Molière ou
plutôt Jean-Baptiste Poquelin est baptisé le 15 janvier 1622 en l’Église
Saint-Eustache à Paris. Il est le fils de Jean Poquelin (~1593-1669) et de
Marie Cressé (~1595-1632) qui se sont mariés le 22 février de l’année
précédente. Son père, fils de tapissier est tapissier. Sa mère est fille et
petite-fille de tapissier. Il est le premier de six enfants, dont deux mourront
en bas âge.
En 1631, Jean
Poquelin achète la charge de “tapissier ordinaire du Roi” à son frère Nicolas
(1600-1646). Il reçoit ainsi le titre honorifique d’Écuyer et 337 livres de
gages par an. Il est reçu le 22 avril.
Le 11 mai
1632, la mère de Molière meurt.
En mai 1633, son
père se remarie avec Catherine Fleurette (~1617-1636), fille de marchands du
quartier.
En 1635, il
entre au collège de Clermont (aujourd’hui lycée Louis-le-Grand). Les Jésuites y
prodiguent un enseignement complet où le théâtre tient un grand rôle. Le futur
Molière y acquiert une solide culture et une grande connaissance des
classiques. Il a peut-être eu pour condisciple Claude Chapelle (1626-1686). Son
grand-père maternel, Louis Cressé, l’emmène au théâtre, à l’Hôtel de Bourgogne
où sont jouées les farces par les Comédiens Italiens et les tragédies par les
“Grands Comédiens”.
Le 12 novembre
1636, la deuxième femme de son père, Catherine Fleurette, meurt.
En décembre
1637 Jean-Baptiste prête serment de “survivancier” à la charge de tapissier du
roi. Il commence dans le même temps des études de droit pour devenir avocat.
En 1638,
Claude Chapelle emmène Jean-Baptiste voir Pierre Gassendi (1592-1655),
l’épicurien qui s’opposera à Descartes, correspondant de Galilée (1564-1642).
En 1640
Jean-Baptiste rencontre Tiberio Fiorelli, dit Scaramouche, maître de la
pantomime. Peut-être qu’il prend des cours avec lui. Il rencontre une
comédienne de 22 ans, Madeleine Béjart (1618-1672), fille d’un huissier des
eaux et forêts, “protégée” du duc de Modène ainsi que le reste de sa famille
dont ses frères Joseph (~1616-1658), Geneviève (1624-1675), Louis (1630-1678).
Et il y a Armande (1638-1700) née en 1638, qui passera pour la sœur de
Madeleine. Mais n’est-elle pas plutôt sa fille et celle de son amant le duc de
Modène ?
En 1641, il
est peut-être reçu avocat. Son père essaye sans succès de l’éloigner de
Madeleine en l’envoyant à sa place à la cour de Narbonne.
Le 6 janvier
1643, Jean-Baptiste renonce à la survivance de la charge de tapisser du roi de
son père. Ce dernier lui coupe les vivres. Le 30 juin, il signe le contrat qui
fonde l’Illustre-Théâtre avec Madeleine Béjart, son frère Joseph et neuf autres
comédiens. Madeleine a seule le droit de choisir ses rôles. Jean-Baptiste se
partage les rôles tragiques avec deux comédiens. Le 12 septembre, l’Illustre
Théâtre loue le jeu de paume des Métayers. En attendant la fin des travaux
d’aménagement, la troupe part jouer à Rouen. En décembre, la troupe revient.
Léonard Aubry fait paver le sol devant le théâtre le 28 (cf. Eudoxe Soulié, Recherches sur Molière et sur sa famille,
Hachette, 1863, p.173 et sq.).
