différend avec le pouvoir en place. Il est même possible d’accepter une certaine désobéissance civile si elle est publique et si elle est le fait d’un groupe qui revendique un droit, ce qui la distingue alors de la délinquance. C’est ainsi que des femmes en Angleterre, les suffragettes, ont pu acquérir leur droit politique ou que les Afro-américains ont pu voir leurs droits civiques reconnus dans les États du Sud des États-Unis et les lois Jim Crow[1] abolies.

 

 

Disons pour conclure que le problème était de savoir si la politique peut être l’affaire de tous et comment. Elle est l’affaire de tous au sens où elle touche tout le monde, même si elle paraît exiger certaines compétences. Aussi faut-il qu’il soit possible que tous puissent s’exprimer et manifester dans l’espace public, à défaut de toujours pouvoir participer pour que la politique soit bien l’affaire de tous qu’elle doit être.



[1] On appelle ainsi toutes les lois qui sont allés à l’encontre des amendements à la constitution américaine, votées après la guerre de sécession (1861-1865) qui accordaient au noirs libérés tous les droits des citoyens.

L'animal: un exemple d'animal domestique dans la Bible

 Le Seigneur envoya vers David le prophète Nathan qui alla le trouver et lui dit : « Dans une même ville, il y avait deux hommes ; l’un était riche, l’autre était pauvre.

Le riche avait des moutons et des bœufs en très grand nombre.

Le pauvre n’avait rien qu’une brebis, une toute petite, qu’il avait achetée. Il la nourrissait, et elle grandissait chez lui au milieu de ses fils ; elle mangeait de son pain, buvait de sa coupe, elle dormait dans ses bras : elle était comme sa fille.

La Bible, Samuel II.