dimanche 23 août 2015

Leçon : La loi suffit-elle à définir la justice ?

On entend souvent qu’être juste, c’est obéir à la loi. Pourtant, non seulement cela peut être injuste si la loi n’est pas juste mais aussi si cela permet d’agir pour son intérêt au dépend d’autrui. Dès lors, y a-t-il des conditions qui permettent que la loi suffise à définir la justice ?

I. La justice comme ordre légal.
La diversité des sociétés plaide en faveur d’une définition légaliste de la justice. En effet, les lois instituées dans une société répartissent ce qui appartient à chacun. La justice est donc de rendre à chacun le sien selon la loi. Désobéir est injuste. Il n’est donc pas injuste d’agir dans le silence de la loi. La loi suffit donc à définir la justice car elle est comme la règle d’un jeu (cf. Hobbes, Léviathan, 1651, chapitre 30).
S’il fallait définir une justice au-delà des lois telles qu’elles existent dans les sociétés, ne faudrait-il pas une loi pour montrer que celle-ci est juste et ainsi de suite à l’infini ? Aussi, des lois qu’on dit injustes, il faudrait plutôt dire qu’elles sont mauvaises, c’est-à-dire ne remplissent pas la fonction de la loi qui est de permettre la vie en société la meilleure.
Toutefois, on trouve des sociétés qui fonctionnent mais où la vie en société est mauvaise pour nombre d’hommes. La loi paraît ne pas suffire à moins qu’on la redéfinisse.

II. L’égalité.
En effet, toute règle n’est pas une loi. Pour qu’il y ait loi, il faut deux conditions selon Rousseau dans Du contrat social (1762, II, chapitre 6). Il faut que la règle provienne de tout le peuple et soit valable pour tout le peuple. Autrement dit, l’égalité dans la législation et l’application définit la loi véritable. À cette condition, la loi ne peut pas être injuste.
En effet, lorsqu’un peuple légifère pour lui-même, il ne peut le faire à son détriment comme lorsqu’un groupe d’homme (oligarchie ou aristocratie) ou un seul (monarchie ou tyrannie) légifère pour les autres. La distribution des biens et des droits est voulue par tous. Et s’il faut que la loi s’applique à tous, c’est pour empêcher la tyrannie de la majorité sur la minorité comme la nommait Tocqueville dans De la démocratie en Amérique. Ainsi en allait-il des lois de ségrégation raciale aux États-Unis jusque dans les années 1960.
Néanmoins, la stricte application de la loi peut empêcher que chacun conserve ce qui lui appartient. Comment, sans passer par la loi, pourrait-on être juste ?

III. La jurisprudence.
Il faut convenir que la loi instituée n’est pas suffisante dans la mesure où elle ne peut prévoir tout ce qui est possible. La loi est générale disait à juste titre Aristote dans l’Éthique à Nicomaque (IV° av. J.-C., l. V, ch. 14) ; elle ne prend en compte que ce qui arrive le plus souvent. Dès lors, lorsque le cas particulier échappe à la loi ou bien lorsque sa réalisation est contraire à son intention, il n’est pas juste de s’en tenir à elle. On peut appeler jurisprudence les interprétations et les décisions prises dans le silence de la loi.
Ce qui permet d’éviter alors l’arbitraire, c’est que l’interprétation et la décision doivent se faire dans l’esprit de la législation. Autrement dit, il faut prendre en compte la fin recherchée par la loi pour juger en dehors d’elle voire contre elle mais pour mieux réaliser la fin qu’elle visait.


La loi est une règle du jeu sociale. Pour qu’elle permette la réalisation de la justice, c’est-à-dire que chacun ait les biens et les droits auxquels il peut légitimement prétendre dans la société, il faut qu’elle soit voulue par tous et valable pour tous. Même ainsi, elle ne suffit pas pour réaliser la justice, il faut aussi que l’esprit vienne la vivifier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire