mardi 23 janvier 2018

Platon, Aristote Textes autour du dialogue

Dans ce dialogue de Platon consacré à la rhétorique, c’est le rhéteur (ou orateur) Gorgias (~483-~375 av. J.-C.) de la cité de Léontinoï (actuelle Sicile) qui parle dans ce passage.

J’ai souvent accompagné mon frère et d’autres médecins chez quelqu’un de leurs malades qui refusait de boire une potion ou de se laisser amputer ou cautériser par le médecin. Or tandis que celui-ci n’arrivait pas à les persuader, je l’ai fait, moi, sans autre art que la rhétorique. Qu’un orateur et un médecin se rendent dans la ville que tu voudras, s’il faut discuter dans l’assemblée du peuple ou dans quelque autre réunion pour décider lequel des deux doit être élu comme médecin, j’affirme que le médecin ne comptera pour rien et que l’orateur sera préféré, s’il le veut. Et quel que soit l’artisan avec lequel il sera en concurrence, l’orateur se fera choisir préférablement à tout autre ; car il n’est pas de sujet sur lequel l’homme habile à parler ne parle devant la foule d’une manière plus persuasive que n’importe quel artisan. Telle est la puissance et la nature de la rhétorique.
Toutefois, Socrate, il faut user de la rhétorique comme de tous les autres arts de combat. Ceux-ci en effet ne doivent pas s’employer contre tout le monde indifféremment, et parce qu’on a appris le pugilat, le pancrace, l’escrime avec des armes véritables, de manière à s’assurer la supériorité sur ses amis et ses ennemis, ce n’est pas une raison pour battre ses amis, les transpercer et les tuer. Ce n’est pas une raison non plus, par Zeus, parce qu’un homme qui a fréquenté la palestre et qui est devenu robuste et habile à boxer aura ensuite frappé son père et sa mère ou tout autre parent ou ami, ce n’est pas, dis-je, une raison pour prendre en aversion et chasser de la cité les pédotribes et ceux qui montrent à combattre avec des armes : car si ces maîtres ont transmis leur art à leurs élèves, c’est pour en user avec justice contre les ennemis et les malfaiteurs, c’est pour se défendre, et non pour attaquer. Mais il arrive que les élèves, prenant le contrepied, se servent de leur force et de leur art contre la justice. Ce ne sont donc pas les maîtres qui sont méchants et ce n’est point l’art non plus qui est responsable de ces écarts et qui est méchant, c’est, à mon avis, ceux qui en abusent.
On doit porter le même jugement de la rhétorique. Sans doute l’orateur est capable de parler contre tous et sur toute chose de manière à persuader la foule mieux que personne, sur presque tous les sujets qu’il veut ; mais il n’est pas plus autorisé pour cela à dépouiller de leur réputation les médecins ni les autres artisans, sous prétexte qu’il pourrait le faire ; au contraire, on doit user de la rhétorique avec justice comme de tout autre genre de combat. Mais si quelqu’un qui s’est formé à l’art oratoire, abuse ensuite de sa puissance et de son art pour faire le mal, ce n’est pas le maître, à mon avis, qu’il faut haïr et chasser des villes ; car c’est en vue d’un bon usage qu’il a transmis son savoir à son élève, mais celui-ci en fait un usage tout opposé. C’est donc celui qui en use mal qui mérite la réprobation, l’exil et la mort, mais non le maître.
Platon (~428-~347 av. J.-C.), Gorgias.

Pugilat : sorte de boxe où il fallait frapper uniquement la tête. Il était pratiqué aux Jeux Olympiques.
Pancrace : combat total. Il était uniquement interdit d’enfoncer ses doigts dans les yeux de l’adversaire, voire de le mordre. Il était pratiqué aux Jeux Olympiques.
Palestre : lieu où on s’entraînait aux sports de combat.
Pédotribe : maître de gymnastique chargé également du régime alimentaire.


Dans son ouvrage intitulé Rhétorique, le philosophe Aristote (384-322 av. J.-C.) étudie comment il est possible de produire la persuasion. Il s’intéresse dans cet extrait au rôle des exemples.

