Introduction.
La
vérité se dit essentiellement des propositions même si on l’attribue à des
choses, par exemple un vrai Van Gogh. On dit d’une proposition qu’elle est
vraie lorsqu’elle exprime ce qui est tel qu’il est. Une chose vraie c’est ce
qui est conforme à son apparence.
Pour
savoir qu’on est dans l’erreur, il semble nécessaire de connaître la vérité.
Ex : c’est parce qu’on sait que la Terre est en mouvement autour du Soleil
qu’on sait que notre expérience est fausse. Et il semble nécessaire alors de
pouvoir trouver un critère qui nous permette de découvrir si une proposition
est vraie ou fausse.
Or,
il n’est pas évident qu’on puisse toujours connaître la vérité, voire qu’on
puisse affirmer qu’on la connaisse de façon absolue et définitive. D’une part,
la raison est limitée et d’autre part l’expérience n’est jamais définitive.
Est-il
possible de distinguer la vérité et l’erreur sans connaître la première ?
I.
La volonté et l’erreur.
On
peut remettre en cause les principes les plus communs du vrai et du faux comme
Descartes l’a fait. Premièrement, le témoignage des sens externes (ouïe, vue,
odorat, toucher, goût) dans la mesure où il arrive qu’ils nous trompent. Nous
voyons le Soleil se déplacer dans l’espace ou la Lune toute petite alors que
c’est la Terre qui possède des mouvements et que la Lune est grande. Deuxièmement,
des erreurs sont toujours possibles dans le raisonnement et surtout on peut
bien raisonner et ne toucher en rien à la réalité. Troisièmement, on peut
utiliser l’argument des sceptiques selon lequel il nous semble avoir affaire à
la réalité lorsque nous rêvons : qu’est-ce qui nous assure que nous ne
sommes pas dans l’illusion lorsque nous sommes éveillés ou nous croyons tels ?
Certes,
nous croyons être dans le vrai, mais nous n’en sommes pas certains.
Toutefois,
il nous est possible de lever un tel doute. Car, si je doute, je suis. C’est
pourquoi Descartes considère que la proposition « je pense donc je suis » (Discours
de la méthode) est absolument vraie. Elle est donc le modèle de toute
vérité, à savoir ce qui est évident pour la raison et que nous connaissons
distinctement.
Or,
si le sujet est certain, si ses pensées ou ses sentiments sont certains pour
lui, que ses pensées correspondent à un objet n’est pas évident. Est-ce qu’il
est possible de savoir si ce que nous pensons correspond à la réalité, ce qui
semble être la définition de la vérité ?
II.
L’impossible définition de la vérité.
La
définition traditionnelle de la vérité est celle de l’accord (ou adéquation ou
correspondance) entre la connaissance et son objet. Ex : si je pense qu’il
y a du soleil, et qu’il y a du soleil, ma pensée est vraie. Et une telle
définition paraît évidente. C’est bien elle qu’on met en œuvre dans la vie
quotidienne. Pourquoi donc la remettre en cause ?
Dans
sa Logique, Kant objecte à cette
définition qu’elle enveloppe un diallèle (= cercle vicieux). En effet,
pour pouvoir comparer notre connaissance avec l’objet, on est obligé de rester
dans la connaissance. Par exemple, je ne peux pas sortir de ma vue pour savoir
s’il y a bien du soleil. Tout ce que je peux dire c’est que je vois qu’il y a
du Soleil. Y en a-t-il abstraction faite de moi ? Je ne peux l’affirmer.
Autrement dit, il est impossible de comparer notre pensée avec le réel, ce qui
suppose qu’on le connaîtrait. On compare notre pensée avec le réel tel que nous
le percevons. Et tout le problème est de savoir si ce que nous percevons est
bien le réel.
Dès
lors, on comprend que les sceptiques aient pu nier toute possibilité de
connaître la vérité. Car, si ni des critères de la vérité, ni la définition de
la vérité ne permettent de savoir ce qui est vrai ou faux, alors, il semble
nécessaire de rejeter toute possibilité de distinguer le vrai du faux.
Toutefois,
il y a des erreurs : nous les reconnaissons. Ne faut-il pas alors non pas
faire comme les sceptiques, c’est-à-dire renoncer à toute idée de vérité, mais
la définir autrement ?
III.
La rectification de l’erreur.
Si
on ne peut pas découvrir directement la vérité, on peut comme le montrent les
sciences, éliminer des erreurs. Par exemple, on a pu éliminer l’erreur selon
laquelle la Terre est immobile au centre de l’univers. Une des preuves utilisée
par Galilée est celle des phases de Vénus qui ne s’explique que par le
mouvement des planètes autour du Soleil (cf. Document : Une preuve de
l’héliocentrisme : les phases de Vénus).
En
effet, l’erreur se manifeste lorsqu’il y a un désaccord dans notre pensée,
c’est la contradiction. Quelqu’un qui affirme une chose et son contraire en
même temps sous le même rapport se trompe. C’est ainsi qu’on décèle l’erreur en
mathématiques lorsqu’il y a contradiction par rapport aux principes admis.
De même, il y a erreur lorsque l’expérience bien pensée
n’est pas conforme à l’hypothèse qu’on veut tester. Il a suffi de savoir que
l’alternance du jour et de la nuit n’était pas de 24 h à Nova Zembla pour
montrer que cette hypothèse était fausse sous sa forme générale. De même, la
découverte de l’Amérique a remis en cause la géographie héritée de l’Antiquité.
On
peut alors définir la vérité, une erreur rectifiée avec Bachelard dans Le nouvel esprit scientifique (1934). La
vérité n’est donc pas absolue, mais elle est relative à un certain état de la
connaissance : elle est toujours provisoire ou hypothétique. Il n’en reste
pas moins qu’on ne peut affirmer que tout est vrai. Les erreurs réfutées
restent des erreurs. Il y a un mouvement de l’esprit humain, un progrès dont le
terme est inconnaissable, mais qui se montre dans la disparition d’hypothèses
définitivement enterrées.
Bilan.
On
peut donc connaître l’erreur sans connaître la vérité dans un processus de
correction de nos pensées : soit par le raisonnement, soit par
l’expérience. Ainsi, la vérité pour les hommes est toujours provisoire
(abstraction faite de la foi). Par contre, il y a des erreurs définitives.
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