samedi 22 avril 2023

abstraction - fiche

 Analyse.

1. Elle consiste en un premier sens à séparer dans ce qui est donné, ce qui est lié pour le considérer à part. On peut le faire conceptuellement ou réellement. Le résultat est un abstrait qu’on oppose à un concret. L’abstrait n’existe alors que de façon mentale. Le concret est en ce sens un tout qui se suffit à lui-même.

2. L’abstraction consiste en un second sens à aller au-delà du donné.

a. En ce sens, l’abstraction est un procédé par lequel l’esprit humain s’égare. Considérant ses résultats en eux-mêmes, l’esprit les réalise. Ainsi, si je généralise des données sensibles en une notion, je puis penser qu’elle est universelle, voire qu’il y a de l’universel.

b. On peut tout au contraire concevoir qu’en sortant du donné empirique, l’abstraction permet à l’esprit de découvrir la vérité qui est ailleurs. Elle permet alors de ne pas s’enfermer dans un concret illusoire pour découvrir le concret véritable.

3. L’abstraction ne signifie pas nécessairement qu’on abstrait ce qu’on considère de façon séparée. Elle consiste à penser à part du donné empirique ce qui ne s’y réduit pas. Par exemple, si je fais abstraction de l’espace concret à trois dimensions, je puis penser un espace à n dimensions dont le premier n’est qu’un cas particulier.


Problèmes.

1. L’abstraction permet-elle et à quelles conditions de former des notions ou concepts qui ont une valeur objective ?

2. La pensée doit-elle refuser l’abstraction pour découvrir le réel ou bien doit-elle au contraire s’y livrer sciemment ?

 

 

 

mercredi 19 avril 2023

Hans Jonas biographie brève

Hans Jonas est né le 1er mai 1903 à Mönchengladbach dans l’empire allemand dans une famille juive.

Très tôt il est un militant sioniste.

Il fait des études de philosophie auprès de Husserl (1859-1938) et de Heidegger (1889-1976) ainsi que de théologie protestante en 1923 auprès de Rudolph Bultmann (1884-1976) qui tenait un séminaire d’exégèse néotestamentaire. Il a pour condisciple Hannah Arendt (1906-1975).

En 1928, il obtient un doctorat avec Le concept de gnose.

Il publie en 1930 le tome I de Gnosis und spätantiker Geist (la Gnose et l’esprit de l’antiquité tardive).

En 1933, il quitte l’Allemagne devenue nazie pour Londres.

En 1935, il se rend en Palestine. Il devient membre de la Haganah, une organisation paramilitaire juive qui défend les Juifs contre les attaques des Arabes.

Il fait partie d’un groupe d’intellectuels autour de Gershom Scholem (1897-1982), penseur de la mystique juive.

Durant la seconde guerre, il combat dans la brigade des volontaires juifs rattachée à l’armée britannique. Il combat en Italie et en Allemagne où il apprend la mort de sa mère en camp. Il refuse de publier en Allemagne le tome 2 de son ouvrage sur la Gnose.

Il retourne en Israël où il combat lors de la création de l’État d’Israël.

En 1950, il quitte Israël pour enseigner au Canada puis à New York en 1955. Dans ses Souvenirs, Jonas évoquant la question des Arabes de Palestine écrivait : "Je dois avouer à ma honte que moi non plus je n'y avais pas beaucoup réfléchi, et que je nourrissais même de curieux rêves militaristes." 

En 1954, il publie le tome 2 de son travail sur La Gnose et l’esprit de l’antiquité tardive.

En 1979, il publie Das Prinzip Verantwortung (Le principe responsabilité) qui s’est vendu à plus de 130000 exemplaires, ce qui est unique pour un livre de philosophie.

Il meurt dans l’État de New York le 5 février 1993.

 

samedi 8 avril 2023

corrigé d'un essai : Ce que la morale autorise, l'État peut-il légitimement l'interdire?

 En 1917, des soldats anglais et allemands ont fraternisé en jouant au football. Or, si la morale autorise de fraterniser avec d’autres hommes, les États qui voulaient la guerre ne le voulaient pas. Ce que la morale autorise, L’État peut-il légitimement l’interdire ?

Si c’était le cas, cela impliquerait que l’État prescrirait indirectement des actions immorales et ne mériterait pas d’être obéi, voire susciterait la révolte.

