mercredi 19 décembre 2018

L'amour - Vie et oeuvres de Stendhal

Marie-Henri Beyle est né le 23 janvier 1783 à Grenoble. Il est baptisé le lendemain. Il est l’aîné. Un premier enfant du couple est mort-né en 1782. Il va avoir deux sœurs : Pauline (1786-1857), sa confidente et Zénaïde-Caroline (1788-1866) qu’il détestera, l’accusant de rapporter. Il perd sa mère, Caroline Adelaïde Henriette Gagnon, le 23 novembre 1790, qui meurt en couches d’une troisième fille. Il n’a pas d’affection pour son père, Chérubin Joseph Beyle (1747-1818), royaliste et dévot, avocat du parlement de Grenoble dont les spéculations furent malheureuses. Et ce d’autant plus qu’il avouera avoir été amoureux de sa mère et jaloux de son père comme il l’écrira clairement dans La Vie de Henry Brulard (l’événement du fameux complexe d’Œdipe chez lui n’a donc en aucun cas été refoulé). Il écrit notamment : « Je voulais couvrir ma mère de baisers et qu’il n’y eût pas de vêtements. » (La Vie de Henry Brulard, chapitre III). Il se sent persécuté par sa tante Séraphie (1760-1797), la sœur de sa mère, qu’il soupçonne d’avoir une liaison avec son père. C’est son grand-père maternel, son parrain, le docteur Henri Gagnon (1728-1813), qui le forme intellectuellement. Il le considèrera comme son vrai père : le vieux chirurgien-major pour Julien Sorel comme l’abbé Blanès pour Fabrice Del Dongo dans Le Rouge et le noiret La Chartreuse de Parmepeuvent en être des transpositions (cf. Victor Brombert, Stendhal. Roman et liberté, Éditions de Fallois, 1991, p.22). Il se réconforte aussi auprès de sa grande tante, Élisabeth Gagnon (1721-1808) qui lui semble avoir un cœur espagnol. Elle lui aurait révélé les origines italiennes des Gagnon (Fabrice Del Dongo sera un métis franco-italien). Assez rapidement, le jeune Henri Beyle a en horreur la religion, selon lui dès l’âge de quatre ans (cf. La vie d’Henry Brulard, chapitre III).
En 1788, l’atmosphère est révolutionnaire à Grenoble. Le 7 juin, le roi ayant sanctionné le parlement de Grenoble, un soulèvement populaire a lieu : c’est la fameuse journée des Tuiles (qui sont jetées des toits par le peuple sur la troupe du roi). Le 14 juin, neuf ecclésiastiques, trente-trois nobles et cinquante-neuf membres du tiers état, dont Antoine Barnave (1761-1793) et Jean-Joseph Mounier (1756-1806), réclament la convocation des États particuliers de la province avec égalité du tiers et des deux autres ordres et celle des états généraux du royaume. Le 21 juillet, les représentants des trois ordres se réunissent au château de Vizille prêté par l’industriel et banquier Claude Périer (1742-1801).
En 1791, Henri Beyle séjourne aux Échelles en Savoie chez son oncle Romain Gagnon ( ?-1830), avocat et libertin de la famille. Il y découvre la lecture, notamment de la littérature italienne à travers le Roland furieux (1516, 1532) de l’Arioste (1474-1553) et de la Jérusalem délivrée (1581) du Tasse (1544-1595).
À partir de décembre 1792, il a pour précepteur l’abbé Raillane, un curé réfractaire qu’il déteste.
En 1793, il applaudit la mort de Louis XVI le 21 janvier comme il le laisse entendre dans La vie de Henry Brulard. Son père est arrêté pour opinions contre-révolutionnaires, ce qui le met en joie. Henri Beyle assiste à la Terreur à Grenoble. Chez lui, a lieu tous les dimanches, une messe clandestine.
En juillet 1794, son père est libéré. En août, l’Abbé Raillane qu’il considère comme un tyran n’est plus son précepteur.
Le 21 novembre 1796, il entre à l’École centrale de Grenoble le jour de son ouverture. Ses camarades le surnomment peu aimablement « la Tour ambulante » à cause de sa corpulence (cf. Philippe Berthier, Avec Stendhal, Éditions de Fallois, 2013, p. 26).
Il a une passion pour Victorine, la sœur de son ami Bigillion et pour une jeune actrice et chanteuse, Virginie Kubly (1778-1835) en 1797. Sa tante Séraphie meurt.
Il obtient en 1798 le premier prix de littérature.
Il sort en 1799 de l’École centrale avec un premier prix de mathématiques obtenu le 15 septembre. Le 30 octobre, il quitte Grenoble pour Paris où il arrive le 10 novembre (19 brumaire), le lendemain du coup d’État du général Bonaparte (1769-1821). Il refuse de passer le concours de polytechnique. Il va habiter en fin d’année chez son cousin Pierre Daru (1767-1829). Il y connaît la vie de salon.
Au début de 1800, son cousin, Pierre Daru, le prend avec lui au ministère de la guerre. Son activité n’est guère satisfaisante à cause de son orthographe déplorable : il écrit « cella » par exemple (cf. Philippe Berthier, Avec Stendhal, Éditions de Fallois, 2013, p. 97). Le 7 mai, Henri Beyle part pour l’Italie où il suit Pierre et Martial Daru (1774-1827). Le capitaine Burelvillers lui apprend à se tenir à cheval, à tenir son sabre et l’essentiel de la vie militaire. Il participe aux combats en franchissant les Alpes au fort de Bard. Le 1er juin, il découvre en Italie la musique à travers Le Mariage secret (1792) de Domenico Cimarosa (1741-1801). Il découvre également l’amour vénal. Vers le 10 juin, il est à Milan. Il rencontre Angela Pietragrua (peut-être le modèle de la Sanseverina de La Chartreuse de Parme) dont il tombe amoureux (cf. La vie de Henry Brulard, chapitre 47). Le 23 septembre, il est nommé sous-lieutenant de cavalerie. Il est affecté au 6èmedragons. En décembre, il passe à Grenoble un congé de convalescence.
En 1801, il est l’aide de camp du général Claude Michaud (1751-1835) qu’il suit dans la Lombardie. Il a appris l’italien. En fin d’année il demande un congé et rentre en France. Il commence son Journal.
En janvier 1802, il connaît à Grenoble Victorine Mounier (1783-1822) qu’il aime platoniquement. Il lit et se forge une doctrine personnelle qu’il nomme la « Filosofia Nova ». Il démissionne le 1erjuillet de son poste. Il sera, pendant quatre ans, entretenu par son père, qui lui verse cent cinquante (1800 francs par an) puis deux cents francs par mois (2400 francs par an à comparer avec les 1,80 francs d’un mineur, soit un salaire annuel de 540 francs pour 300 jours de travail). Il aura le temps de lire nombre de philosophes : Hobbes (1588-1679), Condillac (1714-1780), Helvétius (1715-1771), les idéologues Destutt de Tracy (1754-1836), Cabanis (1757-1808) et Volney (1757-1820) ; et d’œuvres littéraires : Shakespeare (1564-1616), Corneille (1606-1684), Molière (1622-1673), Alfieri (1749-1803), le cardinal de Retz (1613-1679) et Saint-Simon (1675-1755, qu’il utilisera dans La Chartreuse de Parme, chapitre VI) ; et nombre de critiques littéraires. Il séjourne à Paris. Il s’essaie au théâtre, en vain. Il est amoureux de sa cousine Adèle Rebuffel (1788-1861) qui a quatorze ans, mais ne réussit qu’à être l’amant de sa mère.
En juin 1803, il revient à Grenoble où il demeure neuf mois.
En avril 1804, Henri Beyle est de retour à Paris. Il entre dans le monde du théâtre. Il prend des leçons de déclamation avec Dugazon (1746-1809). En juin, il peine sur une pièce intitulé Les Deux Hommes. Il tombe amoureux de la comédienne et chanteuse Mélanie Guilbert (1780-1828), dite Saint-Albe, qu’il a rencontrée en décembre chez Dugazon où elle prend des cours. L’empire le déçoit car il reste républicain. Il lit avec passion Destutt de Tracy (1754-1836).
En 1805, il est dandy mais manque de moyens. Il suit la Saint-Albe à Marseille. Son Journal note à la date du 25 juillet son succès auprès d’elle, à moins que ce soit le 29. Dans le même temps, il fait son apprentissage dans la banque. Il espère, en vain, que son père lui prête trente à quarante mille francs pour ouvrir une banque avec son camarade Fortuné Mante (1781- ?). Il se contente d’être employé dans la maison de produits coloniaux Ch. Meunier et Cie.