II y a deux espèces d’exemples : l’une consiste à relater des faits accomplis antérieurement ; dans l’autre, on produit l’exemple lui-même. Cette dernière espèce est tantôt une parabole, tantôt un récit, comme les récits ésopiques ou les récits libyques.
Il y aurait exemple de la première espèce si l’on disait qu’il faut faire des préparatifs (de guerre) contre le Roi et ne pas le laisser mettre la main sur l’Égypte, en alléguant qu’effectivement, jadis, Darius ne passa (en Grèce) qu’après s’être rendu maître de l’Égypte et que, après l’avoir prise, il passa (en Grèce). Xerxès, à son tour, ne marcha (contre la Grèce) qu’après s’être rendu maître (de l’Égypte), et, une fois maître (de ce pays), il passa (en Grèce) ; de sorte que, si le Roi (actuel) vient à prendre l’Égypte, il marchera (contre nous). Il ne faut donc pas (la) lui laisser prendre.
La parabole, ce sont les discours socratiques comme, par exemple, si l’on veut faire entendre qu’il ne faut pas que les charges soient tirées au sort, on alléguera que c’est comme si l’on tirait au sort les athlètes (choisissant) non pas ceux qui seraient en état de lutter, mais ceux que le sort désignerait ; ou comme si l’on tirait au sort, parmi les marins, celui qui tiendra le gouvernail et qu’on dût, choisir celui que le sort désigne, et non celui qui sache s’y prendre.
Le récit c’est, par exemple, celui de Stésichore au sujet de Phalaris, et celui d’Esope, au sujet du démagogue. Stésichore voyant les habitants d’Himère choisir Phalaris pour chef militaire et se disposer à lui donner une garde du corps, après avoir touché divers autres points, leur fit ce récit : « Un cheval occupait seul un pré ; survint un cerf qui détruisit sa pâture. Il voulut se venger du cerf et demanda à un homme s’il ne pourrait pas l’aider à châtier le cerf. L’homme lui répondit que oui, s’il acceptait un frein et que lui-même le montât en tenant des épieux à la main. (Le cheval) ayant consenti et (l’homme) l’ayant monté, au lieu d’obtenir vengeance, le cheval fut, dès lors, asservi à l’homme. Vous de même, dit-il, prenez garde que, en voulant tirer vengeance de l’ennemi, vous ne subissiez le même sort que le cheval. Vous avez déjà le mors, ayant pris un chef tyrannique ; mais, si vous lui donnez une garde et que vous vous laissiez monter dessus, dès lors, vous serez asservi à Phalaris. »
Ésope, plaidant à Samos pour un démagogue sous le coup d’une accusation capitale, s’exprima en ces termes : « Un renard, qui traversait un fleuve, fut entraîné dans une crevasse du rivage. Ne pouvant en sortir, il se tourmenta longtemps et une multitude de mouches de chiens ou tiquets, s’acharnèrent après lui. Un hérisson, errant par là, l’aperçut et lui demanda avec compassion s’il voulait qu’il lui ôtât ces mouches. Il refusa ; le hérisson lui ayant demandé pourquoi : « C’est que celles-ci, dit-il, sont déjà gorgées de mon sang et ne m’en tirent plus qu’une petite quantité mais, si tu me les ôtes, d’autres mouches, survenant affamées, suceront ce qu’il me reste de sang. « Eh bien ! donc, dit Ésope, celui-ci, Samiens, ne vous fait plus de mal, car il est riche ; tandis que, si vous le faites mourir, d’autres viendront, encore pauvres, dont les rapines dévoreront la fortune publique. »
Les récits sont de mise dans les harangues ; ils ont ce bon côté que, trouver des faits analogues à puiser dans le passé est chose difficile, tandis qu’inventer des histoires est chose facile ; car il faut les imaginer, comme aussi les paraboles, en veillant à ce que l’on puisse saisir l’analogie, ce qui est facile avec le secours de la philosophie.
Ainsi les arguments sont plus aisés à se procurer que l’on emprunte aux apologues ; mais ils sont plus utiles à l’objet de la délibération quand on les emprunte aux faits historiques ; car les faits futurs ont, le plus souvent, leurs analogues dans le passé.
Aristote (384-322 av. J.-C.), Rhétorique, livre II, chapitre 20 Sur les exemples, leurs variétés, leur emploi, leur opportunité (extrait).

Ésopique : d’Ésope (vi° s. av. J.-C.), l’inventeur de la fable.
Libyque : se dit d’un genre de fables d’un dénommé Cybissus ( ?- ?) de Libye.
Darius et Xerxès sont les rois de Perse qui, en 490 et 480, ont envahi sans succès la Grèce.
Socratique : de Socrate, le philosophe maître de Platon.
Stésichore (vi° siècle av. J.-C.), poète grec.
Phalaris (vi° siècle av. J.-C.), tyran de la cité d’Agrigente, célèbre pour sa cruauté.
Tiquet : sorte de parasite.
C’est Socrate (~469-399 av. J.-C.), le porte-parole de Platon, qui parle. Le texte se situe juste après la définition de la rhétorique de Gorgias et avant une réfutation.

