mercredi 25 mars 2015

L'existence et le temps - une explication d'un extrait de Marc-Aurèle "vivre au présent"

Expliquer le texte suivant :
Dusses-tu vivre trois mille ans et autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que personne ne perd une autre vie que celle qu’il vit, et qu’il n’en vit pas d’autre que celle qu’il perd. Donc le plus long et le plus court reviennent au même. Car le présent est égal pour tous ; est donc égal aussi ce qui périt ; et la perte apparaît ainsi comme instantanée ; car on ne peut perdre ni le passé ni l’avenir ; comment en effet pourrait-on vous enlever ce que vous ne possédez pas ? Il faut donc se souvenir de deux choses : l’une que toutes les choses sont éternellement semblables et recommençantes, et qu’il n’importe pas qu’on voie les mêmes choses pendant cent ou deux cents ans ou pendant un temps infini ; l’autre qu’on perd autant, que l’on soit très âgé ou que l’on meurt de suite : le présent est en effet la seule chose dont on peut être privé, puisque c’est la seule qu’on possède, et que l’on ne perd pas ce que l’on n’a pas.
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même (II° siècle).

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Corrigé

[Ce texte des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle est le n°14 du livre II. C’est une réflexion complète. Pensées pour moi-même est un des titres des textes de Marc-Aurèle qu’il n’a pas donné à ses notes qui étaient personnelles et où il est son propre interlocuteur. On trouve parfois Pensées à l’imitation de l’ouvrage posthume de Pascal. Le titre choisi par la dernière édition française est : Ecrits pour lui-même.]

Longtemps les hommes ont montré une inquiétude face à la mort. Est-elle raisonnable ? C’est-à-dire faut-il considérer que la mort en nous ôtant la vie nous ôte quelque chose, de sorte qu’il serait raisonnable de désirer vivre le plus longtemps possible, voire de désirer l’immortalité ? Et sur ce désir de l’éternité, ne faut-il pas louer l’espérance comme vertu religieuse qui implique la foi en la résurrection.
Tel est le problème que Marc-Aurèle résout dans cet extrait de ses Pensées pour moi-même. Il démontre que la mort ne nous fait perdre que le présent que nous vivons de sorte que la durée de notre vie ne doit pas être un souci. Par là même l’empereur philosophe, en dernier des Stoïciens, veut montrer qu’une réflexion sur le véritable temps de l’existence, à savoir le présent, est susceptible de détruire le souci de la mort et donc de permettre de mieux vivre. Une telle réflexion détruit aussi tout souci “religieux”.
Reste toutefois à se demander s’il est bien vrai que seul le présent est le temps de notre existence. Car, ne peut-on pas penser que l’existence humaine est nécessairement tournée vers l’avenir et s’appuie non moins nécessairement sur le passé ? Et si tel est le cas, n’y a-t-il pas dans le souci de la mort une dimension irréductible de l’existence humaine ?

Que la durée de la vie importe peu selon lui, c’est ce que montre l’évocation de durées fictives par Marc-Aurèle au début de cet extrait, à savoir « trois mille ans et autant de fois dix mille ans ». Or, pour la plupart des hommes, la durée de la vie importe et plus jeune quelqu’un meurt et plus on estime qu’il lui a manqué quelque chose. Mais justement, on pense alors une autre vie que celle qui est donnée. C’est la raison pour laquelle Marc-Aurèle invoque le souvenir d’une double évidence. C’est la vie que l’on vit que l’on perd et non une autre. Ce que quelqu’un n’a pas vécu, il ne peut pas non plus le perdre. La seconde évidence est qu’on ne vit pas d’autre vie que celle que l’on perd. C’est qu’en effet, même dans l’hypothèse où nous serions immortels et que notre vie sur terre serait suivie d’une autre vie, l’une et l’autre serait la même. Bref, l’immortalité exclut que l’on puisse perdre la vie. Aussi Marc-Aurèle a-t-il raison de dire qu’on ne vit pas d’autre vie que celle que l’on perd dans l’hypothèse de la mortalité.
Or, il en déduit de façon apparemment étrange que la longueur de la vie importe peu. Ne faut-il pas penser qu’un jeune vit moins qu’un plus âgé ? C’est alors justement que l’on introduit dans cette mesure une vie autre que celle qui a été perdue par le plus jeune. En effet, celui-ci n’a pas perdu la vie qu’il n’a pas vécue. Donc, il n’a pas moins vécu. C’est donc par rapport à une vie possible que l’on parle de plus et de moins. La conséquence implicite est qu’il ne faut pas se soucier de la durée de la vie. Mesurer des vies n’a pas de sens. Il y a bien une égalité de toutes les vies quelque courtes ou longues qu’elles paraissent. Une vie immortelle ne serait pas plus longue qu’une vie mortelle.
Marc-Aurèle justifie cette conséquence par une autre raison, à savoir que le présent est le même pour tous. Cette identité du présent est somme toute ambiguë. Admise, elle implique que la mort est la même pour tous d’autant plus qu’elle est instantanée. Est-ce à dire que le présent est instantané, c’est-à-dire que le présent et l’instant sont identiques ? Si tel était le cas, alors un tel présent serait évanouissant. Selon un argument souvent utilisé, déjà par Aristote dans sa Physique, plus tard par Augustin dans ses Confessions et encore par Bergson dans L’énergie spirituelle, si le présent est pensé comme instant, alors cela revient à faire du temps une suite d’instants, c’est-à-dire finalement une suite de rien. Dès lors, la différence entre être et ne pas être serait vide. C’est la raison pour laquelle, le présent n’est pas chez les Stoïciens, et chez Marc-Aurèle non plus un simple instant. Il occupe une durée plus ou moins longue si l’on cherche à la mesurer mais la qualité de présent reste la même [voir les textes complémentaires. Texte 1]. Distinguer des quantités inégales de présent, c’est introduire le passé et/ou le futur dans la mesure du temps.
Or, la deuxième justification de l’égalité de la vie et de la mort, c’est-à-dire du présent qu’est la vie et du caractère instantané de la mort, c’est qu’il n’est possible de perdre ni le passé ni l’avenir. Cette justification repose sur l’idée que l’on ne possède ni l’un ni l’autre. C’est que le passé désigne ce qui n’est plus et l’avenir ce qui n’est pas encore.
Ce primat du présent est bien ce qui organise le texte. C’est ainsi que lorsque Marc Aurèle invite à se souvenir de deux choses, d’une part l’éternelle répétition du même, qui doit nous conduire à ne pas nous attendre à quelque chose de nouveau dans l’avenir, et donc à ne pas nous soucier de notre mort, là encore, c’est le présent qu’il identifie avec le temps. En effet, l’éternel retour du même suppose que le présent reste toujours identique à lui-même. Autrement dit, c’est parce que le présent est la seule dimension du temps selon lui que Marc Aurèle considère que rien de nouveau ne peut se produire.
Il est clair que par rien de nouveau, on peut entendre une nouveauté numérique ou une nouveauté spécifique. Dans le premier cas, on aurait la thèse de l’éternel retour du même, c’est-à-dire que ce que je vis, je le vivrai de nouveau éternellement et ainsi de suite à l’infini. Thèse que l’on attribue parfois aux anciens stoïciens. Dans le second cas, cette laitue que je mange est la même que la laitue que j’ai déjà mangée l’hiver dernier. L’identité est spécifique.
L’objection qui vient à l’esprit moderne est alors celle du progrès technique qui semble apporter des nouveautés. Soit le téléphone portable. Il me permet de faire ce que je pouvais faire jusque là, parler à quelqu’un d’absent tout en marchant dans la rue. Faut-il donc espérer vivre le plus longtemps pour voir ses nouveautés dont nous n’avons aucune idée actuellement ? C’est le contenu du second souvenir qui permet de trancher.
En effet, tout aussi nécessaire pour bien vivre, il réaffirme ce qui a déjà été dit, à savoir que le présent étant la seule chose que l’on perd, il est nécessaire de considérer que c’est le même temps que l’on perd que l’on soit jeune ou vieux, que l’on meurt à la naissance ou à cent ans. Ainsi, un enfant mort à cinq ans en 1978 n’a pas perdu le fait de téléphoner avec un téléphone portable. Sans compter qu’on peut se demander si, ce qui est dit dans un tel objet, est véritablement nouveau.
Ainsi, passé et avenir ne sont pas possédés par nous, nous ne les vivons pas selon Marc Aurèle. Or, dire qu’on ne les possède pas, c’est dire qu’ils ne sont pas présents. Il y a là une pure tautologie. Tout le problème est donc de déterminer s’il est possible de considérer que présent et être sont identiques.
Pour cela, on peut partir de l’apparente contradiction qui traverse cette réflexion de Marc-Aurèle. C’est qu’il considère que le passé n’est pas et demande à la fois de vivre au présent et de se souvenir qu’il faut vivre au présent. Or, se souvenir, n’est-ce pas se reporter au passé ? Et s’il est vrai que dans le souvenir je me reporte au passé, il en va de même pour l’avenir auquel je me reporte dans l’anticipation. C’est que l’exigence de se souvenir qui traverse le texte de Marc-Aurèle est portée par un projet et donc une anticipation de l’avenir, à savoir ne pas craindre la mort. Car, celle-ci n’est-elle pas un avenir irréductible à tout présent ?
L’objection que l’on peut adresser donc à Marc Aurèle concerne l’identification du présent avec ce qui est. C’est qu’un présent va alors se composer d’instants. Le passé et l’avenir étant la séparation dans un présent plus ou moins étendu de certains instants. Or, que présent et instant soient identiques conduit à une absurdité. En effet, si j’identifie le présent avec l’instant, dès lors, comme l’instant est insaisissable, car, toute réflexion sur lui le transforme immédiatement en passé, il faudrait en conclure qu’il n’y a pas de temps.
Mais cette conclusion ou plutôt la thèse selon laquelle le temps n’a pas vraiment de réalité implique qu’il y aurait une réalité non temporelle qui, pour cela, se nomme éternité. Cette thèse n’a de sens que si on identifie le présent et l’instant, toujours divisible en instants plus petits et ainsi de suite à l’infini. Quant à l’éternité, soit elle est pensée comme une durée indéfinie, et alors c’est le temps qui sert à la penser. Soit c’est l’idée d’une réalité extratemporelle mais on n’évite guère le temps comme le montre malgré lui Augustin qui, posant que Dieu est hors du temps, en fait le créateur du temps et doit bien penser que Dieu a existé avant le temps, ce qui revient à réutiliser le temps pour concevoir le rapport entre le temps et l’éternité. L’éternité opposée au temps est une pure abstraction. La vie éternelle n’est que la projection de la peur de la mort dont il s’agit précisément de se débarrasser.
En outre, on ne comprendrait pas comment le temps comme illusion ou erreur serait possible. Comment une division entre passé présent et futur serait possible ? À la limite, s’il n’y a pas d’instants, n’est-ce pas parce que le temps ne se compose pas d’instants? Pourquoi refuser que le passé et l’avenir soient ?

