dimanche 13 novembre 2016

Descartes, Les passions de l'âme, art. 15 analyse

Texte.
Art. 15. Quelles sont les causes de leur diversité.
Et cette inégalité peut procéder des diverses matières dont ils sont composés, comme on voit en ceux qui ont bu beaucoup de vin que les vapeurs de ce vin, entrant promptement dans le sang, montent du cœur au cerveau, où elles se convertissent en esprits qui, étant plus forts et plus abondants que ceux qui y sont d’ordinaire, sont capables de mouvoir le corps en plusieurs étranges façons. Cette inégalité des esprits peut aussi procéder des diverses dispositions du cœur, du foie, de l’estomac, de la rate et de toutes les autres parties qui contribuent à leur production. Car il faut principalement ici remarquer certains petits nerfs insérés dans la base du cœur qui servent à élargir et étrécir les entrées de ces concavités, au moyen de quoi le sang, s’y dilatant plus ou moins fort, produit des esprits diversement disposés. Il faut aussi remarquer que, bien que le sang qui entre dans le cœur y vienne de tous les autres endroits du corps, il arrive souvent néanmoins qu’il y est davantage poussé de quelques parties que des autres, à cause que les nerfs et les muscles qui répondent à ces parties-là le pressent ou l’agitent davantage, et que, selon la diversité des parties desquelles il vient le plus, il se dilate diversement dans le cœur, et ensuite produit des esprits qui ont des qualités différentes. Ainsi, par exemple, celui qui vient de la partie inférieure du foie, où est le fiel, (341) se dilate d’autre façon dans le cœur que celui qui vient de la rate, et celui-ci autrement que celui qui vient des veines des bras ou des jambes, et enfin celui-ci tout autrement que le suc des viandes, lorsque, étant nouvellement sorti de l’estomac et des boyaux, il passe promptement par le foie jusques au cœur.
Descartes, Les passions de l’âme, première partie (1649).

Analyse.
Descartes se propose de rendre compte de la diversité des esprits.
L’explication est l’origine des esprits, c’est-à-dire les matières à partir desquelles ils se forment. Pour le montrer, Descartes propose une explication qui s’appuie sur le phénomène de l’ivresse. Les esprits appartenant à l’alcool produisent des effets dans le cerveau par le passage des vapeurs d’alcool dans le sang qui produit les esprits. C’est leur force et leur abondance qui conduit aux mouvements aberrants du sujet. Descartes ajoute que différents organes « cœur », « foie », « estomac », « rate », etc. qui fabriquent les esprits leur donnent leur diversité.
Il explique qu’il y a des nerfs près du cœur dont le rôle est d’augmenter ou diminuer les cavités du cœur, ce qui produit une plus ou moins importante dilatation du sang. De cette dernière proviennent des esprits constitués de diverses façons.
Enfin, il donne une dernière explication purement quantitative, à savoir la diversité plus grande de provenance du sang des parties du corps. De là découle in fine des esprits de qualités différentes. Il illustre cela en donnant quatre exemples dont il affirme seulement qu’il diffère les uns des autres. Ces quatre exemples reprennent partiellement les organes mentionnés précédemment : ce sont celui du sang qui vient de la partie inférieure du foie qui contient le fiel, le second est celui qui vient de la rate, le troisième est celui qui vient des veines des bras et des jambes et enfin le dernier est celui du sang qui provient du suc des viandes qui sort de l’estomac et des boyaux et qui passe par le foie pour arriver au cœur.
On ne peut qu’être frappé par l’absence de précision ni sur les effets des différences quantitatives, ni sur les différences qualitatives, c’est-à-dire que Descartes, abstraction faite des effets dus l’alcool – qu’il ne décrit d’ailleurs pas rigoureusement – n’indique nullement en quoi les esprits provenant de telle ou telle partie en plus grand nombre déterminent tel ou tel mouvement.


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