J’imagine, Gorgias, que tu as, comme moi, assisté à bien des discussions et que tu y as remarqué une chose, c’est que les interlocuteurs ont bien de la peine à définir entre eux le sujet qu’ils entreprennent de discuter et à terminer l’entretien après s’être instruits et avoir instruit les autres. Sont-ils en désaccord sur un point et l’un prétend-il que l’autre parle avec peu de justesse ou de clarté, ils se fâchent et s’imaginent que c’est par envie qu’on les contredit et qu’on leur cherche chicane, au lieu de chercher la solution du problème à débattre. Quelques-uns même se séparent à la fin comme des goujats, après s’être chargés d’injures et avoir échangé des propos tels que les assistants s’en veulent à eux-mêmes d’avoir eu l’idée d’assister à de pareilles disputes.
Pourquoi dis-je ces choses ? C’est qu’en ce moment tu me parais exprimer des idées qui ne concordent pas tout à fait et ne sont pas en harmonie avec ce que tu as dit d’abord de la rhétorique. Aussi j’hésite à te réfuter : j’ai peur que tu ne te mettes en tête que, si je parle, ce n’est pas pour éclaircir le sujet, mais pour te chercher chicane à toi-même.
Si donc tu es un homme de ma sorte, je t’interrogerai volontiers ; sinon, je m’en tiendrai là. De quelle sorte suis-je donc ? Je suis de ceux qui ont plaisir à être réfutés, s’ils disent quelque chose de faux, et qui ont plaisir aussi à réfuter les autres, quand ils avancent quelque chose d’inexact, mais qui n’aiment pas moins à être réfutés qu’à réfuter. Je tiens en effet qu’il y a plus à gagner à être réfuté, parce qu’il est bien plus avantageux d’être soi-même délivré du plus grand des maux que d’en délivrer autrui ; car, à mon avis, il n’y a pour l’homme rien de si funeste que d’avoir une opinion fausse sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Si donc tu m’affirmes être dans les mêmes dispositions que moi, causons ; si au contraire tu es d’avis qu’il faut en rester là, restons-y et finissons la discussion.
Platon, Gorgias.


Socrate analyse ce qu’est la rhétorique en visant Polos, un jeune disciple de Gorgias. Il manifeste ainsi un certain respect pour Gorgias.

Socrate. Je vais donc essayer d’expliquer ce qu’est à mes yeux la rhétorique. Si elle n’est pas ce que je crois, Polos me réfutera. Il y a sans doute quelque chose que tu appelles corps et quelque chose que tu appelles âme ?
Gorgias. Sans contredit.
Socrate. Ne crois-tu pas qu’il y a pour l’un et l’autre un état qui s’appelle la santé ?
Gorgias. Si.
Socrate. Et que cette santé peut n’être qu’apparente, et non réelle ? Voici ce que je veux dire. Beaucoup de gens qui paraissent avoir le corps en bon état ont une mauvaise santé, qu’il serait difficile de déceler à tout autre qu’un médecin ou un maître de gymnastique.
Gorgias. C’est vrai.
Socrate. Je prétends qu’il y a de même dans le corps et dans l’âme quelque chose qui les fait paraître bien portants, quoiqu’ils ne s’en portent pas mieux pour cela.
Gorgias. C’est juste.
Socrate. Voyons maintenant si j’arriverai à t’expliquer plus clairement ce que je veux dire. Je dis que, comme il y a deux substances, il y a deux arts. L’un se rapporte à l’âme : je l’appelle politique. Pour l’autre, qui se rapporte au corps, je ne peux pas lui trouver tout de suite un nom unique ; mais dans la culture du corps, qui forme un seul tout, je distingue deux parties, la gymnastique et la médecine. De même dans la politique je distingue la législation qui correspond à la gymnastique et la justice qui correspond à la médecine. Comme les arts de ces deux groupes se rapportent au même objet, ils ont naturellement des rapports entre eux, la médecine avec la gymnastique, la justice avec la législation, mais ils ont aussi des différences.
Il y a donc les quatre arts que j’ai dits, qui veillent au plus grand bien, les uns du corps, les autres de l’âme. Or la flatterie, qui s’en est aperçue, non point par une connaissance raisonnée, mais par conjecture, s’est divisée elle même en quatre, puis, se glissant sous chacun des arts, elle se fait passer pour celui sous lequel elle s’est glissée. Elle n’a nul souci du bien et elle ne cesse d’attirer la folie par l’appât du plaisir ; elle la trompe et obtient de la sorte une grande considération. C’est ainsi que la cuisine s’est glissée sous la médecine et feint de connaître les aliments les plus salutaires au corps, si bien que, si le cuisinier et le médecin devaient disputer devant des enfants ou devant des hommes aussi peu raisonnables que les enfants, à qui connaît le mieux, du médecin ou du cuisinier, les aliments sains et les mauvais, le médecin n’aurait qu’à mourir de faim. Voilà donc ce que j’appelle flatterie et je soutiens qu’une telle pratique est laide, Polos, car c’est à toi que s’adresse mon affirmation, parce que cette pratique vise à l’agréable et néglige le bien. J’ajoute que ce n’est pas un art, mais une routine, parce qu’elle ne peut expliquer la véritable nature des choses dont elle s’occupe ni dire la cause de chacune. Pour moi, je ne donne pas le nom d’art à une chose dépourvue de raison. Si tu me contestes ce point, je suis prêt à soutenir la discussion.
Ainsi donc, je le répète, la flatterie culinaire s’est recelée sous la médecine, et de même, sous la gymnastique, la toilette, chose malfaisante, décevante, basse, indigne d’un homme libre, qui emploie pour séduire les formes, les couleurs, le poli, les vêtements et qui fait qu’en recherchant une beauté étrangère, on néglige la beauté naturelle que donne la gymnastique. Pour être bref, je te dirai dans le langage des géomètres (peut-être alors me comprendras-tu mieux) que ce que la toilette est à la gymnastique, la cuisine l’est à la médecine, ou plutôt que ce que la toilette est à la gymnastique, la sophistique l’est à la législation, et que ce que la cuisine est à la médecine, la rhétorique l’est à la justice. Telles sont, je le répète, les différences naturelles de ces choses ; mais comme elles sont voisines, sophistes et orateurs se confondent pêle-mêle sur le même terrain, autour des mêmes sujets, et ne savent pas eux-mêmes quel est au vrai leur emploi, et les autres hommes ne le savent pas davantage. De fait, si l’âme ne commandait pas au corps et qu’il se gouvernât lui-même, et si l’âme n’examinait pas elle-même et ne distinguait pas la cuisine et la médecine, et que le corps seul en jugeât en les appréciant sur les plaisirs qui lui en reviendraient, on verrait souvent le chaos dont parle Anaxagore, mon cher Polos, (car c’est là une chose que tu connais) : « toutes les choses seraient confondues pêle-mêle », et l’on ne distinguerait pas celles qui regardent la médecine, la santé et la cuisine. Tu as donc entendu ce que je crois qu’est la rhétorique ; elle correspond pour l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps.
Platon, Gorgias.

