samedi 8 décembre 2018

Aristote et Averroès : l'intellect agent

Il est clair que, dans un sens, cet intellect est un agent et, dans un autre, c’est une forme pour nous, puisque la génération des intelligibles est un produit de notre volonté.
De même que dans toute la nature, il faut distinguer, d’une part, la matière pour chaque genre d’objets, la matière étant ce qui est tous ces objets en puissance ; et, d’autre part, la cause, et ce qui fait, parce que c’est la cause qui fait tout, comme l’art fait tout ce qu’il veut de la matière ; de même, il faut nécessairement aussi que ces différences se retrouvent dans l’âme. Telle est, en effet, l’intelligence, qui, d’une part, peut devenir toutes choses, et qui, d’autre part, peut tout faire. C’est en quelque sorte une virtualité pareille à la lumière ; car la lumière, en un certain sens, fait, des couleurs qui ne sont qu’en puissance, des couleurs en réalité. Et telle est l’intelligence qui est séparée, impassible, sans mélange avec quoi que ce soit, et qui par son essence est en acte (Καὶ οὗτος ὁ νοῦς χωριστὸς καὶ ἀπαθὴς καὶ ἀμιγής, τῇ οὐσίᾳ ὢν ἐνέργεια).
C’est que toujours ce qui agit est supérieur à ce qui souffre l’action, et que le principe est supérieur à la matière. La science en acte se confond avec l’objet auquel elle s’applique. Mais la science en puissance est pour l’individu seul antérieure dans le temps. Absolument parlant, elle n’est point antérieure dans le temps. Mais ce n’est point lorsque tantôt elle pense et tantôt ne pense pas, c’est seulement quand elle est séparée que l’intelligence est vraiment ce qu’elle est ; et cette intelligence seule est immortelle et éternelle. Du reste, cette partie de l’intelligence ne nous donne pas la mémoire, parce qu’elle est impassible. L’intelligence passive, au contraire, est périssable ; et, sans le secours de l’intelligence active, l’intelligence passive ne peut rien penser.
AristoteDe l’âme, chapitre 5



Quand nous voulons penser quelque chose, nous le faisons, notre façon de penser cela n’étant rien d’autre que, tout d’abord, amener l’intelligible en avant et, en second lieu, le recevoir.
Les intentions individuelles dans la faculté imaginative sont ceux qui sont en relation avec l’intellect comme les couleurs possibles le sont avec la lumière.
C’est-à-dire que cette intelligence les rend réellement intelligibles après qu’elles aient été intelligible en puissance.
Il est clair, à partir de la nature de cette intelligence – qui, sur un point, est forme pour nous et, dans un autre, est l’agent pour les intelligibles – qu’il est séparable et ni générable ni corruptible, pour ce qui agit est toujours supérieur à celle qui est sollicité, et le principe est supérieur à la question.
Les aspects intelligent et intelligible de cette intelligence sont essentiellement la même chose, car elle ne pense pas que quelque chose d’extérieur à son essence. Il doit y avoir ici un intellect agent, puisque ce qui actualise l’intellect doit être un intellect, l’agent dotant seulement ce qui ressemble à ce qu’il est dans sa substance.
Averroès, Commentaire moyen du De Anima d’Aristote.


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