jeudi 30 mars 2023

essai: En morale, est-ce l'intention qui compte?

 Lorsque quelqu’un agit, on tient compte de son intention, pour évaluer moralement son acte.

Aussi semble-t-il qu’en morale c’est l’intention qui compte. Si je perds une somme d’argent importante qu’un pauvre s’en trouve aidé, mon action est moralement nulle.

Toutefois, l’intention ne semble pas suffire, voire être nécessaire. Si je sauve quelqu’un de la noyade, mon action est bonne, même si mon intention est d’être récompensé, ce qui semble peu moral.

Dès lors quelle est la place de l’intention dans l’action morale ?

Est-elle sans intérêt ?Est-elle constitutive de la moralité de l’action ? Exige-t-elle d’être liée à l’action ?

 

On pourrait penser comme les utilitaristes que la valeur morale de l’action ne tient qu’à ses conséquences. Dès lors, une action qui est utile est bonne quelle que soit l’intention du sujet, intention qui ne compte pas, c’est l’efficacité qui compte. Si j’ai l’intention de sauver quelqu’un de la noyade et que j’échoue par ma maladresse, l'intention de le sauver ne corrige pas l’échec, tout au plus elle conduit à une certaine indulgence de la part d’autrui. Et si je le sauve pour obtenir une récompense, mon action est bonne. Ainsi un mensonge habituellement mauvais par ce qu’il sape la confiance (cf. Mill, L’utilitarisme) peut être bon par ses conséquences comme ceux que fait Sœur Simplice dans Les Misérables (1862) de Victor Hugo (1802-1885) et qui apaisent Fantine, pui sauvent Jean Valjean et Cosette.

 

Pourtant, celui qui n’agit que par intérêt, pour bonnes aux autres que soient ses actions ne semble avoir aucune valeur morale. L’intention n’est-elle pas essentielle à la morale ?

 

On peut donc avec Kant considérer que c’est la « bonne volonté », soit l’intention qui fait la valeur morale de l’action (Fondements de la métaphysique des mœurs), mais cette intention doit être distinguée du simple souhait ou du vœu qui n’est que la représentation d’un but désiré pour lequel on ne fait rien. Ainsi, ce n’est pas avoir l’intention de sauver quelqu’un de la noyade que de le regarder s’enfoncer dans l’eau, il faut agir, au moins appeler au secours si on ne peut faire autrement. La simple déclaration d’intention au sens du souhait ne donne aucune valeur à l’acte et on ne peut se dédouaner d’une action peu glorieuse en prétendant que c’est l’intention qui compte.

 

Cependant, l’intention qui implique un commencement d’action exige une certaine réussite pour que sa valeur morale soit nette. Que doit être l’intention pour qu’elle suffise à la valeur morale de l’action ?

 

Ainsi un acte de charité exige d’être guidé par l’intention de se soucier du prochain et non par l’intérêt personnel. Sa réussite n’exige aucune capacité spéciale ; il suffit de donner une partie de ce qu’on a. Lorsque l’action dépend de capacités spéciales ou de circonstances particulières, l’intention du sujet est suffisante, à la condition qu’elle inclue les meilleures actions dont le sujet est capable. C’est en ce sens que Kant a raison de faire de la bonne volonté, le principe de l’action morale. Le héros du mur qui fait découvrir aux franquistes que son chef est caché dans un cimetière en mentant, est coupable car finalement l’intention ne se sépare pas de la réalisation de l’acte.

 

En somme, l’action morale n’est pas seulement celle qui est utile au plus grand nombre comme le pensaient les utilitaristes, elle exige une intention du sujet, et celle-ci qui consistent à agir de façon désintéressée, enveloppe les actions qui la manifestent, acquiert ainsi toute sa valeur morale.

 

mardi 28 mars 2023

Jan Patočka, brève biographie

Jan Patočka , et un philosophe tchèque né le 1er juin 1907 et mort le 13 mars 1977 après un interrogatoire musclé de la police communiste tchécoslovaque.

Étudiant entre 1925 et 1931, il séjourne à Fribourg-en Brisgau où il s’initie à la phénoménologie auprès de Husserl (1859-193) et de Heidegger (1889-1976).

En 1936, il achève sa thèse Le monde naturel comme problème philosophique. Il enseigne jusqu’à ce que les nazis ferment les universités en 1939.

Il enseigne pendant l’occupation dans une école secondaire.

De 1945 à 1949, il enseigne à l’université avant le purges communistes qui l’excluent. Il travaille pour différentes institutions. 

En 1968, il retrouve un poste. la Tchécoslovaquie sous l’impulsion de son dirigeant, Alexander Dubček (1921-1992), a entamé de nombreuses réformes pour mettre en place un « socialisme à visage humain » et rompre avec le communisme de type soviétique : c’est le printemps de Prague. Un projet qui n'a pas plu à l’U.R.S.S et qui a donc décidé de l'écraser. Les chars russes entrent à Prague dans la nuit du 20 au 21 août 1968.

Patočka est mis à la retraite d’office en 1972.

En septembre 1976, il participe à la rédaction et signe la Charte 77, une pétition de dissidents, avec le dramaturge Václav Havel (1936-2011) futur président de la République de la Tchécoslovaquie non communiste. Elle vise à lutter contre la normalisation soviétique en cours.

Le 13 mars 1977, c’est suite à un interrogatoire peu socratique mené par la police communiste, qu’il meurt.

 

samedi 25 mars 2023

Heidegger (1889-1976), brève biographie

 Né le 26 septembtre 1889 à Meskirch dans un milieu catholique, il se destine d’abord à la prêtrise avant d’y renoncer pour la philosophie. Il fait des études de sciences afin de devenir professeur tout en poursuivant ses études de philosophie. Après une thèse de doctorat en 1913, il devient chargé de cours en 1915 à l’université de fribour-en-Brisgau après une thèse d’habilitation intitulé Traité des catégories et de la signification chez Duns Scott.

En 1916, il devient l’assistant de Husserl.

Il se marie en 1917.

En 1923, il devient professeur non titulaire à l’université de Marbourg ou il collabore avec le théologien protestant Rudolf Bultmann. Il a comme étudiants, notamment Hannah Arendt, Isaac Stern (le futur Gunther Anders), Leo Strauss et Hans Jonas. Il a une liaison avec son étudiante Hannah Arendt.

En 1927, il publie Être et temps en 1928, il prend le poste de Husserl qui est parti à la retraite.

En 1929, il affronte Ernst Cassirer, représentant le néo-kantisme à Davos.

Sympathisant depuis 1930, en 1933, il adhère au parti nazi et devient recteur de l’université de Fribourg-en-Brisgau. Il démissionne au bout d’un an. Cette adhésion a-t-elle été une grosse bêtise (grösste Dummheit) comme il l’a dit plus tard ou un engagement profond, la controverse reste entière. C’est pendant la période nazi qu’il effectue ce qu’il nomme  le « tournant » (Kehre) de sa pensée.

En 1945, il est interdit d’enseignement jusqu’ en 1951. Il influence l’existentialisme de Sartre (1905-1980) dont il se détourne, ainsi que la phénoménologie de Merleau-Ponty (1908-1961).

En 1958, il prend sa retraite de l’université.

Il séjourne souvent en France chez le poète René Char (1907-1988), authentique résistant, puis donne des séminaires au Thor en Provence qui donneront lieu à des publications.

Il meurt à Messkirch le 26 mai 1976. le premier tome de ses œuvres complètes, qui doivent en comprendre 110, paraît.