dimanche 22 novembre 2015

Descartes, Les passions de l'âme, analyse de l'article 9

Texte.
Art. 9. Comment se fait le mouvement du cœur.
Son premier effet est qu’il dilate le sang dont les cavités du cœur sont remplies ; ce qui est cause que ce sang, ayant besoin d’occuper un plus grand lieu, passe avec impétuosité de la cavité droite dans la veine artérieuse, et de la gauche dans la grande artère ; puis, cette dilatation cessant, il entre incontinent de nouveau sang de la veine cave en la cavité droite du cœur, et de l’artère veineuse en la gauche. Car il y a de petites peaux aux entrées de ces quatre vaisseaux, tellement disposées qu’elles font que le sang ne peut entrer dans le cœur (334) que par les deux derniers ni en sortir que par les deux autres. Le nouveau sang entré dans le cœur y est incontinent après raréfié en même façon que le précédent. Et c’est en cela seul que consiste le pouls ou battement du cœur et des artères ; en sorte que ce battement se réitère autant de fois qu’il entre de nouveau sang dans le cœur. C’est aussi cela seul qui donne au sang son mouvement, et fait qu’il coule sans cesse très vite en toutes les artères et les veines, au moyen de quoi il porte la chaleur qu’il acquiert dans le cœur à toutes les autres parties du corps, et il leur sert de nourriture.
Descartes, Les passions de l’âme, première partie (1649).

Analyse.

Descartes assigne comme premier effet de son feu cardiaque une dilatation du sang situé dans les cavités du cœur qui exige alors qu’il a besoin de plus de place. Il explique ainsi le mouvement de la cavité droite dans la veine artérieuse et de la cavité gauche dans la grande artère. Pourquoi tout le sang sort et non la partie surnuméraire, le feu cardiaque ne l’explique pas. À l’inverse, la dilatation cesse et le sang emplit à nouveau les cavités. On ne voit pas trop pourquoi la dilatation cesse. De petites peaux expliquent l’entrée du sang. Mais Descartes n’explique nullement l’alternance des mouvements. Il prétend ainsi rendre compte des battements du pouls par cette entrée et cette dilatation.
Enfin Descartes prétend ainsi expliquer le mouvement du sang qui apporte au corps sa chaleur et ses nutriments.
On a pu remarquer que pour Descartes c’est la dilatation qui explique l’éjection du sang et la contraction le mouvement inverse, ce qui est contraire à l’explication de la circulation du sang qui était celle de Harvey. On a pu avancer que c’est pour des raisons purement philosophiques, par mécanisme stricte que Descartes élimine la vertu de pulsion qu’Harvey attribuait au cœur en le considérant comme un muscle, cette vertu étant pour Harvey un moyen de rendre compte du mouvement.
Il n’en reste pas moins que l’hypothèse d’un feu qui ne brûle pas comme cause du mouvement ne paraît pas une explication mécanique. Abstraction faite d’une psychanalyse de l’esprit de Descartes à la façon de Gaston Bachelard qui resterait à faire (cf. Bachelard, La psychanalyse du feu, 1938), l’explication cartésienne est une explication ad hoc sans aucune tentative de vérification expérimentale. Que son feu cardiaque transporte la chaleur au corps montre qu’il lui attribue des effets trop nombreux pour que l’explication soit précise.


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