En 1806, la Saint-Albe revient à Paris en ayant perdu son rôle et son amant le 1ermars. Henri Beyle revient aussi à Paris en juillet. Le 3 août, il est initié à la loge maçonnique Sainte-Caroline. Il renoue avec Pierre Daru, alors intendant général de la Grande Armée. Il obtient une mission en Prusse où il suit Martial Daru à partir du 17 octobre. Le 27, les cousins entrent à Berlin après que l’empereur a écrasé les Prussiens. Le 29 octobre, il est nommé adjoint provisoire aux commissaires des Guerres. Il est envoyé à Brunswick où il arrive le 13 novembre. Il y tombe amoureux, sans succès, de Wilhelmine de Griesheim (1790-1881). Il se console dans les bras de Charlotte Knabelhuber, une fille entretenue par un riche hollandais, qui lui fait payer ses charmes.
À l’été 1807, il est titularisé comme adjoint provisoire aux commissaires des Guerres. À Brunswick, il exerce son poste, administre les domaines impériaux dans le département de l’Ocker et surveille les biens du roi de Westphalie.
En septembre 1808, il doit faire face à une émeute. Il connaît à Brunswick un certain Wolff, un allemand qui sert les Français avec une affectation de zèle (on en a fait le modèle du Rassi de La Chartreuse de Parme). En novembre, il quitte Brunswick et rentre à Paris où il passe quatre mois.
En 1809, il est envoyé à Strasbourg. Puis, il accompagne Daru à Vienne. Malade, il manque la bataille de Wagram. Mais à l’arrière, il voit les effets d’un affrontement de cinquante heures qui met aux prises cinq cent mille hommes (il a peut-être emmagasiné là les éléments de description de la bataille de Waterloo dans La Chartreuse de Parme). Il est de plus en plus lié à Alexandrine, la comtesse Daru (1783-1815) durant son séjour à Vienne.
En 1810, il est de nouveau à Paris. C’est sa période mondaine. Il cherche toujours la gloire par le théâtre. Il est d’abord nommé le 1eraoût auditeur au Conseil d’État. Puis il est nommé inspecteur du mobilier et des bâtiments de la Couronne. Il a huit mille francs de rentes. Il doit faire l’inventaire du musée Napoléon (actuel musée du Louvre), ce qui lui donne accès à un fond important pour l’histoire de l’art qui va l’intéresser.
En 1811, il a une liaison avec la chanteuse d’opéra Angéline Bereyter (17..-18..) : elle durera quatre ans. Toutefois, elle n’est pas exclusive. Il note dans son Journalà la date du 3 juin qu’il a fait sa déclaration à la comtesse Daru qui ne tient qu’à être sa cousine. À la fin de l’été, il part pour l’Italie. À Milan, il a enfin Angela Pietragrua comme maîtresse. Il en date le début du 21 septembre. Il voyage à Bologne. Puis à Florence où il a un malaise. Il écrit à ce propos : « (…) les Sibylles du Volterrano m’ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m’ait jamais fait. J’étais déjà dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, ce qu’on appelle des nerfs, à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » StendhalRome, Naples et FlorenceIl va également à Rome et à Naples. On parle à ce propos d’un syndrome de Stendhal ou de Florence qui reste discutable.
En 1812, de retour à Paris, il travaille à l’Histoire de la peinture en Italie. Le 23 juillet, il suit la Grande Armée qui part pour Moscou. Il voit l’incendie de Moscou en septembre. Il vit la retraite de Russie où il fait preuve de courage et surtout de résolution comme il le note dans son Journal. Il passe la Berezina avant la cohue. Il voit un hôpital dont les fenêtres sont bouchées par des cadavres gelés.
En 1813, il est déçu que sa conduite exemplaire pendant la retraite de Russie ne lui vaille aucune récompense. Le 31 janvier, il se console dans les bras d’Angelina Bereyter. Le 19 avril, il repart pour l’Allemagne. Il note dans son Journal à la date du 21 mai à propos de la bataille de Bautzen : « Nous voyons fort bien, de midi à 3 heures, tout ce qu’on peut voir d’une bataille, c’est-à-dire rien » (cf. La Chartreuse de Parme, Fabrice à Waterloo). La maladie lui fait quitter l’Allemagne. En décembre, il se voit affecter à la défense de Grenoble.
Fin mars 1814, Henri Beyle regagne Paris. Les Bourbons (les frères de Louis XVI, Louis XVIII [1755-1814-1824] et le futur Charles X [1757-1824-1830-1836]) reviennent dans les fourgons des ennemis. Il est en quête d’une place. La fin de l’empire est vraiment la ruine pour lui : il est couvert de dettes. En mai et juin il écrit les Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase : c’est un plagiat. Il quitte Paris le 20 juillet. Il commence un séjour à Milan où il arrive le 10 août qui va durer sept ans. Son père, ultra, est récompensé : il reçoit la légion d’honneur et la mairie de Grenoble. Henri Beyle vivote d’articles qu’il publie dans les revues anglaises. Angela Pietragrua n’est plus intéressée par lui. Quant à lui, il a des pensées de suicide.
Henri Beyle quant à lui est en Italie pendant les cent jours qui commence le 1ermars. Le 18 juin, c’est Waterloo. Le 7 juillet, Napoléon abdique pour la seconde fois. Le 8 juillet, Louis XVIII entre à nouveau à Paris. Le 25 juillet 1815, après Waterloo, Stendhal dessine dans son journal un éteignoir. Il publie les Vies de Haydn, de Mozart et de Métastasesous le pseudonyme de Louis-Alexandre-César Bombet. Angela Pietragrua rompt avec lui le 1erdécembre.
En 1816, Stendhal mène une vie mondaine en Italie. D’avril à juin il est à Grenoble. Il rencontre le 23 octobre Lord Byron (1788-1824) en Italie. Il lui raconte des anecdotes controuvées sur Napoléon selon le témoignage de Hobbouse qui le croit (cf. J. C. Hobbouse, Lord Broughton, Napoléon, Byron et leurs contemporains, traduction par Fournier, 1910). C’est dans l’Edinburgh Reviewque Stendhal découvre le romantisme ou romanticisme comme il dit.
En 1817, il voyage à Rome, Naples, Milan. Au printemps, il est à Grenoble puis à Paris. Au mois d’août, il est à Londres. Il publie l’Histoire de la peinture en Italiesous le nom de M.B.A.A. (Monsieur Beyle Ancien Auditeur). En septembre, il publie Rome, Naples et Florence en 1817. Sur le frontispice figure pour la première fois le pseudonyme « M. de Stendhal, officier de cavalerie » (du nom de Stendal, une ville allemande au nom de laquelle il ajoute un h, ville de l’historien de l’art Winckelmann, célèbre pour sa correspondance avec Goethe). Il écrit pour décrire son époque : « Après la gloire, nous avons la boue. » Il fait cette remarque qui montre l’importance de la politique chez lui : « On ne peut plus, au milieu de la grande révolution qui nous travaille, étudier les mœurs d’un peuple, sans tomber dans la politique. » (Rome, Naples et Florence en 1817). Il commence une Vie de Napoléon. Il rencontre pour la première fois, le 4 septembre à Paris, le philosophe Destutt de Tracy qui vient le voir après avoir lu l’Histoire de la peinture en Italie (cf. Stendhal, Souvenirs d’égotisme).
En 1818, commence son amour pour Matilde Viscontini qu’il rencontre le 4 mars. Âgée de 28 ans, épouse séparée du brutal général polonais Dembowski, mère de deux enfants, elle est une activiste politique auprès des carbonari qui luttent contre l’Autriche. Stendhal la nomme Métilde. Dans une lettre à Mareste du 21 mars 1818, il considère que la philosophie de Benjamin Constant, le chantre des libéraux (encore à notre époque) est « de la bouillie pour les enfants ». À l’automne, il séjourne sur le lac de Côme (près duquel Fabrice Del Dongo de La Chartreuse de Parme grandira).
En 1819 Stendhal doit régler la succession fort mince de son père. Il vote comme électeur pour le conventionnel Abbé Grégoire (1750-1831). Jusqu’en 1820, son amour pour Métilde Dembowski est malheureux. Il en tire De l’amour qui traite des délices de l’amour-passion même s’il s’agit d’un amour malheureux. Il perd le manuscrit. Il rencontre souvent le musicien compositeur d’opéra Rossini (1792-1868).
En 1821, la répression qui s’abat sur les libéraux dont fait partie Métilde Dembowski rend sa situation intenable. Le 13 juin, Stendhal quitte Milan. Il rentre en France où il arrive à Paris le 21 juin. Il fréquente pendant sept ans le baron Alphonse de Mareste (1784-1867), fonctionnaire de police, royaliste ultra qui ne discutait jamais de littérature ou d’amour. Pourtant, Stendhal déteste les Bourbons. En août, ses amis lui offrent une partie de filles. Il note son fiasco avec un jeune débutante Alexandrine à cause du souvenir de Métilde. Du 18 octobre au 20 novembre, il voyage en Angleterre. Il se console avec une des deux sœurs chez lesquelles il loge. De retour à Paris, il retrouve le manuscrit de De l’amour et le travaille à nouveau.
En 1822, il publie De l’amour. Alors qu’il consacre deux chapitres aux troubadours et un appendice à la codification de l’amour courtois, il écrit dans son Journal : « Les troubadours sont ennuyeux. » Il a une vie mondaine. Il collabore à partir de novembre au New Monthly Magazine. Il en perçoit des revenus importants. Avec sa rente, sa demi-solde et ses revenus des activités d’écriture, il perçoit environ neuf mille francs. Sa vie s’organise autour des salons. Le samedi, il fréquente le salon du biologiste Georges Cuvier (1769-1832), le dimanche, celui de Destutt de Tracy où il rencontre le vieux général de La Fayette (1757-1834), le mardi, à partir de 1825, celui de Mme Ancelot (1792-1875), le mercredi il est chez le baron François Gérard (1770-1837). Il fréquente le grenier du peintre et critique d’art Etienne-Jean Delécluze (1781-1863).
En 1823, il publie une Vie de Rossiniqui est son premier succès littéraire. Puis il publie un manifeste romantique (il parlait plutôt de romanticisme), Racine et Shakespeare, qui aurait lancé en France le mot « romantisme » qui suit une représentation d’Othellode Shakespeare (1564-1616) à Paris. À l’automne, il part pour l’Italie où il séjourne à Florence et à Rome.
En janvier 1824, il est à Rome. Puis il passe le reste de l’année à Paris où il a une liaison avec la comtesse Curial (dite Menti) à partir du mois de mai (les centaines de lettres entre les deux amants ont été détruites par son exécuteur testamentaire). En juillet, elle le cache pendant trois jours dans la cave de son château, le nourrit, vide sa chaise percée, place et déplace l’échelle qui lui permet de le retrouver (Le Rouge et le Noiren garde une trace). Pendant ce temps, Métilde Dembowski meurt à Milan. Il écrit sur la peinture et la musique dans le Journal de Paris. Le Globe publie ses articles. Il appartient au romantisme libéral.
En 1825, il écrit dans un pamphlet, D’un nouveau complot contre les industriels, contre ceux qui font des industriels les sauveurs du genre humain : c’est le saint-simonisme qui est peut-être visé. Dans le salon de Mme Ancelot, il peut voir Mme Récamier (1777-1849), le futur auteur de De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville (1805-1859), Chateaubriand (1768-1848). Il est l’ami de Paul-Louis Courier (1772-1825), de Mérimée (1803-1870), de l’explorateur et naturaliste Victor Jacquemont (1801-1832). Il publie une deuxième version de Racine et Shakespeare.
En 1826, il voyage en Angleterre (c’est son troisième séjour à Londres). Il travaille à un roman qui sera Armance. À Saint Omer, à son retour de voyage d’Angleterre, le 15 septembre, la comtesse Curial rompt avec lui. Elle lui préfère M. de Rospiec (cf. Stendhal, Vie de Henry Brulard, chapitre I). 
En février 1827 paraît une nouvelle édition remaniée de Rome, Naples et Florence. En août paraît Armance. Le livre lui rapporte 1000 francs, mais la baisse de ses revenus journalistiques le met en crise financière. Il repart pour l’Italie en juillet. Il va à Naples, à Ischia, où le 15 septembre, il pense à sa rupture un an plus tôt avec la comtesse Curial, à Rome. À Florence, il rencontre Lamartine (1790-1869).
Début janvier 1828, il est refoulé de Milan par la police autrichienne à cause de la deuxième version de Rome, Naples et Florence. Il passe l’année à Paris et y cherche un emploi. Il écrit un Henri III.
En 1829, il a une liaison avec Alberthe de Rubempré (dite Sanscrit ou Mme Azur). Il a pour rival le peintre Eugène Delacroix (1798-1863). D’où une passion, de la jalousie. En juin, il est comblé. En septembre, il publie Promenades dans Rome. Et il s’éloigne d’Alberthe de Rubempré. À Marseille, les 25 et 26 octobre, l’idée du Rouge et du Noir lui vient. En décembre, il fait paraître dans La Revue de ParisVanina Vanini ou Particularités sur la dernière vente de carbonari dans les états du pape. C’est Mareste qui le remplace auprès d’Alberthe de Rubempré (pendant trente-huit ans). Il écrit Le Coffre et le Revenant qui va paraître dans la Revue de Paris et Mina de Vanghel qui restera inédit de son vivant.
