samedi 15 janvier 2022

Corrigé d'une explication d'un texte extrait de la Conférence sur l'éthique de Wittgenstein

 Sujet :

Expliquer le texte suivant :

 

Si (...) je dis que cette chaise est une bonne chaise, cela veut dire qu’elle satisfait un certain but prédéterminé et, en ce cas, le mot « on » n’a de signification que pour autant que ce but a été préalablement fixé. En fait, le mot bon pris au sens relatif veut simplement dire conforme à un certain standard prédéterminé. Ainsi, quand nous disons d’un homme qu’il est un bon pianiste, nous voulons dire qu’il peut jouer avec un certain degré de dextérité des partitions d’un certain degré de difficulté. De même, si je dis qu’il m’importe de ne pas attraper froid, je veux dire qu’un refroidissement provoque, dans ma vie, un certain nombre de désagréments qui sont descriptibles, et si je dis d’une route qu’elle est la route correcte, je veux dire qu’elle est correcte par rapport à un certain but. Ces expressions, si elles sont employées de cette façon, ne nous confrontent à aucune difficulté ni à aucun problème profond. Mais ce n’est pas ainsi que l’Éthique les emploie. Supposez que je sache jouer au tennis et que l’un d’entre vous qui me voit jouer dise : « Vous jouez vraiment mal », et supposez que je lui réponde : « Je sais que je joue mal, mais je ne veux pas mieux jouer », tout ce qu’il pourrait dire est : « En ce cas tout est pour le mieux ». Mais supposez que j’aie raconté à l’un d’entre vous un incroyable mensonge et qu’il vienne vers moi en me disant : « Tu te conduis comme un goujat », et que je lui réponde: « Je sais que je me conduis mal, mais je ne veux pas mieux me conduire », pourrait-il dire alors : « Dans ce cas tout est pour le mieux » ? Certainement pas. Il dirait : « Eh bien, tu dois vouloir mieux te conduire ». Vous avez ici un jugement de valeur absolu, alors que le premier exemple était seulement un jugement relatif.

Wittgenstein, Conférence sur l’Éthique (1929)

 

 

* * *

 

Corrigé

Qu’est-ce qui fait la spécificité du questionnement éthique ? en quoi est-il différent des simples questions d’utilité ?

Tel est le problème dont il est question dans cet extrait de la Conférence sur l’Éthique de 1929 de Wittgenstein.

L’auteur veut montrer que l’éthique vise à s’interroger sur ce qui est bon absolument et non sur ce qui l’est relativement. Autrement dit, elle n’aurait rien à voir avec les questions d’utilité, ce qui reviendrait à dire qu’une éthique utilitariste serait une contradiction dans les termes, un cercle carré.

Wittgenstein dégage d’abord les caractéristiques de l’interrogation sur ce qui est bon relativement qui ne présente pas de difficultés particulières. Puis, son analyse conduit à exclure l’utilitarisme du champ de l’éthique ; il montre enfin que l’éthique enveloppe des difficultés nouvelles par rapport aux questions utilitaires.

 

 

Wittgenstein prend d’abord l’exemple d’un jugement qui qualifie de bonne une chaise, pour mettre en lumière qu’un tel jugement renvoie à un but déterminé que la chaise doit satisfaire. C’est le point de vue de l’usager qui est le fondement du jugement. Il précise alors que le mot bon n’a de sens que pour ce but déterminé. Implicitement, ce sens n’est pas celui de bon que nous attribuons à un acte pour des raisons éthiques. Il prend un second exemple où c’est un pianiste qui est qualifié de bon, un sujet donc et non un objet, là encore, on attend du pianiste qu’il soit capable de remplir une certaine performance donnée. Et c’est cette capacité qui justifie qu’on le qualifie de « bon ». bon n’a pas de sens éthique comme lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est bon [Remarquons que le professeur de piano des Wittgenstein à Vienne était le compositeur romantique et pianiste virtuose Brahms (1833-1897) ; Wittgenstein lui-même jouait de la clarinette ; il avait donc une expérience de ce qu’est la virtuosité musicale] A l’inverse, ne pas attraper froid est une injonction dont le sens concerne une certaine appréhension de ce qui doit être agréable. Wittgenstein semble donc rejeter le plaisir de la sphère de l’Éthique. Là encore, il s’agit d’un jugement relatif.

