vendredi 20 février 2015

Contre la théodicée

Il y a déjà bien des années, j’ai pensé que notre monde pourrait être l’œuvre d’un être subordonné, et je ne peux toujours pas revenir sur cette pensée. C’est une sottise de croire qu’aucun monde n’est possible dans lequel il n’y aurait pas de maladie, pas de souffrance et pas de mort. Ne se représente-t-on pas pourtant bel et bien le Ciel ainsi ? Parler d’un temps d’épreuve, de formation graduelle veut dire penser de façon très humaine à propos de Dieu et est du pur verbiage. Pourquoi ne devrait-il pas y avoir des degrés d’esprits allant vers le haut jusqu’à Dieu et pourquoi notre monde ne devrait-il pas pouvoir être l’œuvre d’un qui ne comprenait pas encore très bien la chose, un essai ? Je veux dire notre système solaire ou notre nébuleuse toute entière, qui s’arrête à la voie lactée. Peut-être que les nébuleuses que Herschel a vues ne sont que des spécimens qui ont été livrés ou des spécimens auxquels on travaille encore. Quand je considère la guerre, la famine, la pauvreté et la peste, il m’est impossible de croire que tout est l’œuvre d’un être suprêmement sage, ou bien il doit avoir trouvé un matériau indépendant de lui, par lequel il a été dans une certaine mesure limité, de telle sorte que ceci ne serait le meilleur monde que relativement, comme cela a été effectivement déjà souvent enseigné.

Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), Aphorismen, traduit par Jacques Bouveresse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire