jeudi 8 novembre 2018

3. Leçon sur la vérité et l'erreur

Introduction.
La vérité se dit essentiellement des propositions même si on l’attribue à des choses, par exemple un vrai Van Gogh. On dit d’une proposition qu’elle est vraie lorsqu’elle exprime ce qui est tel qu’il est. Une chose vraie c’est ce qui est conforme à son apparence.
Pour savoir qu’on est dans l’erreur, il semble nécessaire de connaître la vérité. Ex : c’est parce qu’on sait que la Terre est en mouvement autour du Soleil qu’on sait que notre expérience est fausse. Et il semble nécessaire alors de pouvoir trouver un critère qui nous permette de découvrir si une proposition est vraie ou fausse.
Or, il n’est pas évident qu’on puisse toujours connaître la vérité, voire qu’on puisse affirmer qu’on la connaisse de façon absolue et définitive. D’une part, la raison est limitée et d’autre part l’expérience n’est jamais définitive.
Est-il possible de distinguer la vérité et l’erreur sans connaître la première ?

I. La volonté et l’erreur.
On peut remettre en cause les principes les plus communs du vrai et du faux comme Descartes l’a fait. Premièrement, le témoignage des sens externes (ouïe, vue, odorat, toucher, goût) dans la mesure où il arrive qu’ils nous trompent. Nous voyons le Soleil se déplacer dans l’espace ou la Lune toute petite alors que c’est la Terre qui possède des mouvements et que la Lune est grande. Deuxièmement, des erreurs sont toujours possibles dans le raisonnement et surtout on peut bien raisonner et ne toucher en rien à la réalité. Troisièmement, on peut utiliser l’argument des sceptiques selon lequel il nous semble avoir affaire à la réalité lorsque nous rêvons : qu’est-ce qui nous assure que nous ne sommes pas dans l’illusion lorsque nous sommes éveillés ou nous croyons tels ?
Certes, nous croyons être dans le vrai, mais nous n’en sommes pas certains.
Toutefois, il nous est possible de lever un tel doute. Car, si je doute, je suis. C’est pourquoi Descartes considère que la proposition « je pense donc je suis » (Discours de la méthode) est absolument vraie. Elle est donc le modèle de toute vérité, à savoir ce qui est évident pour la raison et que nous connaissons distinctement.
Or, si le sujet est certain, si ses pensées ou ses sentiments sont certains pour lui, que ses pensées correspondent à un objet n’est pas évident. Est-ce qu’il est possible de savoir si ce que nous pensons correspond à la réalité, ce qui semble être la définition de la vérité ?
II. L’impossible définition de la vérité.
La définition traditionnelle de la vérité est celle de l’accord (ou adéquation ou correspondance) entre la connaissance et son objet. Ex : si je pense qu’il y a du soleil, et qu’il y a du soleil, ma pensée est vraie. Et une telle définition paraît évidente. C’est bien elle qu’on met en œuvre dans la vie quotidienne. Pourquoi donc la remettre en cause ?
Dans sa Logique, Kant objecte à cette définition qu’elle enveloppe un diallèle (= cercle vicieux). En effet, pour pouvoir comparer notre connaissance avec l’objet, on est obligé de rester dans la connaissance. Par exemple, je ne peux pas sortir de ma vue pour savoir s’il y a bien du soleil. Tout ce que je peux dire c’est que je vois qu’il y a du Soleil. Y en a-t-il abstraction faite de moi ? Je ne peux l’affirmer. Autrement dit, il est impossible de comparer notre pensée avec le réel, ce qui suppose qu’on le connaîtrait. On compare notre pensée avec le réel tel que nous le percevons. Et tout le problème est de savoir si ce que nous percevons est bien le réel.
Dès lors, on comprend que les sceptiques aient pu nier toute possibilité de connaître la vérité. Car, si ni des critères de la vérité, ni la définition de la vérité ne permettent de savoir ce qui est vrai ou faux, alors, il semble nécessaire de rejeter toute possibilité de distinguer le vrai du faux.
Toutefois, il y a des erreurs : nous les reconnaissons. Ne faut-il pas alors non pas faire comme les sceptiques, c’est-à-dire renoncer à toute idée de vérité, mais la définir autrement ?

III. La rectification de l’erreur.
Si on ne peut pas découvrir directement la vérité, on peut comme le montrent les sciences, éliminer des erreurs. Par exemple, on a pu éliminer l’erreur selon laquelle la Terre est immobile au centre de l’univers. Une des preuves utilisée par Galilée est celle des phases de Vénus qui ne s’explique que par le mouvement des planètes autour du Soleil (cf. Document : Une preuve de l’héliocentrisme : les phases de Vénus).
En effet, l’erreur se manifeste lorsqu’il y a un désaccord dans notre pensée, c’est la contradiction. Quelqu’un qui affirme une chose et son contraire en même temps sous le même rapport se trompe. C’est ainsi qu’on décèle l’erreur en mathématiques lorsqu’il y a contradiction par rapport aux principes admis.
De même, il y a erreur lorsque l’expérience bien pensée n’est pas conforme à l’hypothèse qu’on veut tester. Il a suffi de savoir que l’alternance du jour et de la nuit n’était pas de 24 h à Nova Zembla pour montrer que cette hypothèse était fausse sous sa forme générale. De même, la découverte de l’Amérique a remis en cause la géographie héritée de l’Antiquité.
On peut alors définir la vérité, une erreur rectifiée avec Bachelard dans Le nouvel esprit scientifique (1934). La vérité n’est donc pas absolue, mais elle est relative à un certain état de la connaissance : elle est toujours provisoire ou hypothétique. Il n’en reste pas moins qu’on ne peut affirmer que tout est vrai. Les erreurs réfutées restent des erreurs. Il y a un mouvement de l’esprit humain, un progrès dont le terme est inconnaissable, mais qui se montre dans la disparition d’hypothèses définitivement enterrées.

Bilan.
On peut donc connaître l’erreur sans connaître la vérité dans un processus de correction de nos pensées : soit par le raisonnement, soit par l’expérience. Ainsi, la vérité pour les hommes est toujours provisoire (abstraction faite de la foi). Par contre, il y a des erreurs définitives.



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