Texte.
Art. 12. Comment les objets de dehors agissent contre
les organes des sens.
Il
reste encore ici à savoir les causes qui font que les esprits ne coulent pas
toujours du cerveau dans les (337) muscles en même façon, et qu’il en vient
quelquefois plus vers les uns que vers les autres. Car, outre l’action de
l’âme, qui véritablement est en nous l’une de ces causes, ainsi que je dirai
ci-après, il y en a encore deux autres qui ne dépendent que du corps,
lesquelles il est besoin de remarquer. La première consiste en la diversité des
mouvements qui sont excités dans les organes des sens par leurs objets,
laquelle j’ai déjà expliquée assez amplement en la Dioptrique ; mais afin
que ceux qui verront cet écrit n’aient pas besoin d’en avoir lu d’autres, je
répéterai ici qu’il y a trois choses à considérer dans les nerfs, à savoir :
leur mœlle, ou substance intérieure qui s’étend en forme de petits filets
depuis le cerveau, d’où elle prend son origine, jusques aux extrémités des
autres membres auxquelles ces filets sont attachés ; puis les peaux qui
les environnent et qui, étant continues avec celles qui enveloppent le cerveau,
composent de petits tuyaux dans lesquels ces petits filets sont enfermés ;
puis enfin les esprits animaux qui, étant portés par ces mêmes tuyaux depuis le
cerveau jusques aux muscles, sont cause que ces filets y demeurent entièrement
libres et étendus, en telle sorte que la moindre chose qui meut la partie du
corps où l’extrémité de quelqu’un d’eux est attachée, fait mouvoir par même
moyen la partie du cerveau d’où il vient, en même façon que lorsqu’on tire un
des bouts d’une corde on fait mouvoir l’autre. (338)
Descartes,
Les passions de l’âme, première
partie (1649).
Analyse.
L’objet
de l’article est de commencer à rendre compte de la diversification du
mouvement des esprits animaux et donc des mouvements du corps.
Descartes
donne trois causes du phénomène. La première cause est l’action de l’âme dont
il annonce qu’il traitera ultérieurement. Les deux autres sont corporels.
Descartes
commence l’explication de la première cause corporelle qui se continue à l’article
13. Il s’agit du rôle des objets sur les sens. La seconde apparaît à l’article
14.
Dans
l’article 12, Descartes rappelle les résultats de sa Dioptrique en termes d’explication de l’appareil nerveux. Il distingue
trois éléments dans les nerfs. Premièrement, une moelle composée de petits
filets, deuxièmement son recouvrement par une gaine que Descartes compare à des
tuyaux et troisièmement les esprits animaux. Ainsi, les objets des sens
agissant sur les nerfs en transmettent le mouvement immédiatement au cerveau.
L’article
présente donc les linéaments d’une explication mécanique de la perception.
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