Mais je ne veux dire qu’une des vésanies
de mes rêveries de mots : pour chaque mot masculin je rêve un féminin bien
associé, maritalement associé. J’aime à rêver deux fois les beaux mots de la
langue française. Bien entendu, une simple désinence grammaticale ne me suffit
pas. Elle donnerait à croire que le féminin est un genre subalterne. Je ne
suis heureux qu’après avoir trouvé un féminin quasi à sa racine, dans l’extrême
profondeur, autant dire dans la profondeur du féminin.
Le genre des mots, quelle
bifurcation. Mais est-on jamais sûr de bien faire le partage ? Quelle expérience
ou quelle lumière a guidé les premiers choix ? Le vocabulaire,
semble-t-il, est partial, il privilégie le masculin en traitant bien souvent le
féminin comme un genre dérivé, subalterne.
Rouvrir, dans les mots eux-mêmes,
des profondeurs féminines, voilà donc un de mes songes sur les vertus
linguistiques.
Bachelard, Poétique de la rêverie (1960), Paris, P.U.F., 1968, introduction, p.16-17.
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