Le 1er
janvier 1644, L’Illustre Théâtre ouvre ses portes. Ses rivaux sont l’Hôtel de
Bourgogne, troupe née en 1629 et le Marais, troupe née en 1634 grâce à
Guillaume Desgilberts, dit Montdory (1594-1653). La troupe joue sans grand
succès Pierre Corneille (1606-1684), Pierre du Ryer (1605-1658) Nicolas Mary,
sieur Desfontaines dit Desfontaines, (~1610-1652), Jean Magnon ( ?-1662)
et François l’Hermite dit Tristan l’Hermite (1601-1655). Sous le pseudonyme de
Molière (mot-lierre), Jean-Baptiste signe un contrat pour engager un danseur
professionnel le 28 juin. Malgré le soutien de Gaston d’Orléans (1606-1660),
deuxième frère du roi, les dettes s’accumulent.
En juillet
1645, Molière connaît la prison pour deux factures impayées de chandelles. C’est
le paveur Léonard Aubry qui fournit la caution qui lui permet d’être libéré.
Son père rembourse ce dernier. Bientôt la troupe quitte Paris. C’est la fin de
l’Illustre Théâtre. À l’automne, Molière, Joseph, Madeleine et Geneviève Béjart
entrent dans la troupe du comédien Charles Dufresne (~1611-1684) où se trouve
René Berthelot, dit Du Parc ou Gros-René (1630-1664). Elle compte une vingtaine
de comédiens. Elle est la troupe de Bernard de Nogaret de La Valette , duc d’Épernon (1592-1661), alors
gouverneur de Guyenne. Commence ainsi une série de pérégrinations qui vont
durer jusqu’en 1658. La troupe joue à Albi.
En 1648, la
troupe est à Nantes.
En 1649, la
troupe est à Toulouse, Montpellier, Narbonne.
Début janvier
1650 Molière et Catherine Leclerc du Rosé (1630-~1706), actrice de la troupe,
font baptiser un fils. Elle se marie peu après avec Edme Villequin, dit de Brie
(1607-1676). Quelques jours plus tard, Molière est le parrain de Jean, fils
d’Anne. Est-ce le même ? En avril, il rentre à Paris pour régler une
affaire de dettes avec son père. Il prend la direction de la troupe. Elle est à
Agen. Elle parcourt le Languedoc avec un nouveau membre, l’ancien maître de
musique de Louis XIII (1601-1610-1643)
un excellent luthiste souvent obligé de fuir à cause de son homosexualité,
Charles Coypeau (1605-1675/77),
dit d’Assoucy. À Pézenas la troupe attire l’attention d’Armand de Bourbon,
prince de Conti (1629-1666, frère du Grand Condé), nouveau gouverneur de
Guyenne puis du Languedoc. Bientôt la troupe de Molière devient la troupe du
prince de Conti. La troupe s’installe à Pézenas (actuel département de l’Hérault).
En 1651, la
troupe est à Vienne puis à Carcassonne.
En 1652, la
troupe est à Grenoble.
À partir de
1653, Lyon, est le port d’attache de la troupe qui fait la navette entre cette
ville et les États de Languedoc.
En 1654, le
prince de Conti qui a besoin d’un secrétaire propose cet office à Molière. Il
préfère continuer l’aventure de la troupe.
En 1655 Molière
est en Avignon. Le peintre Nicolas Mignard (1606-1668) y peint « le portrait de Jean-Baptiste
Poquelin-Molière en César ». Il aurait créée L’Étourdi, sa première comédie où « Un valet conseiller y fait
mal ses affaires » (Acte I, scène 2). Le prince de Conti rencontre Mgr Nicolas
Pavillon (1597-1677), évêque d’Aleth (de 1639 à 1677) et membre de la Confrérie du
Saint-Sacrement de l’Autel. Créée vingt-huit ans plus tôt, le projet de la
confrérie était de contraindre le peuple à la sainteté pour la plus grande
gloire de Dieu. Sa campagne du moment visait à l’interdiction définitive de
l’usage du tabac. Conti prend pour confesseur l’abbé Gabriel de Ciron
(1619-1675), chancelier de l’Université de Toulouse. Il est converti. Il retire
son patronage à la troupe qu’il chasse violemment. Il va devenir, au sein de la
confrérie du Saint-Sacrement, un ennemi de Molière.
