Comme beaucoup de problèmes psychologiques, les recherches sur l’imagination sont troublées par la fausse lumière de l’étymologie. On veut toujours que l'imagination soit la faculté de formerdes images. Or elle est plutôt la faculté de déformerles images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changerles images. S’il n’y a pas changement d'images, union inattendue des images, il n’y a pas imagination, il n’y a pas d’action imaginante. Si une image présentene fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle ne détermine pas une prodigalité d’images aberrantes, une explosion d’images, il n’y a pas imagination. Il y a perception, souvenir d'une perception, mémoire familière, habitude des couleurs et des formes. Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréoleimaginaire. Grâce à l’imaginaire, l’imagination est essentiellement ouverte, évasive. Elle est dans le psychisme humain l’expérience même de l’ouverture, l’expérience même de la nouveauté. Plus que toute autre puissance, elle spécifie le psychisme humain. Comme le proclame Blake : « L’imagination n’est pas [8] un état, c’est l'existence humaine elle-même (1). »
Gaston Bachelard, L’air et les songes. Essai sur l’imagination du mouvement(1943), Vrin, 1990, p.7-8.
(1) William Blake, Second livre prophétique, trad. Berger, p. 143.
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