Conjecture : hypothèse ou supposition.
Anaxagore (~500-~428 av. J.-C.), philosophe grec.

Socrate énumère les qualités requises pour que le dialogue soit fructueux. Il s’adresse à Calliclès, un personnage fictif, disciple athénien de Gorgias.

Socrate. Si mon âme était d’or, Calliclès, ne crois tu pas que je serais bien aise de trouver une de ces pierres avec lesquelles on éprouve l’or, la meilleure, pour en approcher mon âme, de façon que, si elle me confirmait que mon âme a été bien soignée, je fusse assuré que je suis en bon état et que je n’ai plus besoin d’aucune épreuve ?
Calliclès. Où tend ta question, Socrate ?
Socrate. Je vais te le dire : c’est que je pense avoir fait, en te rencontrant, cette heureuse trouvaille.
Calliclès. Comment cela ?
Socrate. J’ai la certitude que, si tu tombes d’accord avec moi sur les opinions de mon âme, elles seront de ce fait absolument vraies. Je remarque en effet que, pour examiner comme il faut si une âme vit bien ou mal, il faut avoir trois qualités, que tu réunis toutes les trois : la science, la bienveillance et la franchise. Je rencontre souvent des gens qui ne sont pas capables de m’éprouver, parce qu’ils ne sont pas savants comme toi ; d’autres sont savants, mais ne veulent pas me dire la vérité, parce qu’ils ne s’intéressent pas à moi, comme tu le fais. Quant à ces deux étrangers, Gorgias et Polos, ils sont savants et bien disposés pour moi tous les deux, mais leur franchise n’est pas assez hardie et ils sont par trop timides. Comment en douter, quand ils portent la timidité au point qu’ils se résignent à se contredire l’un l’autre par fausse honte en présence de nombreux assistants, et cela sur les objets les plus importants ?
Platon, Gorgias.


Dans le dialogue de Platon qui porte son nom, le sophiste Protagoras (~490-~420 av. J.-C.) de la cité d’Abdère, propose un “mythe”, une des versions du “mythe de Prométhée” pour expliquer pourquoi en politique chacun est autorisé à donner son point de vue ou opinion.

Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu et des éléments qui s’allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Épiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner. Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation ; car à ceux d’entre eux qu’il logeait dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain ; pour ceux qui avaient l’avantage d’une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d’échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus ; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres a chacun d’eux ; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des peaux calleuses et dépourvues de sang ; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines ; à quelques-uns même il donna d’autres animaux à manger ; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race.
Cependant Épiméthée, qui n’était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile ; et il en fait présent à l’homme. L’homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n’avait pas la science politique ; celle-ci se trouvait chez Zeus, et Prométhée n’avait plus le temps de pénétrer dans l’acropole que Zeus habite et où veillent d’ailleurs des gardes redoutables. Il se glisse donc furtivement dans l’atelier commun où Athéna et Héphaïstos cultivaient leur amour des arts, il y dérobe au dieu son art de manier le feu et à la déesse l’art qui lui est propre, et il en fait présent à l’homme, et c’est ainsi que l’homme peut se procurer des ressources pour vivre. Dans la suite, Prométhée fut, dit-on, puni du larcin qu’il avait commis par la faute d’Épiméthée.
Quand l’homme fut en possession de son lot divin, d’abord à cause de son affinité avec les dieux, il crut à leur existence, privilège qu’il a seul de tous les animaux, et il se mit à leur dresser des autels et des statues ; ensuite il eut bientôt fait, grâce à la science qu’il avait, d’articuler sa voix et de former les noms des choses, d’inventer les maisons, les habits, les chaussures, les lits, et de tirer les aliments du sol. Avec ces ressources, les hommes, à l’origine, vivaient isolés, et les villes n’existaient pas ; aussi périssaient-ils sous les coups des bêtes fauves, toujours plus fortes qu’eux ; les arts mécaniques suffisaient à les faire vivre ; mais ils étaient d’un secours insuffisant dans la guerre contre les bêtes ; car ils ne possédaient pas encore la science politique dont l’art militaire fait partie. En conséquence ils cherchaient à se rassembler et à se mettre en sûreté en fondant des villes ; mais quand ils s’étaient rassemblés, ils se faisaient du mal les uns aux autres, parce que la science politique leur manquait, en sorte qu’ils se séparaient de nouveau et périssaient.
Alors Zeus, craignant que notre race ne fût anéantie, envoya Hermès porter aux hommes la pudeur et la justice, pour servir de règles aux cités et unir les hommes par les liens de l’amitié. Hermès alors demanda à Zeus de quelle manière il devait donner aux hommes la justice et la pudeur. Dois-je les partager, comme on a partagé les arts ? Or les arts ont été partagés de manière qu’un seul homme, expert en l’art médical, suffît pour un grand nombre de profanes, et les autres artisans de même. Dois-je répartir ainsi la justice et la pudeur parmi les hommes, ou les partager entre tous ? — Entre tous, répondit Zeus ; que tous y aient part, car les villes ne sauraient exister, si ces vertus étaient, comme les arts, le partage exclusif de quelques-uns ; établis en outre en mon nom cette loi, que tout homme incapable de pudeur et de justice sera exterminé comme un fléau de la société.
Voilà comment, Socrate, et voilà pourquoi et les Athéniens et les autres, quand il s’agit d’architecture ou de tout autre art professionnel, pensent qu’il n’appartient qu’à un petit nombre de donner des conseils, et si quelque autre, en dehors de ce petit nombre, se mêle de donner un avis, ils ne le tolèrent pas, comme tu dis, et ils ont raison, selon moi. Mais quand on délibère sur la politique, où tout repose sur la justice et la tempérance, ils ont raison d’admettre tout le monde, parce qu’il faut que tout le monde ait part à la vertu civile ; autrement il n’y a pas de cité. Voilà, Socrate, la raison de cette différence.
Platon, Protagoras.


Aristote montre l’importance du logos (parole, discours, raison) pour comprendre l’homme. Il est l’être capable de dialogue.

Et pourquoi l’homme est un animal politique à un plus haut degré qu’une abeille quelconque ou tout autre animal grégaire est évident. La nature en effet, comme nous le disons, ne fait rien en vain ; et l’homme, seul de tous les animaux, possède la parole [logon]. Or, tandis que la voix [phonè] ne sert qu’à indiquer la joie et la peine, et appartient pour ce motif aux autres animaux également (car leur nature va jusqu’à éprouver les sensations de plaisir et de douleur, et à se les indiquer les uns aux autres), la parole [logos] sert à exprimer l’utile et le nuisible, et, par suite aussi, le juste et l’injuste : car c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux autres animaux, d’être le seul à avoir la sensation du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et d’autres [choses du même genre], et c’est leur communauté qui fait la famille et la cité [polis].

Aristote, Politique, I, 2.

samedi 13 janvier 2018

Simmel Georg (1858-1918)