En 1656, la
troupe est à Narbonne puis à Béziers où est créé Le Dépit amoureux. Une fille amoureuse se travestit en garçon pour
retrouver son amoureux.
En 1657, la
troupe parcourt le Sud-ouest et la région de Lyon-Dijon.
En 1658, la
troupe remonte sur Rouen. Elle prépare son retour à Paris. Molière rencontre
les deux frères Corneille, Pierre et Thomas (1625-1709). Pierre Corneille,
amoureux, et en concurrence avec son frère Thomas, adresse ses fameuses stances
à la « Marquise » Du Parc (1633-1668), la femme de Gros-René. Molière
et sa troupe sont de retour à Paris. La troupe devient celle de Monsieur,
Philippe d’Anjou (1640-1701), homosexuel notoire mais jeune frère du roi Louis
XIV (1638-1643-1715). Le 24 octobre,
la troupe joue devant le roi dans la salle des gardes du Louvre. Au programme, Nicomède (1651) de Corneille. Quoique
rodée, la pièce de Corneille ennuie. Molière donne une de ses farces, le Docteur amoureux. C’est un triomphe. Le
2 novembre grâce à l’appui du roi, la troupe s’établit dans la salle du
Petit-Bourbon qu’elle partage avec les Comédiens-Italiens, ceux-ci jouent les
jours ordinaires (dimanche, mardi, vendredi), la troupe de Molière se
contentant des autres jours.
Après Pâques
1659, les Du Parc quittent la troupe pour celle du Marais. Charles Dufresne
prend sa retraite. Arrivent Philibert Gassot, dit du Croisy (1626-1695), âgé de
29 ans, Charles Varlet de La
Grange (1635-1692), âgé de 19 ans et Julien Bedeau, dit
Jodelet (~1600-1660) le dernier farceur du Paris qui emmène son frère L’Espy
(~1603-1663). Le 7 juillet 1659, les Italiens étant retournés en Italie,
Molière et sa troupe dispose seul du Petit-Bourbon. Le répertoire est composé
des pièces tragiques de Corneille. On n’y déclame emphatiquement des pièces de
Jean Rotrou (1609-1650), Tristan l’Hermite, Jean Mairet (1604-1686). Molière
n’y réussit pas. Par contre, L’Étourdi
et Le Dépit amoureux ont du succès. Le
18 novembre, c’est la création des Précieuses
ridicules. La pièce est un immense succès (cf. Gérard Defaux, Molière ou les métamorphoses du
comique : de la comédie morale au triomphe de la folie, Lexington,
Kentuchy, French Forum, Publishers, 1980, p.46). La pièce est jouée en même
temps qu’est repris le Cinna (1641)
de Corneille qui ennuie. Molière remplace bientôt la pièce de Corneille qui en
est furieux. Son frère, Thomas, qualifie Les
Précieuses ridicules de « bagatelles ». Joseph Béjart meurt.
En 1660, Les Précieuses ridicules paraissent avec
un achevé d’imprimer daté du 29 janvier. Le 26 mars Jodelet meurt. Par
prudence, Molière qui s’est réconcilié avec son père, et dont le frère cadet,
Jean, vient de mourir le 6 avril, reprend la survivance de la charge de son
père. Elle lui permet de voir matinalement le roi. Les Du Parc, peut-être
attirés par le succès, retrouvent la troupe. Le 28 mai est créé Sganarelle ou le Cocu imaginaire au
Palais Royal. La pièce est une suite de quiproquos autour d’un médaillon
trouvé. Le succès est au rendez-vous. Il poursuit le libraire Ribou qui a
publié Les Précieuses ridicules sans
son autorisation. Le 31 mai, il prend un privilège pour l’impression de L’Étourdi, du Dépit amoureux et de Sganarelle.