En janvier 1830, il rencontre Victor Hugo (1802-1885). Giula Rinieri de Rocchi (1801-1881) devient amoureuse de lui : « Je sais bien et depuis longtemps que tu es laid et vieux, mais je t’aime » lui déclare-t-elle le 3 février. Toutefois, il ne lui cède que deux mois après. Entre temps, il publie en mars dans la Revue de Paris, un article intitulé « Lord Byron en Italie ». Les 27, 28 et 29 juillet ont lieu les Trois Glorieuses qui mettent fin à la Restauration. La monarchie de juillet qui s’installe va lui offrir une situation. Le 25 septembre, il obtient du ministre François Guizot (1787-1874) un consulat en Italie, un poste de préfet lui ayant été refusé. Le 6 novembre, il part pour Trieste en tant que consul après avoir demandé, sans succès, la main de Giula Rinieri à son tuteur. Le 13 novembre paraît Le Rouge et le Noir. Il a perçu pour céder ses droits 1500 francs. Victor Hugo n’y voit que du patois. Goethe (1749-1832) y voit le meilleur ouvrage de Stendhal. Le 21 novembre, le chancelier autrichien Metternich (1873-1859) demande au gouvernement français de nommer un autre consul que lui. Le 25 novembre, il arrive à Trieste. Il apprend officiellement le refus du gouvernement autrichien le 24 décembre de lui accorder l’exequatur. Il est alors nommé consul à Civitavecchia, une petite ville dans les États pontificaux. Avec ce changement d’affectation, il perd quinze mille francs de revenus pour dix mille francs.
Le 4 janvier 1831, il écrit à quel point il s’ennuie à Trieste. En février, il décide de ne plus rien publier tant qu’il demeurera fonctionnaire. Le 17 avril, il prend ses fonctions à Civitavecchia. C’est une petite bourgade de sept mille cinq cents habitants, sans compter les mille forçats et les étrangers débarquant pour Rome qui se situe à quatre-vingts kilomètres. Il a du mal à supporter le travail administratif d’autant plus qu’il va progressivement entrer en conflit avec le chancelier du consulat, Lysimaque Tavernier (1805- ?. Stendhal a peut-être transposé sa propre histoire dans le conflit entre le comte Mosca et le fiscal Rassi dans La Chartreuse de Parme). Il préfère l’atmosphère de Paris. Toutefois, il entreprendra à de multiples occasions des fouilles archéologiques à Tarquinia et à Cerveteri situées à quelques dizaines de kilomètres de Civitavecchia (ces fouilles inspireront certains passages de La Chartreuse de Parme, chapitre VII ; chapitre IX ; chapitre XI). C’est le 25 juillet que le gouvernement pontifical lui accorde l’exequatur. Fin septembre, il écrit San Francesco a Ripa qu’il ne publie pas.
En 1832, il voyage à travers l’Italie. Il écrit les douze premiers chapitres des Souvenirs d’égotisme(publiés à titre posthume) entre le 20 juin et le 4 juillet. Il s’interrompt définitivement. En septembre, il commence un nouveau roman, Une position sociale, qu’il ne terminera jamais. Il y décrit l’ambassadeur de France à Rome Louis-Clair de Beaupoil de Sainte-Aulaire (1778-1854) et rêve à sa femme, la belle comtesse de Saint-Aulaire (1802-1873) : ce n’est guère publiable. La même année, il revoit Giula Rinieri qui lui prouve son amour.
En 1833, il découvre des manuscrits qu’il copie. Ils lui donneront le thème de ce que nous nommons les Chroniques italiennes. Giula Rinieri, lasse de l’attendre, même si elle lui prouve encore qu’elle l’aime, se marie le 24 juin. Stendhal lui écrit : « Eh bien donc, nous ne serons qu’amis ». Le 15 décembre, il rencontre à Lyon l’écrivaine George Sand (1804-1876) et le poète Alfred de Musset en route pour l’Italie. Stendhal y retourne après un séjour à Paris. Ils descendent ensemble le Rhône.
En 1834, il est ou à Civitavecchia ou plus souvent à Rome. Il entreprend Lucien Leuwen (roman inachevé publié à titre posthume) en mai. La satire de la monarchie de Juillet y est féroce. Le livre III, abandonné, devait se situer à Rome. Sur l’exemplaire Bucci du Rouge et le noir, il écrit : « M. de Tracy me disait : on ne peut plus atteindre au vrai (il n’y a plus de vérité) que dans le roman » (cité par Daniel Moutote, « L'expression de l'égotisme dans les romans de Stendhal », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1974, n°26. p. 207). Le 21 décembre, dans une lettre à Sainte-Beuve, il a ce mot : « Le siècle progresse ! Quel joli mot qui rime avec graisse ! » 
En janvier 1835, il reçoit la légion d’honneur comme homme de lettres. Il a la vue qui baisse ; il porte donc des lunettes à partir du 1erseptembre. Il a les dents qui tombent. En novembre, il délaisse Lucien Leuwen pour la Vie de Henry Brulard (publié à titre posthume).
Le 26 mars 1836, il interrompt définitivement La vie de Henri Brulard lorsqu’il apprend que sa deuxième demande de congé pour Paris est acceptée. Il a obtenu trois mois mais le congé va durer trois ans grâce notamment au premier ministre, le comte Louis Molé (1781-1855). Il perçoit toujours ses dix mille francs annuels de traitement. Il travaille sur les Mémoires sur Napoléon. Restant amoureux de la comtesse de Saint-Aulaire, il l’est également de la comtesse Cini (dite Sandre) : ce sont des amours “platoniques”. Durant son congé, il voyage en France, mais également en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique. En novembre, il travaille à nouveau à sa Vie de Napoléon. Il tente sans succès de renouer avec la comtesse Curial. Il s’attache en vain à sa vieille amie, Mme Sophie Gauthier, l’amie de sa sœur Pauline.
En 1837, il essaie de reprendre la vie mondaine de 1820 sans beaucoup de succès. Il commence à publier dans la Revue des deux Mondes certaines de ce que nous nommons ses Chroniques italiennes Vittoria Accoramboni, le 1er mars et Les Cenci le 1er juillet. Il commence les Mémoires d’un touriste. Il revoit Giula Rinieri à Paris. En juin, il arrête de travailler à sa Vie de Napoléon sans l’avoir achevé. Il a un projet de récit qui reste inachevé, Le Rose et le Vert.
Le 25 juin 1838, il publie les Mémoires d’un touriste. C’est le récit par un pseudo-représentant en objets de verre d’un voyage en France. Le mot tourisme qu’il acclimate ainsi est d’origine anglaise. Il continue à publier des Chroniques italiennes La Duchesse de Palliano le 15 août. Le 16 août, il a le projet d’une nouvelle tirée de la jeunesse d’Alexandre Farnèse intitulé Origines des grandeurs de la famille Farnèse. Elle raconte l’ascension d’Alexandre Borgia, futur pape Paul III, son ascension grâce à sa tante Vandozza Farnèse. Est-ce un modèle de la Sanseverina de La Chartreuse de Parme ? À son propos, Stendhal a noté : « Voici la famille Farnèse qui fait fortune par une catin, Vandozza Farnèse ». Ce qui n’est pas le cas de l’héroïne du roman. L’histoire conte aussi les amours d’Alexandre avec une noble romaine, Cléria. Le prénom est proche de Clélia, l’aimée de Fabrice Del Dongo dans La Chartreuse de Parme. Ce jour-là, sur la copie du texte, Stendhal écrit : « Make of this sketch a romanzetto. » Dans le même temps, il fait, à partir du 1erseptembre, le récit pour deux jeunes filles de la bataille de Waterloo d’un héros prénommé Alexandre. Il s’agit des filles de la comtesse de Montijo, Paca et Eugénie, la future femme de Napoléon III (la dédicace à la fin du chapitre III en est la marque). Il revoit Giula Rinieri. Puis, le projet de romanzetto prend corps, augmente et devient un roman. Il commence à rédiger L’Abbesse de Castro en septembre. À partir du 4 novembre, il s’enferme au quatrième étage du 8 rue Caumartin. Le 15, il a déjà dicté, à un copiste embauché pour l’occasion, 270 pages de son manuscrit. Le 2 décembre, il en est à 640 pages. À noël, Stendhal a terminé La Chartreuse de Parme. Le 26 décembre, il remet son manuscrit à Romain Colomb (1784-1858), son cousin par la branche maternelle, qui le confit à l’éditeur Ambroise Dupont.
Le 24 janvier 1839, le contrat est signé avec Ambroise Dupont. Le libraire achète les droits pour cinq ans pour 2500 francs. Les 1er février et 1er mars 1839, L’Abbesse de Castro paraît dans La Revue des Deux Mondes. Du 6 février au 26 mars, Stendhal corrige les épreuves de La Chartreuse de Parme. Il a dû éliminer des passages car son éditeur trouvait le roman trop long. Entre temps, Le Constitutionnel publie l’épisode de Waterloo le 17. En mars, le ministre Molé tombe. Le 20 mars, Balzac lui écrit pour louer son texte sur Waterloo tout en lui exprimant sa jalousie, autre façon d’en faire l’éloge. Balzac (1799-1850) attend avec impatience le livre. Le 5 avril, après avoir reçu un exemplaire avant la publication qu’il a lu, il lui envoie une lettre pour le féliciter tout en lui faisant non des critiques mais des observations. Il n’aurait pas dû nommer la ville ni l’État. Il trouve des longueurs pour le lecteur vulgaire. Quant à la fin, elle est trop rapide. Il manque quelques descriptions physiques de personnages. Il aurait pu aussi montrer Rassi en son intérieur pour préparer la fin. La Chartreuse de Parmeest publiée le 6 avril. Le 14 avril, Balzac écrit à Mme Hanska : « Beyle vient de publier à mon sens le plus beau livre qui ait paru depuis cinquante ans. » Le 24 juin, Stendhal doit partir pour Civitavecchia retrouver son poste. Il fait des détours de sorte qu’il n’y arrive que le 10 août. Il est surtout à Rome où Mérimée le retrouve. Il entreprend Lamiel (inachevé qui sera publié à titre posthume). Le 28 décembre L’Abbesse de Castro paraît avec trois autres nouvelles, Vittoria AccoramboniLes CenciLa Duchesse de Palliano (le recueil recoupe partiellement nos Chroniques italiennes).
