mercredi 4 mars 2015

La guerre - citations

La guerre (Polemos), est le père de toutes choses, de toutes le roi ; et les uns, elle les porte à la lumière comme dieux ; les autres, comme hommes ; les uns elle les fait esclaves, les autres, libres.
Héraclite (535-475 av. J.-C.), Fragments, fragment 53. Paris, PUF, 1998. 1ère édition 1986.

La guerre est affaire d’importance vitale pour l’État ; la province de la vie et de la mort ; la voie qui mène à la survie ou à l’anéantissement.
Sun Tzu, L’art de la guerre (VI° siècle av. J.-C. ?)

Le devoir d’un sage est assurément d’éviter la guerre.
Cassandre, in Euripide (480-406 av. J.-C.), Troyennes (415 av. J.-C.), v.400.

Mais la guerre, en faisant disparaître la facilité de la vie quotidienne, enseigne la violence et met les passions de la multitude en accord avec la brutalité des faits.
Thucydide (460-395 ? av. J.-C.), Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 82, traduction Jean Voilquin, Garnier frères, 1966, p.223.

Brigandage, capture d’esclaves, tyrannie et guerre en général, nous ferons de tout cela une seule espèce, qui sera la chasse violente.
Platon (~428-~347 av. J.-C.), Le Sophiste, 222c.

Quant au temps dont tu me parles, où tout naissait de soi-même pour l’usage des hommes, il n’appartient pas du tout au cours actuel du monde, mais bien, comme le reste, à celui qui a précédé. Car, en ce temps-là, le dieu commandait et surveillait le mouvement de l’ensemble, et toutes les parties du monde étaient divisées par régions, que les dieux gouvernaient de même. Les animaux aussi avaient été répartis en genres et en troupeaux sous la conduite de démons, sorte de pasteurs divins, dont chacun pourvoyait par lui même à tous les besoins de ses propres ouailles ; si bien qu’il n’y en avait point de sauvages, qu’elles ne se mangeaient pas entre elles et qu’il n’y avait parmi elles ni guerre ni querelle d’aucune sorte ; enfin tous les biens qui naissaient d’un tel état de choses seraient infinis à redire. Mais, pour en revenir à ce qu’on raconte de la vie des hommes, pour qui tout naissait de soi-même, elle s’explique comme je vais dire. C’est Dieu lui-même qui veillait sur eux et les faisait paître, de même qu’aujourd’hui les hommes, race différente et plus divine, paissent d’autres races inférieures à eux. Sous sa gouverne, il n’y avait ni Etats ni possession de femmes et d’enfants ; car c’est du sein de la terre que tous remontaient à la vie, sans garder aucun souvenir de leur passé. Ils ne connaissaient donc aucune de ces institutions ; en revanche, ils avaient à profusion des fruits que leur donnaient les arbres et beaucoup d’autres plantes, fruits qui poussaient sans culture et que la terre produisait d’elle-même. Ils vivaient la plupart du temps en plein air sans habit et sans lit ; car les saisons étaient si bien tempérées qu’ils n’en souffraient aucune incommodité et ils trouvaient des lits moelleux dans l’épais gazon qui sortait de la terre. Telle était, Socrate, la vie des hommes sous Cronos. Quant à celle d’aujourd’hui, à laquelle on dit que Zeus préside, tu la connais par expérience. Maintenant, serais-tu capable de décider laquelle des deux est la plus heureuse, et voudrais-tu le dire ?
Platon (~428-~347 av. J.-C.), Le politique, 271c-272b.


L’étranger. – Mais à cet art si savant et si important qu’est l’art de la guerre en son ensemble, quel autre art nous aviserons-nous de lui donner pour maître, sinon le véritable art politique ?
Socrate le jeune. – Nous ne lui en donnerons pas d’autre.
L’étranger. – Nous n’admettrons donc pas que la science des généraux soit la science politique, puisqu’elle est à son service ?
Socrate le jeune. – II n’y a pas d’apparence.
Platon (~428-~347 av. J.-C.), Le politique, 305a.


10 Quand tu marcheras sur une ville pour l’attaquer, tu l’inviteras d’abord à la paix. 11 Alors, si elle te répond dans le sens de la paix et t’ouvre ses portes, tout ce qu’elle renferme d’habitants te devront tribut et te serviront. 12 Mais si elle ne compose pas avec toi et veut te faire la guerre, tu assiégeras cette ville. 13 Et l’Éternel, ton Dieu, la livrera en ton pouvoir, et tu feras périr tous ses habitants mâles par le tranchant de l’épée. 14 II n’y aura que les femmes, les enfants, le bétail, et tout ce qui se trouvera dans la ville en fait de butin, que tu pourras capturer; et tu profiteras de la dépouille de tes ennemis, que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livrée. 15 Ainsi procéderas-tu pour toutes les villes situées très loin de chez toi, qui ne font point partie des villes de ces nations ; 16 mais dans les villes de ces peuples que l’Éternel, ton Dieu, te donne comme héritage, tu ne laisseras pas subsister une âme. 17 Car tu dois les vouer à l’extermination, le Héthéen et l’Amorréen, le Cananéen et le Phérézéen, le Hévéen et le Jébuséen, comme te l’a commandé l’Éternel, ton Dieu, 18 afin qu’ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les abominations commises par eux en l’honneur de leurs dieux, et à devenir coupables envers l’Éternel, votre Dieu.
La Bible, Ancien testament, Deutéronome, Chapitre XX

Une guerre n’est juste que si on la fait après avoir revendiqué son droit, ou si elle est annoncée d’avance ou déclarée.
Cicéron (106-43 av. J.-C.), Traité des devoirs (~44 av. J.-C.), I, XI, 36.

Tous ceux qui tireront le glaive périront par le glaive.
La Bible, Nouveau testament, Évangile selon Matthieu, XXVI, 52.

Le désir de nuire, la cruauté de la vengeance, les transports d’une animosité implacable, la fureur de la révolte, la passion de dominer, et autres choses semblables, voilà ce qu’on blâme avec raison dans les guerres. »
Augustin (354-430), Contra Faustum (398-404), 22-74.

Si ces préceptes de Jésus-Christ s’observaient sur la terre dans la République chrétienne, la guerre même ne se ferait pas sans bienveillance, mais seulement pour procurer plus facilement aux vaincus la participation de la piété et à la justice.
Augustin (354-430), Lettre 138 à Marcellinus (412).

Sont dites justes les guerres qui punissent des injustices ; ainsi doit être combattu un peuple ou un État qui aurait négligé de punir un méfait commis par les siens ou de restituer ce qui a été injustement ravi.
Augustin (354-430), Questions sur l’Heptateuque (Quaestiones In Heptateuchum) (419-420), IV, 10.

Même la guerre causée par la cupidité humaine ne peut nuire en rien, on seulement au Dieu incorruptible, mais même à ses saints. Au contraire, on constate qu’elle leur est plutôt utile, pour exercer leur patience, pour humilier leur âme, pour leur apprendre à supporter la discipline paternelle de Dieu.
Augustin, Contra Faustum (398-404), XII-75.

Les brigands vivent en paix entre eux, et les loups se rassemblent chaque fois qu’ils sentent l’odeur du sang (…) ne croyez donc pas que la paix soit bonne partout et toujours. Elle est parfois plus mauvaise et plus dure que n’importe quelle guerre.
Isidore de Péluse ( ?-449), Lettres, IV, 36.

Juste est la guerre qui, en vertu d’un édit, est faite pour récupérer des biens ou pour repousser des ennemis.
Isidore de Séville (~560-636), Étymologies (~630), XVIII, I.

Celui qui, par l’autorité du prince ou du juge, s’il est une personne privée, ou s’il est une personne publique, par zèle de la justice, et comme par l’autorité de Dieu, se sert du glaive, celui-là ne prend pas lui-même le glaive, mais se sert du glaive qu’un autre lui a confié.
Thomas d’Aquin (1225-1274), Somme théologique (1266-1273), II-II, qu.40, art. 1.

La guerre est douce à ceux qui n’en ont pas l’expérience. (Dulce bellum inexpertis)
Érasme (1469-1536), Adages, 3301 (1515).

Un prince ne doit donc avoir d’autre objet ni d’autre pensée, et ne doit rien choisir d’autre pour art (arte), hormis la guerre ; car c’est le seul art qui convienne à celui qui commande ; et elle a une telle vertu que non seulement elle maintient (mantiene) ceux qui sont nés princes, mais elle a, maintes fois, fait s’élever à ce rang des hommes de condition privée.
Machiavel (1469-1527), Le Prince (1532 posthume), chapitre XIV.

Les armées bien composées sont l’appui le plus solide de tous les États, et il ne peut y avoir sans elles ni lois sages, ni aucun établissement utile.
Machiavel (1469-1527), Discours sur la première décade de Tite-Live (1532 posthume), livre III, chapitre XXXI.

La guerre est un conflit armé, public et juste (armorum publicorum justa contentio est).
Alberico Gentilis (1552-1608), De jure belli (1598), livre I, chapitre II, Belli Definitio.

C’est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d’opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu’à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l’irriter encore plus.
Pascal (1623-1662), Douzième provinciale.

Deux cités sont naturellement ennemies : les hommes, en effet, à l’état de nature sont ennemis.
Spinoza (1632-1677), Traité politique (1677, posthume), chapitre III, § 13.

S’il arrive souvent en effet, qu’on élise un roi à cause de la guerre, parce que les rois font la guerre avec beaucoup plus de bonheur ; c’est là en réalité une sottise puisque, pour faire la guerre plus heureusement, on consent à la servitude dans la paix à supposer qu’on doive admettre que la paix règne dans un État où le souverain pouvoir a été confié à un seul à cause seulement de la guerre et parce que le chef montre principalement dans la guerre sa valeur et ce qu’il y a en lui qui profite à tous ; tandis qu’au contraire un État démocratique a cela surtout de remarquable que sa valeur est beaucoup plus grande en temps de paix qu’en temps de guerre.
Spinoza (1632-1677), Traité politique (posthume, 1677), chapitre VII, § 5.

Il ne faut faire la guerre qu’en vue de la paix et, une fois la guerre finie, les armes doivent être déposées.
Spinoza, (1632-1677), Traité politique (1677, posthume), chapitre VI, § 35.

La guerre n’est donc point une relation d’homme à homme, mais une relation d’État à État.
Rousseau (1712-1778), Du contrat social (1762), livre I, chapitre IV.

Guerre : différend, querelle entre les États ou des principes souverains, qui ne peut se terminer que par la justice, et qu’on ne vide que par la force, par la voie des armes.
Dictionnaire de Trévoux (XVIII°).

La guerre est cet état dans lequel on poursuit son droit par la force.
Emer de Vattel (1714-1767), Le droit des gens ou principes de la loi naturelle (1758), livre III, chapitre I.

Aucune guerre n’est punitive.
Kant (1724-1804), commentaire du § 205 du Jus naturae, Edito quinte, Pars posterior d’Achenwall, in Théorie et pratique, traduction Françoise Proust, GF Flammarion, p.148

La guerre (…) n’a pas besoin d’un motif déterminant particulier, mais paraît greffée sur la nature humaine.
Kant, Projet de paix perpétuelle (1795)

Dans l’état de nature des États, le droit à la guerre (de déclencher les hostilités) est la manière licite pour un État de défendre au moyen de ses propres forces son droit contre un autre État.
Kant (1724-1804), Doctrine du droit (1795), II, § 56.

Aucune guerre entre États indépendants ne peut être une guerre punitive (bellum punitivum). En effet, il ne peut y avoir punition que dans la relation entre un supérieur (imperantis) et un subordonné (subditum), laquelle relation n’est pas celle des États entre eux. Et la guerre ne saurait non plus être une guerre d’extermination (bellum internecicum).
Kant (1724-1804), Doctrine du droit (1795), II, § 57.

L’État, en tant qu’institution fondée sur la contrainte, présuppose la guerre de tous contre tous et son but consiste à produire au moins l’apparence de la paix.
Fichte (1762-1814), Sur Machiavel écrivain et sur des passages de ses œuvres (Über Machiavelli als Schriftsteller und Stellen aus seinen Schriften, 1807).

Pour ne pas laisser les systèmes particuliers s’enraciner et se durcir dans cet isolement, donc pour ne pas laisser se désagréger le tout et s’évaporer l’esprit, le gouvernement doit de temps en temps les ébranler dans leur intimité par la guerre ; par la guerre il doit déranger leur ordre qui se fait habituel, violer leur droit à l’indépendance, de même qu’aux individus qui, s’enfonçant dans cet ordre, se détachent du tout et aspirent à l’être-pour-soi inviolable et à la sécurité de la personne, le gouvernement doit, dans ce travail imposé, donner à sentir leur maître, la mort.
Hegel (1770-1831), Phénoménologie de l’esprit, traduction Jean Hyppolite, Aubier, 1941, tome 2, p.23.

