mercredi 11 novembre 2015

Descartes, Les passions de l'âme - analyse de l'article 5.

Texte.
Art. 5. Que c’est erreur de croire que l’âme donne le mouvement et la chaleur au corps.
Au moyen de quoi nous éviterons une erreur très considérable en laquelle plusieurs sont tombés, en sorte que j’estime qu’elle est la première cause qui a empêché qu’on n’ait pu bien expliquer jusques ici les passions et les autres choses qui appartiennent à l’âme. Elle consiste en ce que, voyant que tous les corps morts sont privés de chaleur et ensuite de mouvement, on s’est imaginé que c’était l’absence de l’âme qui faisait cesser ces mouvements et cette chaleur. Et ainsi on a cru sans raison que notre chaleur naturelle et tous les mouvements de nos corps dépendent de l’âme, au lieu qu’on devait penser au contraire que l’âme ne s’absente, lorsqu’on meurt, qu’à cause que cette chaleur cesse, et que les organes qui servent à mouvoir le corps se corrompent.
Descartes, Les passions de l’âme, première partie (1649).

Analyse.
Après avoir séparé la chaleur et le mouvement comme fonctions du corps des seules pensées comme fonctions de l’âme – la suite (art.17 et sq.) montrera une division des pensées entre volontés et pensées ou actions et passions – Descartes analyse l’erreur qui consiste à attribuer le mouvement et la chaleur à l’âme.
L’importance de cette erreur est qu’elle empêche une connaissance des passions de l’âme. Descartes ne précise pas ici en quoi l’erreur pose problème. On peut néanmoins rapidement esquisser une solution. Si les passions de l’âme proviennent de mouvements du corps, alors ce n’est pas en l’âme que se trouvent leurs sources. S’éliminent ainsi la culpabilité, voire une explication physiologique de ces passions que sont le remords et le repentir devient possible. Alain, dans ses Propos sur le bonheur (VI Des passions, propos du 9 mai 1911), montre l’importance de cette analyse de Descartes pour se débarrasser du mécanisme de culpabilisation et de la torture mentale que constituent les passions. En outre, la maîtrise des passions ne pourra qu’être indirecte. Autrement dit, la morale repose bien sur une connaissance physique comme l’image de l’arbre de la philosophie l’avait indiqué (cf. Descartes, Lettre-préface aux Principes de la philosophie).
La source de l’erreur, c’est la mauvaise analyse du cadavre. On trouve en effet dans Les parties des animaux d’Aristote une analyse voisine de l’erreur qu’expose Descartes qui consiste à mettre en lumière que l’âme est une forme en un sens non matériel, contrairement à ce que soutenait Démocrite. En effet, le cadavre n’ayant ni chaleur, ni mouvement, on attribue leurs présences à l’âme.
Descartes renverse la relation entre la chaleur, le mouvement et l’âme. C’est la cessation de la chaleur et du mouvement qui fait le départ de l’âme. La mort n’est donc pas un événement métaphysique, mais un fait physique.




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