Si l’appel à l’éternité ne résout pas le problème de l’existence du temps, à quoi faire appel ? Car, nous avons non seulement une conscience du temps, mais notre conscience est temporelle en elle-même. Qu’est-ce que réfléchir, sinon revenir sur une conscience antérieure qui a été retenue ? Sans mémoire donc il n’y a pas de conscience. Nier l’existence du temps, c’est nier que la mémoire soit possible. Or, elle est donnée dans la réflexion. C’est ainsi que Descartes a pu écrire sa découverte du cogito au passé dans le Discours de la méthode. on peut pourtant aller plus loin et affirmer que la distinction entre la mémoire et la conscience ne va pas de soi.
Reprenons à Bergson une de ses analyses de L’énergie spirituelle que l’on trouve dans la conférence « L’âme et le corps ». Bergson montre qu’il est impossible de comprendre un mot de quelques syllabes comme “causerie” par exemple si chaque syllabe ne se conserve pas et n’est pas présente en un sens à la conscience lorsque l’on prononce la suivante et ainsi de suite. Ce qui implique que le passé se conserve en tant que passé et que c’est lui que l’on vise lorsque l’on cherche à se souvenir ou que l’on se souvient même involontairement comme Proust (1871-1922), dans Du côté de chez Swann (1913), l’a illustré dans le célèbre passage où, le narrateur, portant à la bouche une madeleine, voit revenir tout un monde jusque là oublié.
Il est donc nécessaire d’admettre que le passé se conserve et que par conséquent nous le conservons virtuellement. En effet, ce qui fait la distinction entre le passé et le présent, c’est que celui-ci est le temps de l’action. Le présent se distingue du passé comme l’actuel et le virtuel. Le passé, contrairement à ce qu’on dit n’est pas dépassé. De même, l’avenir est présent sous la forme de l’anticipation que toute action implique. Si je vais prendre mon bus, monter dans le bus, arriver à la maison sont bien des fins que j’ai sans quoi je ne pourrais agir. L’avenir en tant que tel est, même s’il n’est pas non plus actuel. Il est sous la forme du possible puisqu’il pourra être autre que ce que j’anticipe. C’est d’ailleurs ce qui le distingue du passé.
Dès lors, ne peut-on pas penser que la mort nous concerne ? Si notre existence se meut dans ses trois dimensions du temps, le passé virtuel, l’avenir possible et le présent actuel, n’est-il pas alors nécessaire de chercher à vivre le plus longtemps possible ? Ne faut-il pas espérer que la vie perdure ? La quête de l’immortalité n’a-t-elle pas un sens ?

Si le passé se conserve, un être qui n’agirait pas verrait toute sa vie présente. De là Bergson concluait à la différence de l’âme et du corps, celui-ci toujours présent, celle-là accumulant son passé. De cette différence l’espoir d’une survie de l’âme même si le corps disparaît apparaissait sensé. Et pourtant, on peut se demander si la méditation de Marc Aurèle ne garde pas un sens.
En effet, quel est le temps de l’action, sinon le présent. Se souvenir et anticiper n’ont de sens que pour agir. Le temps de notre existence est donc bien le présent. Si donc ce pouvoir d’anticipation que nous avons nous fait exister comme pro-jet selon Sartre, c’est-à-dire vivre hors de nous, il nous permet d’anticiper notre mort. Si l’homme est conscient de la mort, c’est parce qu’il est conscient, parce que la conscience est porteuse de l’avenir et donc de sa propre fin. Or, en quoi l’espoir de vivre plus, le regret du temps passé peuvent-ils bien avoir un sens ?
À supposer que je puisse me penser comme immortel, rien ne change à la question de savoir comment je dois vivre, c’est-à-dire agir. De ce point de vue, l’anticipation de la mort ou de l’immortalité ne change rien au problème de l’existence. Elle est bien plutôt un moyen de ne pas vivre ici et maintenant, c’est-à-dire en un sens de ne pas vivre. Car si je ne me recentre pas sur le présent maintenant, comment le ferai-je demain. Même Jésus de Nazareth demandait à ses disciples de ne pas se soucier du lendemain. Il est vrai qu’il les invitait à s’en remettre à Dieu. On peut toutefois se demander si l’annonce de la bonne nouvelle n’est pas celle qu’une présence de Dieu est toujours possible ici et maintenant plutôt que l’espoir paulinien en la résurrection.
Quoi qu’il en soit de ses spéculations théologiques, dont le but est de montrer que la mise entre parenthèses de la question de l’immortalité est indépendante des croyances religieuses, la prescription de Marc Aurèle, ne se soucier que du présent et donc ne pas craindre la mort, garde toute sa valeur. Si notre existence ne va pas sans la subsistance du passé et la possibilité de l’avenir, c’est le présent qui lui donne son orientation, son centre, son poids. Or, la mort n’est rien d’autre que ce qui est hors de la vie. Epicure faisait remarquer dans la Lettre à Ménécée que la mort ne nous concerne pas parce que vivant nous ne la sentons pas et mort nous ne pouvons pas sentir.
C’est que l’avenir, s’il est possible n’est pas réel et n’est possible d’ailleurs que si je vis au présent. « Je suis, j’existe » comme le dit Descartes en la méditation seconde, cela est sûr. Mais serai-je ?
Quelle que soit donc la mesure de la vie, c’est ma vie que je perds en mourant, et non une vie à venir. Aussi, en vivant au présent, c’est-à-dire en faisant servir passé et avenir pour le présent, j’élimine regret et espoir, ce mal qui est resté selon Hésiode dans la boite de Pandore. On peut même dire avec Wittgenstein [texte 2] que vivre au présent, c’est vivre dans l’éternité, puisque cela revient à s’abstraire du cours du temps.
À l’inverse, qui ne vit que dans le futur ou le passé ne vit pas au présent et donc ne vit pas du tout. En effet, le passé est virtuel. Le regret ou le souvenir heureux, peu importe transforme l’existence en subsistance, en une espèce de virtualité qui serait celles des fantômes. C’est en ce sens que l’on peut dire de l’homme qu’il a sa vie à vivre.
Quant à l’avenir, l’anticiper toujours, c’est exister dans le possible et non dans le réel. Pire ! C’est faire du pro-jet de l’existence un échec puisque c’est différer toujours l’action. Un peu comme un peintre qui différerait toujours de peindre sous prétexte de conserver intact son projet de chef d’œuvre. De sorte que l’on peut dire que c’est parce que l’homme conserve son passé et anticipe son avenir que la prescription de Marc Aurèle a un sens. Seul le présent est le temps de la vie. Cette pensée fait disparaître le souci de la mort. Et il faut bien l’anticiper et la conserver en mémoire pour qu’elle produise son effet sur l’existence présente.