Le 11 octobre le théâtre du Petit-Bourbon est détruit. La troupe de Molière
obtient le théâtre du Palais-Royal qui nécessite d’importants travaux. Cette
année-là, Charles Le Brun (1619-1690) fait le portrait de Molière.
En 1661, les
Comédiens Italiens reviennent avec Domenico Biancolelli (1640-1688), le grand
Arlequin, âgé de 21 ans. Il deviendra l’ami de Molière. Durant les travaux de
la salle du Palais-Royal, la troupe joue quelques fois devant le roi au Louvre
ou à Vincennes. Le 4 février, est créée Dom
Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, une comédie héroïque dont le titre
dit bien le sujet. C’est un échec. La pièce est retirée après quatre
représentations et Molière ne la fera pas publier de son vivant. Le 24 juin L’École des maris est créée. On a pensé
que la pièce était démarquée de la pièce, les Adelphes, du poète comique latin Térence (190-159 av. J.-C.). Deux
frères âgés veulent épouser deux sœurs. L’une d’elle réussit à se défaire de
son amoureux pour épouser son jeune amant. Le second frère tente en vain de
raisonner l’éconduit. La pièce est un succès. En juillet la troupe joue L’Étourdi et Le Cocu imaginaire pour le Surintendant aux Finances, Nicolas
Fouquet (1615-1680). Ce dernier, enthousiaste, commande à Molière une nouvelle
pièce. Lors de la grande fête donnée par Nicolas Fouquet à Vaux-le-Vicomte pour
l’inauguration de son château, Molière est chargée de coordonner les
spectacles. Il crée le 17 août Les Fâcheux, sa première comédie-ballet, avec
un prologue de Paul Pellisson (1624-1693). Le thème en est un rendez-vous
amoureux que des « fâcheux » diffèrent sans cesse. Le roi lui-même
lui souffle un épisode. Sous les personnages, on reconnaît les modèles que
Molière croque à la cour. La
Fontaine (1621-1695), pensionné depuis deux ans par Fouquet,
en fait le compte rendu suivant :
« Tout cela fait place à la comédie, dont le sujet est un homme
arrêté par toute sorte de gens, sur le point d’aller à une assignation
amoureuse.
C’est un
ouvrage de Molière ;
Cet écrivain
par sa manière
Charme à
présent toute la Cour.
De la façon que
son nom court,
Il doit être
par delà Rome :
J’en suis ravi, car c’est mon homme. » La
Fontaine , À
Monsieur de Maucroix relation d’une fête donnée à Vaux année 1661.
Le 23 janvier
1662 est signé le contrat de mariage entre Molière et Armande Béjart, la plus
jeune sœur de Madeleine ou sa fille, qu’il a élevée. Le 20 février, le mariage
religieux est célébré à Saint-Germain l’Auxerrois. Au printemps, Molière
engage, François Le Noir, dit La
Thorillière (1626-1680). Il vient du théâtre du Marais. Durant
l’été, la troupe part jouer pour le roi à Saint-Germain. Molière engage
Guillaume Marcoureau, dit Brécourt (1638-1685) qui quittera la troupe deux ans
plus tard pour celle de l’Hôtel de Bourgogne. Fin novembre 1662 l’édition
originale de L’Étourdi avec Le Dépit amoureux, Sganarelle ou le Cocu imaginaire et Dom Garcie de Navarre voit le jour, avec la date de 1663. Le 26 décembre, L’École des femmes est créée au Palais-Royal. Agnès est élevée par
Arnolphe, son tuteur, qui la garde innocente pour l’épouser. Mais l’amour de la
jeunesse sera le plus fort. En trois semaines, elle rapporte 11 000
livres. Elle suscite une virulente querelle. Elle est notamment attaquée par le
prince de Conti, l’ancien protecteur de Molière revenu à la religion.