Georg Simmel est né le 1er mars 1858 à Berlin. Il est le plus jeune d’une famille de sept enfants. Il a cinq sœurs et un frère. Son père, Edward Simmel (1810-1874), fils de marchand et marchand lui-même se convertit au catholicisme durant un séjour entre 1830 et 1835 à Paris. Sa mère, Flora Bodstein (1818- ?), également d’origine juive, est baptisée dans l’Église évangélique. Le mariage a lieu en 1838 à Berlin où son père fonde l’entreprise Felix und Sarotti, une fabrique de chocolat. Georg est baptisé dans l’église évangélique de sa mère. Il n’est donc pas né juif d’un point de vue religieux mais sera toujours considéré comme tel.
En 1874, son père décède. Il lègue une certaine fortune à sa femme et à ses sept enfants qui participeront à leur indépendance financière. Julius Friedländer (1813-1884) devient son tuteur. C’est un ami de la famille, propriétaire de la maison d’édition musicale Peters Verlag, toujours en activité.
Simmel fait ses études secondaires au Gymnasium (Lycée) Friedrich Werder un établissement renommé où il obtient son Abitur (baccalauréat) en 1876.
Simmel étudie la philosophie et l’histoire à l’Université Friedrich-Wilhelm de Berlin de 1876 à 1881. Il a pour professeurs l’historien Theodor Mommsen (1817-1903), l’historien et théoricien politique antisémite Heinrich Von Treitschke (1834-1896), les historiens Heinrich Von Sybel (1817-l895) et Johann Gustav Droysen (1808-1884), les philosophes Friedrich Harms (1819-1880), Ludwig Tobler (1827-1895) et Eduard Zeller (1814-1908), les historiens de l’art Herman Grimm (1828-1921) et Max Jordan (1837-1906), les anthropologues et fondateurs de la psychologie des peuples Moritz Lazarus (1824-1903 – il fut un opposant à l’antisémitisme) – et son beau-frère Heymann Steinthal (1823-1899), et l’ethnologue Adolf Bastian (1826-1905).
En 1881, il présente une thèse sur les origines de la musique inspirée du darwinisme qui est refusée par Zeller et du physicien Hermann von Helmholtz (1821-1894). Il devint docteur en philosophie avec une autre thèse, celle-là acceptée, Das Wesen der Materie nach Kant’s Physischer Monadologie (L’essence de la matière selon la Monadologie physique de Kant) où il réfute les thèses de Kant.
En 1883, il soutient une thèse d’habilitation sur la théorie de l’espace et du temps de Kant.
En 1884 Julius Friedländer meurt. Il lui lègue une partie de sa fortune qui concourra à son indépendance financière.
En 1885 il devient Privatdozent (c’est-à-dire un professeur qui n’est payé que par ses étudiants) à l’université de Berlin. Le système universitaire allemand quant au statut des professeurs est ainsi résumé par le sociologue Émile Durkheim (1858-1917) :
« (…) les professeurs ordinaires ne forment que la minorité des maîtres qui enseignent à l’Université. Les autres sont des professeurs honoraires ou extraordinaires qui ont tout au plus un très petit traitement, ou bien enfin des privatdocenten qui n’ont généralement d’autres ressources que les honoraires payés par leurs auditeurs. » Émile Durkheim, « La philosophie dans les universités allemandes », Revue internationale de l’enseignement, 1887, n˚13. Texte reproduit in Émile Durkheim, Textes. 3. Fonctions sociales et institutions, Les Éditions de Minuit, 1975.
Les cours de Simmel eurent un tel succès qu’ils étaient annoncés dans les journaux et parfois résumés.
En 1890, il publie La psychologie des femmes (Zur Psychologie der Frauen) et Sur une différenciation sociale (Über sociale Differenzierung). Sa femme Gertrud Kinel (1864-1938), qu’il épouse cette année-là, est peintre et philosophe. C’est une amie intime de Marianne Schnitger, future madame Weber (1870-1954), sociologue, féministe et femme du sociologue Max Weber (1864-1920). Elle écrit sous le pseudonyme de Marie-Luise Enckendorf notamment sur les sujets de la religion et de la sexualité. Ils ont un fils, Hans (médecin et professeur de médecine, il est emprisonné à Dachau en 1938 puis réussit à émigrer aux États-Unis où il meurt en 1943).
En 1892, il publie anonymement dans le numéro de janvier de Die Neue Zeit, le journal du parti social démocrate, un article intitulé “Quelques réflexions sur la prostitution dans le présent et dans l’avenir” (“Einiges über die Prostitution in Gegenwart und Zukunft”). Il publie également deux ouvrages : Les problèmes de la philosophie de l’histoire (Die Probleme der Geschichtsphilosophie) et une Introduction à la science morale. Une critique des concepts fondamentaux de l’éthique (Einleitung in die Moralwissenschaft. Eine kritik der ethischen Grundbegriife, 1892/93).
En 1894, il fait la rencontre de Célestin Bouglé (1870-1940) un jeune et récent agrégé de philosophie qui bénéficie d’une bourse d’un an pour se former dans les universités allemandes. Il nous reste une partie de la correspondance entre les deux hommes jusqu’en 1908. La même année il publie dans la Revue internationale de sociologie “La différenciation sociale”, un article traduit en français par M. Parazzola et dans la Revue de métaphysique et de morale un article intitulé “Le problème de la sociologie” traduit par Célestin Bouglé. Il publie “Karl Grünberg : Die Bauernbefreiun in Böhmen, Mähren und Schlesien” qui paraît dans les numéros 7-8 de la Revue internationale de sociologie en juillet et en août. Il publie en octobre dans Vossische Zeitung, une sorte d’équivalent du journal Le Monde actuellement, un article intitulé “Sur la sociologie de la famille” (“Zur Soziologie der Familie”).
Pour l’année 1894/1895, il fait paraître un article intitulé “Influence du nombre des unités sociales sur les caractères des sociétés” dont la traduction est de Célestin Bouglé dans les Annales de l’Institut international de sociologie.
En 1896, il publie dans la Revue de métaphysique et de morale un article traduit par Bouglé intitulé “Sur quelques relations de la pensée théorique avec les intérêts pratiques”. Il écrit également un mémoire traduit en français par Émile Durkheim et Bouglé pour le premier numéro de la revue de Durkheim, l’Année sociologique (première année, 1896-1897, pp. 71-109) intitulé “Comment les formes sociales se maintiennent”. La revue paraîtra en 1898. Elle est l’organe de l’école française de sociologie. C’est Célestin Bouglé qui tente un rapprochement entre Simmel et Durkheim et ses disciples. Les critiques de Durkheim mettent fin à cette collaboration. La pensée de Simmel est présente dans le premier ouvrage de Bouglé, Les Sciences sociales en Allemagne. Les méthodes actuelles. Cette année-là Simmel publie un article intitulé “Esthétique sociologique”.
