samedi 25 juin 2016

Schopenhauer - Contre l'orgueil national

Cependant l’orgueil au meilleur marché, c’est l’orgueil national. Il trahit chez celui qui en est atteint l’absence de qualités individuelles dont il puisse être fier, car, sans cela, il n’aurait pas recours à celles qu’il partage avec tant de millions d’individus. Quiconque possède des mérites personnels distingués reconnaîtra, au contraire, plus clairement les défauts de sa propre nation, puisqu’il l’a toujours présente à la vue. Mais tout piteux imbécile, qui n’a rien au monde dont il puisse s’enorgueillir, se rejette sur cette dernière ressource, d’être fier de la nation à laquelle il se trouve appartenir par hasard ; c’est là-dessus qu’il se rattrape, et, dans sa gratitude, il est prêt à défendre πυξ και λαξ (du poing et du pied) tous les défauts et toutes les sottises propres à cette nation.

Schopenhauer, Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Chapitre IV De ce que l’on représente, I. —De l’opinion d’autrui (1851).

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