samedi 28 novembre 2015

Descartes, Les passions de l'âme, analyse de l'article 10

Texte.
Art. 10. Comment les esprits animaux sont produits dans le cerveau.
Mais ce qu’il y a ici de plus considérable, c’est que toutes les plus vives et plus subtiles parties du sang que la chaleur a raréfiées dans le cœur entrent sans cesse en grande quantité dans les cavités du cerveau. Et la raison qui fait qu’elles y vont plutôt qu’en aucun autre lieu, est que tout le sang qui sort du cœur par la grande artère prend son cours en ligne droite vers ce lieu-là, et que, n’y pouvant pas tout entrer, à cause qu’il n’y a que des passages fort étroits, celles de ses parties qui sont les plus agitées et les plus subtiles y passent seules pendant que le reste se répand en tous les autres endroits du corps. Or, ces parties du sang très subtiles composent les esprits animaux. Et elles n’ont besoin à cet effet de recevoir aucun autre changement dans le cerveau, sinon qu’elles y sont séparées des autres parties du sang moins subtiles. Car ce que je nomme ici des esprits ne sont que des corps, et ils (335) n’ont point d’autre propriété sinon que ce sont des corps très petits et qui se meuvent très vite, ainsi que les parties de la flamme qui sort d’un flambeau. En sorte qu’ils ne s’arrêtent en aucun lieu, et qu’à mesure qu’il en entre quelques-uns dans les cavités du cerveau, il en sort aussi quelques autres par les pores qui sont en sa substance, lesquels pores les conduisent dans les nerfs, et de là dans les muscles, au moyen de quoi ils meuvent le corps en toutes les diverses façons qu’il peut être mû.
Descartes, Les passions de l’âme, première partie (1649).

Analyse.
Descartes analyse un point qu’il présente comme important dans sa physiologie, il s’agit de la formation des esprits animaux.
Il commence par poser que des parties définies comme les plus vives et les plus subtiles du sang qui proviennent de la raréfaction produite dans le cœur entrent dans le cerveau. Comment se mesure la vivacité ou la subtilité des parties du sang ? Comment s’établit ce trajet ?
Une explication apparemment mécanique vient expliquer ce trajet particulier. D’une part, les parties du sang qui sortent de la grande artère vont tout droit. L’étroitesse des passages explique seule que les seules parties subtiles y pénètrent. D’où vient cette subtilité ? La question demeure. Les parties subtiles sont les esprits animaux.
Dans le cerveau, les esprits animaux ne changent pas. Autrement dit, il y a là un organe dont la fonction est purement passive. Les esprits animaux se distinguent des autres parties non subtiles du sang.
Descartes précise que les esprits – contrairement à leur nom – sont des corps dont les propriétés sont donc la vivacité et la subtilité. Ils les comparent aux parties de la flamme qui sortent du flambeau. De même que le cœur a un feu qui ne brûle pas, les esprits animaux ont la vivacité et la subtilité des parties de la flamme sans en avoir les effets. La comparaison vient seulement donner une idée de ce que sont les esprits animaux ou esprits tout court. Aucune indication n’est donnée pour permettre d’en constater, ne serait-ce qu’indirectement, l’existence.
Les esprits animaux ne restent pas dans le cerveau. D’autres les font sortir. De là ils passent dans les nerfs puis dans les muscles, ce qui permet de mouvoir le corps. Cette explication mécanique du mouvement est pour l’instant très frustre et guère de nature à rendre compte de sa direction.
Le cerveau donc ne joue qu’un rôle de réceptacle. Par lui-même, il n’opère aucun effet.


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