Puis, il donne l’exemple de la route correcte qui l’est par rapport à une certaine fin.

La caractéristique commune à tous les jugements relatifs est qu’ils ne comprennent aucune difficulté, mai aussi ne conduisent à aucun problème profond, c’est-à-dire un problème qui touche à quelque chose d’essentiel.

 

Qu’est-ce qu’implique alors cette analyse par rapport à l’utilitarisme, soit la doctrine éthique née à notre époque qui fait de l’utilité un principe éthique ?

 

 

Les jugements relatifs sont hors du domaine de l’éthique, c’est-à-dire qu’on ne peut qualifier de bons au sens éthique un jugement qui porte sur l’utilité parce qu’il conduirait au plus grand bonheur comme le soutenaient Bentham (1748-1832) et les Mill, James (1773-1836) et son fils, John Stuart (1806-1873). C’est que de tels jugements seraient aussi relatifs. En effet, si c’est le plaisir que l’on prend comme critère de l’utilité, il est relatif. Si ce sont comme le voulait John Stuart Mill des plaisirs qualitativement supérieurs tels que des experts permettent de les connaître (cf. John Stuart Mill, L’utilitarisme, 1863), il est clair qu’on se retrouve dans le cas du virtuose de piano, devant une attente toute relative. Les experts peuvent eux-mêmes avoir des attentes relatives.

 

Reste donc à comprendre ce qui fait la spécificité du domaine éthique.

 

 

Pour le montrer, Wittgenstein prend un nouvel exemple. Il suppose qu’il sait jouer au tennis mais que quelqu’un lui reproche de mal jouer ; il suppose qu’il lui répond qu’il le sait mais ne veut pas mieux jouer : l’autre n’aurait rien à redire. On reste encore dans le jugement relatif. Et le reproche n’a pas de légitimité. Wittgenstein oppose un autre cas. Il ment et l’autre lui reproche d’être un goujat, il ne peut prétendre ne pas vouloir changer. L’autre lui rétorquerait qu’il doit changer. Le jugement n’est plus relatif, il est absolu. Mentir est contraire à ce qu’on doit faire.

On voit alors qu’on ne peut se référer ni aux qualités attendues d’un objet, ni ce qu’on peut attendre d’une certaine dextérité ou virtuosité. Dès lors, le jugement éthique ouvre donc à une certaine profondeur : peut-on le fonder, et si oui, sur quoi ?

 

Disons pour conclure que Wittgenstein, dans cet extrait de sa Conférence sur l’éthique écarte à juste titre du domaine éthique les actes et les jugements relatifs, et par la même occasion l’utilitarisme. Il montre que le domaine éthique est celui des actes et des jugements qui ont une valeur absolue et qui ouvrent à une interrogation fondamentale.

vendredi 14 janvier 2022

Scepticisme. Ænésidème

 Vie.

Il est né entre 130 et 80 av. J.-C., peut-être à Cnossos en Crète ou à Aiagai en Macédoine.

Il aurait été professeur à Alexandrie ( cf. Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique qui cite Aristoclès).

Il aurait fait partie de l’Académie dont il aurait critiqué le dogmatisme. Ce qui en ferait un néo-pyrrhonien, voire le fondateur du scepticisme au sens propre.

Il est l’inventeur des dix modes sceptiques qui doivent permettre d’obtenir la suspension du jugement , l’épochè (ἐποχή / epokhế) qui s’accompagne de l’ataraxie.

Sa mort reste obscure. Elle aurait eu lieu en 10 av. J.-C.

Œuvres dont on connaît les titres.

·       Discours pyrrhoniens, huit livres (Πυρρώνειοι λóγοι Purrhôneoi logoi)

·       Contre la sapience (Κατὰ σοφίας Kata sophias)

·       Sur la recherche (Περὶ ζητήσεως Peri zêtêseôs)

·       Esquisse introductive au pyrrhonisme (Ὑποτύπωσις εἰς τὰ Πυρρώνεια Hupotupôsis eis ta Purrhôneia), peut-être le premier livre des Πυρρώνειοι λóγοι

·       Éléments (Στοιχειώσεις Stoikheiôseis)

·       Première introduction