La guerre (...) a la signification supérieure suivant laquelle, comme je l’ai énoncé ailleurs, elle « conserve aussi bien la santé éthique des peuples en son indifférence vis-à-vis des déterminités finies [...] que le mouvement des vents préserve les mers de la putridité dans laquelle un calme durable les plongerait, comme le ferait pour les peuples une paix durable ou a fortiori une paix perpétuelle ».
Hegel (1770-1831), Principes de la philosophie du droit (1822), § 324, traduction Kervégan, P.U.F., 1998, p.401.

Ce que l’on ne connaît pas (…), c’est la nature, essentiellement juridique, de la guerre.
Proudhon (1809-1865), La guerre et la paix (1861)

Il n’y a plus pour l’Allemagne prussienne d’autre guerre possible qu’une guerre mondiale, et une guerre mondiale d’une ampleur et d’une violence jamais imaginées jusqu’ici. Huit à dix millions de soldats s’entr’égorgeront (…). Un seul résultat absolument certain : l’épuisement général et l’établissement des conditions de la victoire finale de la classe ouvrière (…).
Friedrich Engels (1820-1895), Préface à la brochure XXIV de la Bibliothèque social-démocrate (1887)

À l’école de guerre de la vie. — Ce qui ne me fait pas mourir me rend plus fort.
Nietzsche, Le crépuscule des Idoles (1888), Maximes et pointes, 8.

La véritable école de commandement est donc la culture générale. Par elle, la pensée est mise à même de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire, d’apercevoir les prolongements et les interférences, bref de s’élever à ce degré où les ensembles apparaissent sans préjudice des nuances. Pas un illustre capitaine qui n’eut le goût et le sentiment du patrimoine de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre on retrouve toujours Aristote.
Charles de Gaulle (1890-1970), Vers l’armée de métier, 1934.

La guerre est la condition légale qui permet à deux ou plusieurs groupes hostiles de mener un conflit par forces armées.
Quincy Wright (1890-1970), Study of War, Chicago, 1942.

Il y a une race de la guerre qui est une lutte pour l’honneur, et il y a une tout autre race de la guerre qui est une lutte pour la domination. La première procède du duel. Elle est le duel. La deuxième ne l’est pas et n’en procède pas. Elle est même tout ce qu’il peut y avoir d’étranger au duel, au code de l’honneur. Mais elle n’est pas du tout étrangère à l’héroïsme.
Charles Péguy (1873-1914), Note conjointe sur Descartes et la philosophie cartésienne, juillet 1914.

C’est la guerre qui a l’éclat, et tout ce qui a éclat touche à la guerre. Les bals de l’opéra, les bijoux des femmes, les expositions coloniales, les fêtes aériennes, les mannequins parés et les hommes suffisants, tout cela c’est guerre et encore guerre.
Georges Canguilhem (1904-1995), « Civilité puérile et honnête », Libres propos, 20 août 1929.

On n’a pas besoin de prouver par d’obscurs fragments d’Héraclite que l’être se révèle comme guerre, à la pensée philosophique ; que la guerre ne l’affecte pas seulement comme le fait le plus patent, mais comme la patence même – ou la vérité – du réel. En elle, la réalité déchire les mots et les images qui la dissimulent pour s’imposer dans sa nudité et dans sa dureté. Dure réalité (cela sonne comme un pléonasme !), dure leçon de choses, la guerre se produit comme l’expérience pure de l’être pur, à l’instant même de la fulgurance où brûlent les draperie de l’illusion.
Levinas (1906-1995), Totalité et infini. Essai sur l’extériorité (1961), Préface.

C’est la guerre qui est le moteur des institutions et de l’ordre : la paix, dans le moindre de ses rouages, fait sourdement la guerre. (…) Nous sommes donc en guerre les uns contre les autres ; un front de bataille traverse la société tout entière, continûment et en permanence, et c’est ce front de bataille qui place chacun de nous dans un camp ou dans un autre. Il n’y a pas de sujet neutre. On est forcément l’adversaire de quelqu’un.

Michel Foucault (1926-1984), Il faut défendre la société, Cours du 21 janvier 1976, Seuil/Gallimard, « Hautes Études, février 1997, p.43-44.

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