En 1840, il réside peu à Civitavecchia. Il est surtout à Rome. Il est amoureux d’une mystérieuse « Earline ». Il parle de « The last romance ». Le 25 septembre, Balzac, enthousiaste fait paraître dans la Revue parisienneson article sur La Chartreuse de Parme. L’article fait 69 des 124 pages de la revue. Il le qualifie d’« homme de génie ». Mais il lui reproche aussi un style négligé. Le 15 octobre, Stendhal reçoit l’article de Balzac sur La Chartreuse de Parme. Le 16 octobre, il lui écrit comment il a procédé, à savoir écrire 20 à 30 pages par jour puis se distraire. Ayant tout oublié le lendemain matin, il relit les trois ou quatre dernières pages et reprend sa tâche. Il s’est très peu corrigé. Le 10 novembre, il note : « Après avoir [lu] l’article de M. Balzac je prends mon courage à deux moins pour corriger le style. » Mais il va progressivement abandonner ce travail de correction. Il publie en collaboration avec le peintre suisse Abraham Constantin les Idées italiennes sur quelques tableaux célèbres qu’il destine à la mystérieuse « Earline ». Il retrouve la tendresse avec Giula Rinieri à Florence.
Le 15 mars 1841, il a une attaque d’apoplexie. Il écrit « Je me suis colleté avec le néant » (lettre à Domenico Fiore du 5 avril 1841). Toujours à son ami Domenico Fiore, il écrit : « Je vous aime réellement, et il n’y a pas foule. » (lettre à Domenico Fiore du 19 avril 1841). En août, il note que la femme du sculpteur Bouchot lui a donné deux grandes joies « perhaps the last of his life » comme il le note. Le 21 octobre il part pour Paris en congé où il arrive en novembre. Il travaille régulièrement. Peut-être à Lamiel.
Le 21 mars, il s’engage à fournir des nouvelles à la Revue des deux Mondes pour 2500 francs. Le 22 mars, il a une nouvelle attaque d’apoplexie dans la rue Neuve-des-Capucins à sept heures du soir. Il ne reprend pas connaissance. Le 23 mars, Henri Beyle meurt à deux heures du matin. Romain Colomb devient son exécuteur testamentaire. Il lègue à son ami Donato Bucci (1798-1870) sa bibliothèque qui contient notamment des exemplaires annotés d’Armance, des Promenades dans Rome, du Rouge et le noir, de La Chartreuse de Parmeet des Mémoires d’un touriste.
Sur sa tombe est inscrit en italien : Arrigo Beyle Milanese Scrisse Amò Visse (Henri Beyle. Milanais. Il écrivit. Il aima. Il vécut.)

En 1850, Prosper Mérimée fait paraître de façon anonyme une plaquette, H.B., qui présente un Stendhal grotesque, incohérent, immoral. Il écrit notamment : « Il n’avait aucune idée religieuse, ou s’il en avait, il apportait un sentiment de colère et de rancune contre la Providence. « Ce qui excuse Dieu, disait-il, c’est qu’il n’existe pas. » »
En 1876, ses Mémoires sur Napoléon sont publiés.
En 1888, son Journalest publié.
En 1890, sa Vie de Henry Brulard est publiée.
En 1893, ses Souvenirs d’égotisme sont publiés.
En 1894, Lucien Leuwen est édité.
En 1932, Une position socialeest publiée.
En 1928, Le Rose et le Vert, un projet de récit inachevé, est publié.
En 1980, l’inventaire du fonds Bucci est publiée par Victor Del Litto (1911-2004), fonds qui se trouve à Milan dont il remarque que les Autrichiens en avaient expulsé Henri Beyle.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire