Texte.
Art. 11. Comment se font les mouvements des muscles.
Car
la seule cause de tous les mouvements des membres est que quelques muscles
s’accourcissent et que leurs opposés s’allongent, ainsi qu’il a déjà été
dit ; et la seule cause qui fait qu’un muscle s’accourcit plutôt que son
opposé est qu’il vient tant soit peu plus d’esprits du cerveau vers lui que
vers l’autre. Non pas que les esprits qui viennent immédiatement du cerveau
suffisent seuls pour mouvoir ces muscles, mais ils déterminent les autres
esprits qui sont déjà dans ces deux muscles à sortir tous fort promptement de
l’un d’eux et passer dans l’autre ; au moyen de quoi celui d’où ils
sortent (336) devient plus long et plus lâche ; et celui dans lequel ils
entrent, étant promptement enflé par eux, s’accourcit et tire le membre auquel
il est attaché. Ce qui est facile à concevoir, pourvu que l’on sache qu’il n’y
a que fort peu d’esprits animaux qui viennent continuellement du cerveau vers
chaque muscle, mais qu’il y en a toujours quantité d’autres enfermés dans le
même muscle qui s’y meuvent très vite, quelquefois en tournoyant seulement dans
le lieu où ils sont, à savoir, lorsqu’ils ne trouvent point de passages ouverts
pour en sortir, et quelquefois en coulant dans le muscle opposé. D’autant qu’il
y a de petites ouvertures en chacun de ces muscles par où ces esprits peuvent
couler de l’un dans l’autre, et qui sont tellement disposées que, lorsque les
esprits qui viennent du cerveau vers l’un d’eux ont tant soit peu plus de force
que ceux qui vont vers l’autre, ils ouvrent toutes les entrées par où les
esprits de l’autre muscle peuvent passer en celui-ci, et ferment en même temps
toutes celles par où les esprits de celui-ci peuvent passer en l’autre ;
au moyen de quoi tous les esprits contenus auparavant en ces deux muscles
s’assemblent en l’un d’eux fort promptement, et ainsi l’enflent et
l’accourcissent, pendant que l’autre s’allonge et se relâche.
Descartes,
Les passions de l’âme, première
partie (1649).
Analyse.
L’article
analyse comme son titre l’indique le mouvement des muscles. Pour qu’il soit
possible, il faut qu’un muscle se raccourcisse pendant que le muscle qui lui
est lié s’allonge. La raison du raccourcissement ou de l’allongement d’un
muscle est dans la quantité d’esprits animaux qui lui advient. Plus exactement,
plus il y a d’esprits animaux dans un muscle, plus il se raccourcit. Pourquoi
cet effet ? Qu’est-ce qui montre la réalité de cet effet ?
Descartes
veut expliquer que le mouvement des esprits ne vient pas uniquement du cerveau.
Ceux du cerveau produisent un mouvement dans ceux qui sont dans les muscles,
mouvement dû à une poussée selon le schéma mécanique d’un mouvement qui
implique nécessairement le contact. Les esprits animaux venant du cerveau viennent
chasser ceux d’un premier muscle qui, entrant dans le second, font gonfler
celui-ci et donc le raccourcisse alors que le mouvement allonge le premier.
Pourquoi ce mouvement de poussée s’arrête dans le second muscle ?
Pour
l’expliquer Descartes invoque des esprits qui sont constamment dans les muscles
et qui en sortent par des entrées ou sorties qui s’ouvrent ou se ferment selon
le mouvement des esprits animaux.
Dans
cet article, Descartes ne précise pas la localisation des esprits animaux dans les
muscles. On peut supposer qu’ils sont dans les nerfs et que le gonflement ou le
raccourcissement du muscle est celle des nerfs qui le traverse. Dès lors le
muscle par lui-même n’a aucune fonction. C’est un morceau de chair inerte.
En
outre, tous les muscles paraissent identiques pour Descartes.
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