lundi 2 octobre 2023

corrigé: La technique fait-elle violence à la nature?

 Pour retrouver et prouver la présence de l’homme sur terre, on cherche toujours des outils ou des traces de leur utilisation. Autrement dit la technique apparaît comme une dimension essentielle de l’existence humaine. Or, elle conduit l’homme à modifier ce qui existe de soi-même hors de lui ou en lui, à savoir la nature. Cette modification semble faire violence à la nature en ce sens qu’elle est soumise à la volonté arbitraire de l’homme. On peut penser à l’élevage industriel qui soumet les animaux à des conditions de vie atroces pour améliorer le rendement.

Pourtant la violence, c’est-à-dire l’usage abusif de la force ne semble possible que pour l’homme en tant qu’acteur et sujet car elle paraît consister en un usage abusif qui s’exerce par un sujet doué de volonté contre une autre volonté.

Y a-t-il donc un sens à dire que la technique fait violence à la nature ?

On examinera d’abord la question du point de vue de la technique des sociétés traditionnelles, puis du point de vue de la technique moderne avant d’envisager la possibilité d’une technique moderne soucieuse de la nature.

 

Première partie :la technique traditionnelle ne peut faire violence à la nature.

La technique traditionnelle qui consiste à fabriquer des outils en vue d’obtenir des objets utiles à la vie appartient si ce n’est à la nature de l’homme, au moins à la condition humaine en tant que l’homme ne peut pas ne pas travailler. Dès l’origine, les homo habilis fabriquent des galets aménagés dont le tranchant leur permettait des opérations diverses, peut-être racler les os des animaux morts. Les homo suivants, ergaster, erectus, jusqu’à sapiens, améliorent et augmentent la palette d’outils. Cette technique traditionnelle peut donner l’impression d’attaquer la nature comme le montre le célèbre chœur de l’Antigone (442 av. J.-C.) de Sophocle (495-406 av. J.-C.) qui énumère les techniques par lesquels l’homme, cette merveille, réalise ses fins, mais la nature demeure.

La technique traditionnelle aménage la nature comme le paysage italien le montre (cf. Hannah Arendt « La crise de la culture II » in La crise de la culture). Même conçu comme violence, elle n’entame pas la permanence de la nature. Elle est un mode de vérité (cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, chapitre 3). Elle est par rapport à la nature une imitation ou un parachèvement (Physique, II, chapitre 8). Le médecin qui soigne parachève la nature.

Certes, il faut couper des arbres pour faire des bateaux, mais la nature permet bientôt que d’autres repoussent. La technique aménage le monde pour que l’homme puisse y vivre et la nature demeure hors du monde humain.

 

Toutefois, cette technique traditionnelle n’est pas le tout de la technique. D’elle a émergée la technique moderne appliquée à l’industrie, comme la vapeur qui ne servait dans l’antiquité que pour faire marcher un jouet et qui a dans les temps modernes servit à améliorer l’exploitation des mines. Cette technique moderne n’est-elle pas susceptible de faire violence à la nature ?

 

 

La technique moderne dévoile aussi la nature comme stock d’énergie à accumuler et à utiliser selon l’analyse de Heidegger dans La question de la technique (1954) in Essais et Conférences (1958). Ainsi, elle lui fait ainsi violence en l’empêchant de se reconstituer ou en la laissant agir simplement. Ainsi la centrale hydraulique somme le Rhin de lui fournir une énergie qui se transforme en électricité là où le vieux moulin à vent laisse se dernier faire tourner son mécanisme. Ainsi la technique moderne constitue tout en stock à exploiter, y compris les hommes.

Elle ne laisse pas la nature retrouver un équilibre, elle l’épuise. Comme le montre Germinal de Zola, elle épuise aussi les hommes. Elle vise sa domination selon le programme défini par Descartes dans la sixième partie du Discours de la méthode (1637). Or, chercher à dominer c’est cela la violence et l’absence de volonté de la nature ne supprime pas la violence, notamment les vivants dont la vie est diminuée, blessée, détruite.

La technique moderne est l’essence de la science moderne en tant qu’elle repose sur l’idée que la nature peut être manipulée de sorte à en extraire la vérité. La science moderne pose que la nature obéit à des lois d’essence mathématique depuis Galilée et Descartes et les met en lumière par l’expérimentation qui est déjà technique. En biologie, les animaux, parfois les humains subissent les expérimentations qui reposent sur cette idée moderne de nature comme phénomènes régis par des lois que l’entendement humain impose à la nature (cf. Kant [1724-1804], Critique de la raison pure, 1781,1787)

Néanmoins, si la technique moderne fait violence à la nature, elle en dévoile aussi des aspects dans son association avec la science moderne, ne peut-elle pas alors s’inscrire dans un certain souci de la nature ?

 

 

L’usage de la technique contre la nature en montre aussi la fragilité. Il peut ne pas  être trop tard comme le montrer l’île de Pâques ou la déforestation a été néfaste pour les hommes, mais où une reforestation a commencé avec 2000 arbres sur les 240000 prévus.

La technique permet donc de comprendre l’absurdité de son usage démesuré. Dès lors, la connaissance qu’elle permet suggère un autre usage. Or, il ne dépend pa simplement de la volonté des individus.

Il faut donc, comme le montre Michel Serres (1930-2019) un nouveau contrat, un Contrat naturel (1990) par lequel on rompt avec l’exclusion de la nature du contrat qui ouvre à sa domination violente. Il faut donner autant qu’on reçoit à la nature comme il l’explique déjà dan sa conférence de 1989, Philosophie et climat, ce qui rompt avec la domination et la violence. En effet, la domination et la violence exercer contre la nature réside dans le fait de la considérer comme un objet et non comme un sujet, donc de prendre ce qu’elle offre en accumulant les objets indéfiniment.

 

Disons pour finir que le problème était de savoir s’il y a un sens à penser que la technique fait violence à la nature. La technique traditionnelle, aménageant la nature pour l’existence humaine, la laisse être de sorte que ce n’est pas toute technique qui fait violence à la nature mais seulement la technique moderne qui fait la science moderne qui pense la nature comme stock d’énergie à accumuler, ce qui conduit à saisir les limites du stock. Dès lors, sur la base d’un nouveau contrat naturel qui la considère comme un sujet, il est possible à la technique moderne aussi de ne pas faire violence à la nature.

 

 

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