Texte.
Art. 10. Comment les esprits animaux sont produits
dans le cerveau.
Mais
ce qu’il y a ici de plus considérable, c’est que toutes les plus vives et plus
subtiles parties du sang que la chaleur a raréfiées dans le cœur entrent sans
cesse en grande quantité dans les cavités du cerveau. Et la raison qui fait
qu’elles y vont plutôt qu’en aucun autre lieu, est que tout le sang qui sort du
cœur par la grande artère prend son cours en ligne droite vers ce lieu-là, et
que, n’y pouvant pas tout entrer, à cause qu’il n’y a que des passages fort
étroits, celles de ses parties qui sont les plus agitées et les plus subtiles y
passent seules pendant que le reste se répand en tous les autres endroits du
corps. Or, ces parties du sang très subtiles composent les esprits animaux. Et
elles n’ont besoin à cet effet de recevoir aucun autre changement dans le
cerveau, sinon qu’elles y sont séparées des autres parties du sang moins
subtiles. Car ce que je nomme ici des esprits ne sont que des corps, et ils
(335) n’ont point d’autre propriété sinon que ce sont des corps très petits et
qui se meuvent très vite, ainsi que les parties de la flamme qui sort d’un
flambeau. En sorte qu’ils ne s’arrêtent en aucun lieu, et qu’à mesure qu’il en
entre quelques-uns dans les cavités du cerveau, il en sort aussi quelques
autres par les pores qui sont en sa substance, lesquels pores les conduisent
dans les nerfs, et de là dans les muscles, au moyen de quoi ils meuvent le
corps en toutes les diverses façons qu’il peut être mû.
Descartes,
Les passions de l’âme, première
partie (1649).
Analyse.
Descartes
analyse un point qu’il présente comme important dans sa physiologie, il s’agit
de la formation des esprits animaux.
Il
commence par poser que des parties définies comme les plus vives et les plus
subtiles du sang qui proviennent de la raréfaction produite dans le cœur
entrent dans le cerveau. Comment se mesure la vivacité ou la subtilité des
parties du sang ? Comment s’établit ce trajet ?
Une
explication apparemment mécanique vient expliquer ce trajet particulier. D’une
part, les parties du sang qui sortent de la grande artère vont tout droit. L’étroitesse
des passages explique seule que les seules parties subtiles y pénètrent. D’où
vient cette subtilité ? La question demeure. Les parties subtiles sont les
esprits animaux.
Dans
le cerveau, les esprits animaux ne changent pas. Autrement dit, il y a là un
organe dont la fonction est purement passive. Les esprits animaux se
distinguent des autres parties non subtiles du sang.
Descartes
précise que les esprits – contrairement à leur nom – sont des corps dont les
propriétés sont donc la vivacité et la subtilité. Ils les comparent aux parties
de la flamme qui sortent du flambeau. De même que le cœur a un feu qui ne brûle
pas, les esprits animaux ont la vivacité et la subtilité des parties de la
flamme sans en avoir les effets. La comparaison vient seulement donner une idée
de ce que sont les esprits animaux ou esprits tout court. Aucune indication n’est
donnée pour permettre d’en constater, ne serait-ce qu’indirectement, l’existence.
Les
esprits animaux ne restent pas dans le cerveau. D’autres les font sortir. De là
ils passent dans les nerfs puis dans les muscles, ce qui permet de mouvoir le
corps. Cette explication mécanique du mouvement est pour l’instant très frustre
et guère de nature à rendre compte de sa direction.
Le
cerveau donc ne joue qu’un rôle de réceptacle. Par lui-même, il n’opère aucun
effet.
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