Texte.
Art. 9. Comment se fait le mouvement du cœur.
Son
premier effet est qu’il dilate le sang dont les cavités du cœur sont
remplies ; ce qui est cause que ce sang, ayant besoin d’occuper un plus
grand lieu, passe avec impétuosité de la cavité droite dans la veine
artérieuse, et de la gauche dans la grande artère ; puis, cette dilatation
cessant, il entre incontinent de nouveau sang de la veine cave en la cavité
droite du cœur, et de l’artère veineuse en la gauche. Car il y a de petites
peaux aux entrées de ces quatre vaisseaux, tellement disposées qu’elles font
que le sang ne peut entrer dans le cœur (334) que par les deux derniers ni en
sortir que par les deux autres. Le nouveau sang entré dans le cœur y est
incontinent après raréfié en même façon que le précédent. Et c’est en cela seul
que consiste le pouls ou battement du cœur et des artères ; en sorte que
ce battement se réitère autant de fois qu’il entre de nouveau sang dans le
cœur. C’est aussi cela seul qui donne au sang son mouvement, et fait qu’il
coule sans cesse très vite en toutes les artères et les veines, au moyen de
quoi il porte la chaleur qu’il acquiert dans le cœur à toutes les autres
parties du corps, et il leur sert de nourriture.
Descartes,
Les passions de l’âme, première
partie (1649).
Analyse.
Descartes
assigne comme premier effet de son feu cardiaque une dilatation du sang situé
dans les cavités du cœur qui exige alors qu’il a besoin de plus de place. Il explique
ainsi le mouvement de la cavité droite dans la veine artérieuse et de la cavité
gauche dans la grande artère. Pourquoi tout le sang sort et non la partie
surnuméraire, le feu cardiaque ne l’explique pas. À l’inverse, la dilatation
cesse et le sang emplit à nouveau les cavités. On ne voit pas trop pourquoi la
dilatation cesse. De petites peaux expliquent l’entrée du sang. Mais Descartes
n’explique nullement l’alternance des mouvements. Il prétend ainsi rendre
compte des battements du pouls par cette entrée et cette dilatation.
Enfin
Descartes prétend ainsi expliquer le mouvement du sang qui apporte au corps sa
chaleur et ses nutriments.
On
a pu remarquer que pour Descartes c’est la dilatation qui explique l’éjection
du sang et la contraction le mouvement inverse, ce qui est contraire à l’explication
de la circulation du sang qui était celle de Harvey. On a pu avancer que c’est
pour des raisons purement philosophiques, par mécanisme stricte que Descartes
élimine la vertu de pulsion qu’Harvey attribuait au cœur en le considérant
comme un muscle, cette vertu étant pour Harvey un moyen de rendre compte du
mouvement.
Il
n’en reste pas moins que l’hypothèse d’un feu qui ne brûle pas comme cause du
mouvement ne paraît pas une explication mécanique. Abstraction faite d’une
psychanalyse de l’esprit de Descartes à la façon de Gaston Bachelard qui
resterait à faire (cf. Bachelard, La
psychanalyse du feu, 1938), l’explication cartésienne est une explication ad hoc sans aucune tentative de
vérification expérimentale. Que son feu cardiaque transporte la chaleur au
corps montre qu’il lui attribue des effets trop nombreux pour que l’explication
soit précise.
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