Pour conclure on peut dire que l’intérêt du texte de Marc Aurèle est de tenter de résoudre l’énigme de notre être mortel et de notre existence temporelle. En se recentrant sur le présent, on se débarrasse du faux espoir qui consiste soit à vouloir la vie la plus longue possible, soit à souhaiter l’immortalité. C’est que notre vie est au présent.
Certes, nous avons vu que contrairement à ce qu’avançait Marc Aurèle dans cet extrait, le passé subsiste et l’avenir apparaît comme possible et que l’un et l’autre appartiennent à l’existence humaine. Or, c’est justement parce que cette existence se perd dans les regrets relatifs au passé ou dans l’anticipation perpétuelle de l’avenir que le conseil de Marc Aurèle, que l’on pourrait résumer par cette maxime : “existe” au présent, prend tout son sens.

Textes complémentaires.
Texte 1.
Pour une définition du temps dans le stoïcisme de Zénon de Citium, voici le témoignage de Diogène Laërce (III° siècle ap. J.-C. ?) : « En dehors du monde s’étend un vide infini, qui est incorporel ; est incorporel ce qui est capable d’être occupé par des corps, mais ce qui ne l’est pas. (…) Le temps est lui aussi incorporel, puisqu’il est l’intervalle du mouvement du monde ; dans le temps il y a le passé et l’avenir qui sont illimités, et le présent qui est limité. » Vies opinions et sentences des philosophes illustres, VII, 140-141.

Texte 2.
6.4311 – La mort n’est pas un événement de la vie. On ne vit pas la mort.
Si on entend par éternité non la durée infinie mais l’intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.
Notre vie n’a pas de fin, comme notre champ de vision est sans frontière.
6.4312 – L’immortalité de l’âme, c’est-à-dire sa survie éternelle après la mort, non seulement n’est en aucune manière assurée, mais encore et surtout n’apporte nullement ce qu’on a toujours voulu obtenir en en recevant la croyance. Car quelle énigme se trouvera résolue du fait de mon éternelle survie ? Cette vie éternelle n’est-elle pas aussi énigmatique que la vie présente ? La solution de l’énigme de la vie dans le temps et dans l’espace se trouve en dehors de l’espace et du temps.
(Ce n’est pas la solution des problèmes de la science de la nature qui est ici requise.)
Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus (1922), traduction Gilles-Gaston Granger, Paris, Gallimard, 1993.



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