D’un autre côté, l’État a aussi pour devoir de conserver la société, et si la morale le gène, on comprend qu’il l’interdise.

Y a-t-il des conditions qui permettent à l’État de légitimement interdire ce que la morale autorise ? L’État doit-il se conformer en tout point à la morale ? Peut-il légitimement interdire de la morale ce qui nuit à son existence ? N’est-ce pas au contraire, nuire à son existence ?

 

L’État ne peut se conformer en tous points à la morale. Ainsi Machiavel soutenait-il dans Le Prince que ce dernier, c’est-à-dire le dirigeant politique doit user de moyens immoraux pour conserver son pouvoir et il en va de même d’une République. Ainsi loue-t-il Romulus d’avoir tué son frère Remus, puisque cela a permis la fondation de Rome dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live (I, 9).

Ainsi, la morale autorise de sympathiser avec les autres hommes. Pourtant l’État l’interdit lorsqu’il s’agit d’ennemi. De même qu’il interdit à ses agents de dire la vérité aux ennemis. La raison en est qu’ils ont pour objectif sa destruction. Or, il est clair que la destruction de l’État détruit aussi la possibilité d’agir moralement.

 

Néanmoins, si l’État interdit ce que la morale autorise, il devient alors tyrannique, autoritaire, voire totalitaire. N’est-ce pas le faire déroger à sa fonction de direction de la société et finalement le détruire ?

 

 

En effet, le tyran est celui qui, comme les Anciens l’avaient bien vu accède illégalement au pouvoir ou l’exerce illégalement afin de le confisquer pour ses plaisirs personnels. Ainsi La pièce de Musset, Lorenzaccio (1934) s’ouvre sur une scène ou le duc de Florence devenu tyran a corrompu des parents pour abuser de leur fille de 15 ans. Ainsi le pouvoir tyrannique suscite-t-il son opposition, voire sa destruction en favorisant l’immoralité. Le tyran Denys de Syracuse selon Cicéron (106-43av. J.-C.) dans les Tusculanes (V, XXI, 45 av J.-C.), explique ainsi à son flatteur, Damoclès, qu’il ne peut même pas abandonner la tyrannie qui risquerait d’être sa fin. De même le régime autoritaire, c’est-à-dire, celui qui supprime toutes les libertés, comme l’Espagne de Franco (1892-1975) ou le Portugal de Salazar (1889-1970) au profit d’une politique favorable au catholicisme, suscite une opposition (Portugal, révolution des œillets 1974) ou une lassitude (Espagne après la mort de Franco) qui amène à sa disparition. Les régimes totalitaires ont provoqué leur disparition en se suscitant des ennemis extérieurs comme le nazisme ou en implosant de l’intérieur comme le stalinisme. Interdire ce que la morale autorise, c’est favoriser l’immoralité et donc une action contre l’État en retour.

 

 

Toutefois, l’État n’est-il pas légitimement autorisé à interdire ce que la morale individuelle semble autoriser ?

 

 

Par morale individuelle, on peut entendre, ce que l’individu estime bien ou mal sur la base de ses réflexions personnelles et de la tradition, notamment religieuse ou non, qui est la sienne. C’est la réforme protestante qui a introduit une telle perspective morale. Ainsi la morale individuelle autorisait les premiers Mormons à être polygames, comme elle l’autorise aux musulmans. L’interdiction de l’État semble avoir pour sens de garantir la cohésion sociale. Toutefois, L’État sud-africain a mis en débat une extension de la polygamie réservée aux hommes, de sorte qu’une femme pourrait avoir plusieurs maris afin de rétablir l’égalité entre les hommes et les femmes. De même, la disparition de l’interdiction de l’IVG a eu pour sens d’empêcher les nombreuses morts dans des avortements clandestins. Lorsque la morale individuelle autorise certains actes, l’État ne peut légitimement les interdire sauf à imposer aux individus une certaine conception du bien et du mal, qui, extérieure à leur réflexion, ne pourra les convaincre.

Il crée ainsi la division dans la société et suscite des violences nuisibles à son autorité.

 

 

Disons pour finir que l’État ne peut interdire ce que la morale autorise dans la mesure où il risque de conduire à sa destruction ou à la fragmentation de la société et à la perte de sa fonction de conservation de la société.