lundi 19 novembre 2018

corrigé d'une dissertation : Toute croyance est-elle contraire à la raison?

On a vu souvent des hommes croire en des choses pour le moins absurdes qu’on ne peut rejeter si on réfléchit : ce qui amène à se poser la question : toute croyance est-elle contraire à la raison ?
Dans la mesure où une croyance n’est pas réfléchie et s’affirme sans preuve, elle ne peut qu’être contraire à la raison, c’est-à-dire à la faculté de discerner le vrai et le faux en cherchant à justifier ce qu’on tient pour vrai. Aussi toute croyance paraît-elle bien contraire à la raison, c’est-à-dire qu’elle s’oppose à elle.
Cependant, la raison ne peut toujours tout expliquer ou tout prouver de sorte qu’il y a des croyances qui sont susceptibles de ne pas lui être opposées.
On peut donc se demander si toute croyance est contraire à la raison ou bien s’il est possible de déterminer des croyances qui ne lui sont pas contraires.
En elles-mêmes, les croyances contredisent la raison, mais certaines fondent les principes sur lesquels la raison s’appuie, voire une croyance fondamentale en la vérité est nécessaire pour que la raison puisse s’exercer.


Une croyance consiste comme le dit à juste titre Diderot dans son article « Croire » de l’Encyclopédie, à être persuadé d’un fait ou d’une proposition. Or, dans la mesure où la croyance n’est pas précédée d’un examen, elle s’oppose à la raison qui exige de ne rien affirmer sans titre : soit on peut prouver la proposition ou établir le fait, soit on peut montrer que la proposition ou le fait est évident. Si donc on prouve ou on montre que c’est évident, ce n’est plus vraiment une croyance au sens précis du terme : c’est bien plutôt une connaissance. Et si on ne peut prouver, ce qui est conforme à la raison, c’est de s’abstenir de ne rien affirmer.
On comprend qu’Alain ait pu écrire que « Penser est une aventure » (Propos du 29 octobre 1923). C’est que la raison refuse toute croyance. Elle ne sait donc jamais où son cheminement va la conduire. Même les connaissances les mieux établies, elle les remet en cause pour s’assurer de leur valeur. Elle consiste donc en un doute radical. La croyance quant à elle s’appuie sur la force de l’habitude ou de la coutume pour s’enraciner. Toute croyance s’oppose donc à la raison comme la fixité au mouvement.

Toutefois, la raison ne peut toujours douter sinon elle ne peut rien connaître. Il lui faut donc s’appuyer sur certaines vérités qu’elles acceptent d’elles-mêmes, c’est-à-dire des croyances ? Quelles sont donc les croyances qui ne sont pas contraires à la raison ?


Si la raison examinait tout, elle tomberait dans une régression infinie. Dès lors, elle ne pourrait rien démontrer. Elle serait condamnée au scepticisme. Or le scepticisme, c’est-à-dire la philosophie qui prétend que l’homme ne peut rien connaître, ne peut prétendre sans contradiction être vrai. Aussi, la raison ne peut-elle s’opposer à toutes les croyances. Elle doit en admettre certaines pour pouvoir s’exercer. Il s’agit des premiers principes, croyances vraies, indémontrables et qui servent à démontrer ou prouver ce qu’on nommera alors connaissances.
Les croyances fondamentales sont celles qui fondent les sciences comme Pascal le montre dans ses Pensées. En effet, pour pouvoir démontrer ou prouver, le scientifique, mathématicien ou physicien doit admettre des notions de bases. Ce sont aussi celles de la religion que la raison ne peut contredire. En effet, comme la raison ne peut tout démontrer et comme le cœur est la source de la connaissance des premiers principes, la raison ne peut combattre les vérités de la religion qui sont des vérités du cœur. C’est pourquoi Pascal a pu écrire que « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » et définir la foi comme « Dieu sensible au cœur » (Pensées).

Néanmoins, on peut toujours commencer non pas par des croyances, mais par des hypothèses ? Dès lors, toute croyance n’est-elle pas au fond contraire à la raison ou bien faut-il qu’il y ait quelque croyance fondamentale sans laquelle la raison ne pourrait se manifester ?


Croire, c’est admettre qu’on est dans la vérité, c’est avoir une conviction. Or, le scientifique, lorsqu’il recherche la vérité, refuse toute confusion. Il y a bien une opposition entre la raison et toutes les croyances qui pourraient prétendre être la vérité. Si le scientifique les admet, c’est uniquement comme hypothèses, c’est-à-dire comme des propositions qu’on ne tient ni pour vraies ni pour fausses en attente de preuves. Et lorsque la raison ne peut prouver, l’hypothèse demeure. Ainsi, la raison admet des hypothèses mais non des croyances. Même lorsqu’il s’agit d’agir, il en va de même. Le doute qui accompagne l’hypothèse ne paralyse pas l’action, car comment comprendre que les hommes puissent faire la guerre, là où l’incertitude règne en maîtresse ?
Il n’en reste pas moins vrai que la recherche de la vérité présuppose qu’on croit en la nécessité de la vérité comme Nietzsche le montre dans Le Gai Savoir(n°344). En effet, puisqu’il cherche la vérité, le savant ou le philosophe ne la connaît pas. Il croit donc qu’il faut la chercher. Il y a là une véritable foi. Comme la raison se pense comme la faculté qui permet de distinguer le vrai du faux, il faut bien qu’elle croit en elle pour pouvoir s’exercer. Cette croyance en la raison, c’est la croyance en la capacité de découvrir le vrai qui précède sa recherche.


En un mot, le problème était de savoir si toute croyance est contraire à la raison ou bien s’il est possible de déterminer des croyances qui ne lui sont pas contraires. Il apparaît que la raison dans la mesure où elle veut tout remettre en cause ne peut que s’opposer à toutes les croyances. Mais elle ne peut tout remettre en cause. Elle ne peut non plus admettre de multiples premiers principes. Par contre, il y a bien une croyance qui lui est inhérente : c’est la croyance en la nécessité du vrai sans laquelle elle ne chercherait pas.

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