Texte.
Art.
4. Que la chaleur et le mouvement des
membres procèdent du corps, et les pensées de l’âme.
Ainsi,
à cause que nous ne concevons point que le corps pense en aucune façon, nous avons
raison de croire que toutes sortes de pensées qui sont en nous appartiennent à
l’âme. Et à cause que nous ne doutons point qu’il y ait des corps inanimés qui
se peuvent mouvoir en autant ou plus de diverses façons que les nôtres, et qui
ont autant ou plus de chaleur (ce que l’expérience fait voir en la flamme, qui
seule a beaucoup plus de chaleur et de mouvement qu’aucun de nos membres), nous
devons croire que toute la chaleur et tous les mouvements qui sont en nous, en tant
qu’ils ne dépendent point de la pensée, n’appartiennent qu’au corps. (330)
Descartes,
Les passions de l’âme, première
partie (1649).
Analyse.
De
cet article jusqu’à l’article 16 inclus, Descartes analyse essentiellement les
fonctions du corps.
Le
titre de l’article indique la thèse. Il s’agit de distinguer comme corporels la
chaleur et le mouvement des membres du corps des seules pensées qui
appartiennent à l’âme. Ainsi Descartes rejette l’antique thèse de l’âme comme
principe du mouvement qu’avait développé Platon dans le Phèdre ou la conception de l’âme comme forme du corps du Traité de l’âme.
Pour
attribuer la pensée à l’âme seule, Descartes pose de façon générale qu’on ne
peut concevoir que le corps pense. L’argument est essentiellement tautologique.
Pour
les fonctions du corps, chaleur et mouvement, c’est le fait de les retrouver en
des corps qui sont inanimés qui permet de les attribuer à notre corps et non à
notre âme. D’une part, les mouvements des corps inanimés sont plus divers que
les nôtres. D’autre part, la chaleur comme dans l’exemple de la flamme qu’il
donne peut être plus importante que notre corps. Ce plus ou cette variation des
corps inanimés fait preuve pour l’attribution à notre corps des mouvements.
Ainsi
Descartes propose une distinction radicale entre le corps à qui appartient la
chaleur et les mouvements et l’âme réduite aux seules pensées et débarrassée si
l’on peut dire des fonctions vitales.
Toujours
est-il que Descartes admet que de la chaleur ou des mouvements peuvent provenir
de l’âme.
Ainsi
le problème va être de déterminer ce qui fait qu’une chaleur ou un mouvement a
pour source l’âme ? Comment est-il possible que l’âme qui n’a aucune part
au mouvement puisse en déclencher ?
Là
encore, Spinoza a eu raison d’écrire :
Nul ne sait, en outre, en quelle condition
ou par quels moyens l’Âme meut le Corps, ni combien de degrés de mouvement elle
peut lui imprimer et avec quelle vitesse elle peut le mouvoir. D’où suit que
les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du Corps vient de l’Âme,
qui a un empire sur le Corps, ne savent pas ce qu’ils disent et ne font rien d’autre
qu’avouer en un langage spécieux leur ignorance de la vraie cause d’une action
qui n’excite pas en eux d’étonnement. » (Éthique, III° partie, scolie de la proposition 2, traduction
Charles Appuhn)
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