En janvier 1898, il publie dans le journal Die Zeit “Le rôle de l’argent dans les rapports entre les sexes. Fragment d’une Philosophie de l’argent” (“Die Rolle des Geldes in den Beziehung der Geschlechter. Fragment au seiner Philosophie des Geldes”) et “Sur la sociologie de la religion” (“Zur Soziologie der Religion”) dans le Neue Deutsche Rundschau (Freie Bühne), un magazine littéraire fondé en 1890.
En 1900, il publie la Philosophie de l’argent (Philosophie des Geldes). Dans son article intitulé « La sociologie et son domaine scientifique » (un article publié en italien, « La sociologia e il suo domino scientifique » in Rivista italiana di sociologia, 4, dont la version se trouve dans Émile Durkheim, Textes. 1. Éléments d’une théorie sociale, Éditions de Minuit, 1975), Durkheim critique vertement Simmel qu’il présente comme un sociologue dilettante et un philosophe peu rigoureux.
En 1901, il quitte l’université de Berlin. Il publie La psychologie de la honte (Zur Psychologie der Scham). Il devint Ausserordentlicher Professor, c’est-à-dire professeur extraordinaire, un titre qui confère un petit traitement.
En 1902, il publie dans le Neue Deutsche Rundschau un article intitulé “Culture féminine”. Il publie également “L’art de Rodin et la question du mouvement dans la sculpture”. Le poète Rainer Maria Rilke (1875-1926) traduira cet article pour le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) et le mettra en contact avec Simmel dont il suit les cours comme il l’explique dans une lettre à Rodin du 16 avril 1905.
En 1903 il publie Pont et porte. Essais philosophiques sur l’histoire, la religion, l’art et la société (Brücke und Tür. Essays des Philosophischen zur Geschichte, Religion, Kunst und Gesellschaft). Il publie en français “De la religion au point de vue de la théorie de la connaissance” paru dans le volume du Premier Congrès international de philosophie, Tome II Morale générale. “Les grandes villes et la vie de l’esprit”.
Le semestre d’hiver 1903/1904, est consacré à un cours sur Kant en seize leçons à l’Université de Berlin.
En 1904, Simmel a une fille, Angela Kantorowicz, avec son étudiante Gertrud Kantorowicz (1876-1945 morte au camp de Theresienstadt), sa future collaboratrice, historienne de l’art et poétesse, traductrice du philosophe français Henri Bergson (1859-1941). Le fait demeura secret.
En 1906, il publie Kant et Goethe. Contribution à l’histoire de la conception du monde moderne (Kant und Goethe. Zur Geschichte der modernen Weltanschauung) et La religion (Die Religion).
En 1907, il donne une deuxième édition de son ouvrage intitulé Les Problèmes de la philosophie de l’histoire ainsi qu’une deuxième édition augmentée de sa Philosophie de l’argent. Il publie Le pauvre.
En 1908, il publie la Sociologie. Études sur les formes de la socialisation (Soziologie). Il publie également “Digressions sur l’étranger”. Paraît un article en français intitulé “Enquête sur la sociologie” dans Les Documents du progrès. Revue internationale. “Digressions sur le problème : comment la société est-elle possible ?” Candidat pour être professeur ordinaire à l’université de Heidelberg, il est refusé malgré l’appui de Max Weber. Le philosophe Wilhelm Dilthey (1833-1911) s’oppose à sa nomination. Le rapporteur de son dossier, l’historien Dietrich Schaeffer (1845-1929), le décrit malgré son acte de baptême comme juif et lui reproche un auditoire de femmes et de gens de l’est de l’Europe (cf. Laura Desfor Edles, Scott Appelrouth, Sociological theory in the classical era : text and readings, Thousand Oaks, 2005, p.243). Max Weber dans sa conférence « Le métier et la vocation de savant » (Wissenschaft als Beruf) écrira :
« Lorsque de jeunes savants viennent nous demander conseil en vue de leur habilitation, il nous est presque impossible de prendre la responsabilité de notre approbation. S’il s’agit d’un juif on lui dit naturellement : lasciate ogni speranza [Laissez toute espérance]. » Max Weber, Le savant et le politique, Plon, 1959, 10/18, p.61.
En 1909, Ferdinand Tönnies (1855-1936), Max Weber et Simmel fonde la Société allemande de sociologie (Deutsche Gesellschaft für Soziologie). Il publie dans le journal Der Tag les 11 et 12 mai un article intitulé « Psychologie de la coquetterie » (Psychologie der Koketterie). Georg Lukàcs (1884-1971) suit ses séminaires jusqu’en 1912. Simmel publie un article traduit en français par G. H. Milan intitulé “Quelques considérations sur la philosophie de l’histoire” dans la revue « Scientia », Rivista di Scienza.
En 1911 il publie Le concept et la tragédie de la culture “Der Begriff und die Tragödie der Kultur” ; “Rodin”.
En 1912 il publie un ouvrage en français, Mélanges de philosophie relativiste. Contribution à la culture philosophique, dont la traductrice est Alix Guillain (1876-1951). Il publie un article L’individualisme de Goethe “Goethes individualismus”dans le numéro de décembre de la revue LOGOS. Internationale Zeitschrift für Philosophie der Kultur.
En 1913 il publie un article « Philosophie du paysage » (“Philosophie der Landschaft”) dans la revue Die Güldenkammer. Eine bremische Monatsschrift.
Le 26 janvier 1914, il est nommé professeur ordinaire à Strasbourg – alors université allemande – avec un enseignement de sociologie et de philosophie. Seuls les professeurs ordinaires avaient un traitement leur permettant de vivre. Il abandonne officiellement la religion protestante et se retrouve sans religion. Il s’oppose à Bergson qui avait critiqué l’Allemagne dans « La signification de la guerre actuelle » daté du 1er novembre dans un discours du 7 novembre.
Le 7 mars 1915 il écrit un article sur « l’idée d’Europe » favorable à l’Allemagne. Le 10 juin, il publie un article intitulé « Deviens ce que tu es ». Il publie « L’Europe et l’Amérique » le 4 juillet.
En 1916, il publie un Rembrandt. Il publie le 13 février « La crise de la culture ». le 27 août, il publie « La dialectique de l’esprit allemand ».
En 1917, il publie Questions fondamentales de la sociologie. (Grundfragen der Soziologie). Il publie en avril La guerre et les décisions de l’esprit qui marque son engagement pour l’Allemagne.
En 1918, il publie Le conflit de la culture moderne (Der Konflikt der modernen Kultur).
Il est mort le 28 septembre 1918 à Strasbourg des suites d’un cancer. Peu avant sa mort il écrivait :
« Je sais que je mourrai sans héritiers spirituels (et c’est bien). La succession que je laisse est comme de l’argent distribué entre de nombreux héritiers, dont chacun met sa part à profit dans quelque occupation qui est compatible avec sa nature propre, mais qui ne peut plus être reconnu comme venant de la succession. » Simmel, Buch des Dankes.

