mercredi 23 novembre 2016

Corrigé d'une dissertation : D'où vient la force des préjugés?

Certains continuent à croire que les femmes qui ont leurs règles font rater la mayonnaise tant paraissent puissants les préjugés. D’où vient donc leur force ?
La force des préjugés paraît être la force de l’ignorance. En effet, qui sait par définition ne préjuge pas.
Pourtant, on continue à préjuger malgré les progrès de la connaissance et l’augmentation des moyens de communication, ce qui donne à penser que la force des préjugés n’est peut-être pas seulement dans l’ignorance.
Ainsi, on peut se demander quelle est la provenance de la force de préjugés.
Tient-elle à leur ancienneté, aux défauts moraux des hommes ou bien à l’exigence même de chercher la vérité ?


Les hommes ne peuvent pas réfléchir sans base. Aussi sont-ils nécessairement amenés à préjuger. Déjà les enfants se voient inculquer des préjugés pour qu’ils agissent bien en attendant qu’ils puissent réfléchir. Dans toutes les sociétés, on leur apprend ce qui est bien et mal. L’adulte répète donc souvent ce qu’on lui a appris. L’ancienneté fait la force du préjugé.
On peut alors avec Taine (1823-1890) dans Les origines de la France contemporaine (1875-1893) dire que le préjugé provient d’une longue expérience qui est une sorte de raison inconsciente d’elle-même. Il permet de vivre dans une société donnée. Sans lui, l’homme ne serait qu’un animal. C’est pour cela que le préjugé a une telle force.
Cependant, quelle que soit l’ancienneté d’une expérience, une expérience opposée est susceptible de remettre en cause un préjugé. Par conséquent, sa force n’est pas seulement dans la tradition comme le prouvent les révolutions politiques ou intellectuelles. Dès lors, la force des préjugés ne provient-elles pas des défauts moraux des hommes ?

On peut penser que comme le préjugé consiste à juger avant d’avoir examiné, c’est-à-dire sans savoir, il apparaît comme un effet de la paresse. Telle une des causes des préjugés selon Kant dans son article Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? Le philosophe explique que c’est l’absence de courage qui conduit des hommes, majeurs d’un point de vue naturel, à ne pas penser par eux-mêmes et à s’en remettre à d’autres qu’ils paient à cet effet.
De même, préjuger implique de ne pas penser par soi-même par peur, c’est-à-dire par lâcheté. On peut donc avec Kant considérer que la force des préjugés tient à une éducation qui brime la volonté de penser par soi-même. Ils nomment tuteurs ceux qui ont intérêt à traiter les autres hommes comme du bétail et à qui ils inculquent des préjugés pour pouvoir exercer sur eux un pouvoir despotique.
Or, s’il suffisait de penser par soi-même pour écarter tous les préjugés, le développement de la recherche scientifique, la liberté de penser dans de nombreux pays, l’augmentation des moyens de communication auraient dû faire disparaître la plupart des préjugés. Ne doit-on pas alors penser que la force des préjugés provient, paradoxalement, de l’exigence même de la recherche de la vérité ?

En effet, comme Alain dans son ouvrage Définitions (1953 posthume) le souligne, la vérité implique un serment à soi, à savoir celui de la conserver. En effet, la vérité est une et toujours la même. Par conséquent, qui pense détenir une vérité ne peut vouloir s’en dessaisir. Et si cette vérité, il l’a reçue, il considérera qu’il est coupable de s’en dessaisir au profit d’une autre, voire simplement du doute. Le préjugé, c’est ce qu’on juge avant de savoir, mais c’est surtout, ce qu’on tient pour vrai. La force du préjugé vient donc d’une idée vraie concernant la vérité elle-même.
Certes, celui qui préjuge est ignorant. Certes, le préjugé est bien souvent ancien. Mais justement, comme la vérité ne peut qu’être antérieure à son énoncé, le préjugé acquiert ainsi sur la base d’une idée juste mais mal appliquée une force supplémentaire. Car, comme il a toujours été répété, comme nombreux sont ceux qui le répètent, il paraît être la vérité même. Et cette apparence lui donne sa force.



Disons donc pour finir que le problème était de déterminer ce qui faisait la force des préjugés, c’est-à-dire ce qui faisait qu’ils demeuraient malgré la preuve de leur fausseté ou tout au moins de leur manque de fondement. Il est apparu que leur ancienneté fait leur force, mais aussi la paresse et la lâcheté de la plupart des hommes qui n’osent pas penser. Mais en fait les préjugés trouvent l’essentiel de leur force qui renforce les autres raisons dans l’exigence juste que la vérité doit être conservée.

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