Publications posthumes en français.
1981, Sociologie et Épistémologie, introduction et traduction de Julien Freund.
1984, Problème de la philosophie de l’histoire, introduction et traduction de Raymond Boudon.
1987, Philosophie de l’argent, traduction de S. Cornille et P. Ivernel ; Philosophie et société, traduction et présentation de Jean-Louis Veillard-Baron.
1988, Philosophie de la modernité : la femme, la ville, l’individualisme, introduction et traduction de Jean-Louis Veillard-Baron ; La tragédie de la culture et autres essais, traduction de S. Cornille et P. Ivernel.
1990, Philosophie de la modernité. 2. Esthétique et modernité, conflit et modernité, testament philosophique, introduction et traduction de Jean-Louis Veillard-Baron ; Michel-Ange et Rodin traduction de Philippe Ivernel et de Sabine Cornille.
1991, Secrets et sociétés secrètes, traduction de S. Müller.
1994, Rembrandt, traduction de S. Müller.
1995, Le Conflit, traduction de S. Müller.
1998, La Religion, traduction de P. Ivernel ; Les Pauvres, traduction de B. Chokran.
1999, Sociologie : Étude sur les formes de la socialisation, traduction de L. Deroche-Gurcel et S. Müller.
2001, La Philosophie du comédien, traduction de S. Müller.
2002, La philosophie de l’aventure qui est la reprise sous un autre titre des Mélanges de philosophie relativiste traduits par Alix Guillain.
2003, Le Cadre et autres essais, traduction et préface de Karine Winkelvoss.
2004, La Forme de l’histoire et autres essais, traduction, préface et annotations de Karine Winkelvoss.
2005, Kant et Goethe, traduction, préface et annotations de Pierre Rusch.
2006, Le problème de la sociologie et autres textes, postface de Fabienne Barthélémy et Benoît Cret (l’ouvrage regroupe les trois textes suivants : “Le problème de la sociologie”, “Comment les formes sociales se maintiennent” et “Sur quelques relations de la pensée théorique avec les intérêts pratiques”) ; Pour comprendre Nietzsche, traduction de Christophe David ; L’argent dans la culture moderne et autres essais sur l’économie de la vie, introduction et traduction de Alain Deneault avec le concours de Céline Colliot-Thélène (l’ouvrage comprend les cinq textes suivants : “L’argent dans la culture moderne”, “Sur la psychologie de l’argent”, “La différenciation et le principe de l’économie d’énergie”, “L’argent et la nourriture”, “Le tournant vers”)
2007, Esthétique sociologique, Introduction de Philippe Marty, traduction de Lambert Barthélémy, Michel Collomb, Philippe Marty et Florence Thérond (l’ouvrage comprend les textes suivants : “Esthétique sociologique”, “Les paysages de Böcklin” texte édité en 1922 par sa femme, “Sur les quantités esthétiques”, “La Cène de Léonard de Vinci”, “Kant et l’esthétique moderne”, “Esthétique du portrait”, “L’art de Rodin et la question du mouvement dans la sculpture”, “L’esthétique de Schopenhauer et la conception moderne de l’art”, “Sur l’esthétique des Alpes”, “Producteurs de formes et créateurs”, “Fragments d’une philosophie de l’art”, “Souvenir de Rodin”, “Style germanique et style de tradition classique et romane”).
2009, Le pauvre, traduction de Laure Cahen-Maurel.