Le 1er
janvier 1663 Boileau prend la défense de Molière avec ses Stances à M. Molière sur sa comédie de L’École des femmes que plusieurs gens frondaient. La pièce
est publiée le 17 mars et Molière annonce dans la préface qu’il va porter la
querelle sur la scène. Il créé La Critique de l’École des femmes le 1er
juin au Palais-Royal. Colbert (1619-1683), le ministre de Louis XIV, charge le
poète Jean Chapelain (1595-1674) de dresser la liste des écrivains qui méritent
d’être pensionnés. Molière en fait partie pour mille livres par an. Il écrit un
Remerciement au roi. En août, on joue
Zélinde ou la Véritable Critique de l’École de Jean Donneau de Visé (1638-1710) qui accuse Molière
d’impiété. Le 1er octobre, Edme Boursault (1638-1701) fait jouer à
l’Hôtel de Bourgogne la première du Portrait
du peintre ou la contre-critique de l’École des femmes où Molière est
présenté comme un cocu. Il assiste à une représentation. Il crée L’Impromptu de Versailles à Versailles
le 14 octobre. La pièce est donnée une seconde fois le lendemain. Elle est une
nouvelle réponse, forte, à ses adversaires où Molière joue son propre rôle. Il
y précise d’ailleurs le rôle des modèles réels dans une comédie :
« Comme l’affaire de la comédie est
de représenter en général tous les défauts des hommes et principalement des
hommes de notre siècle, il est impossible à Molière de faire aucun caractère
qui ne rencontre quelqu’un dans le monde ; et s’il faut qu’on l’accuse
d’avoir songé à toutes les personnes où l’on peut trouver les défauts qu’il
peint, il faut sans doute qu’il ne fasse plus de comédies. » Molière, L’impromptu de Versailles, scène 4.
Molière et sa
troupe séjournent à la Cour. Le 4
novembre, il reprend L’Impromptu de Versailles
à Paris. Les ennemis de Molière ne désarment pas. Donneau de Visé joue contre
lui La Vengeance du Marquis. Zacharie Jacob, dit
Montfleury (1600-1667), l’acteur vedette de l’hôtel de Bourgogne, adresse au
roi une plainte où il accuse Molière d’avoir épousé sa propre fille fin
décembre. Et Antoine Jacob, dit également Montfleury (1640-1685), le fils de
l’acteur, donne L’Impromptu de l’Hôtel de
Condé où il accuse plus ou moins clairement Molière d’inceste.
En 1664, il
donne le 29 janvier une comédie-ballet au Louvre, Le Mariage forcé. Commence alors son association avec le musicien Jean-Baptiste
Lully, né Giovanni Battista (1632-1687), surintendant de la musique royale.
Louis, le premier fils de Molière, né le 19 janvier, est baptisé le 28 février.
Il a pour parrain le roi et pour marraine Henriette d’Angleterre. Le roi montre
ainsi qu’il ne croit pas aux accusations d’inceste. Molière prépare les Plaisirs de l’Île enchantée, que Louis XIV
veut offrir à sa favorite, Mlle de La Vallière (1644-1710), sous le prétexte d’honorer
la reine. La Compagnie
du Saint-Sacrement de l’Autel s’en inquiète et veut interdire une pièce qu’elle
ne connaît pas. Brécourt quant à lui rejoint l’hôtel de Bourgogne. À partir du
8 mai, les Plaisirs de l’Île enchantée
ont lieu à Versailles. C’est dans ce cadre que Molière donne le premier jour
une comédie galante La Princesse d’Élide qui peut se lire comme la
révélation des amours du roi. Le 9, il donne Le Palais d’Alcine. Le dimanche 10, on reprend Les Fâcheux. Le lundi 11, il donne devant le roi un Tartuffe en trois actes. Le mardi, on
donne Le Mariage forcé. Le mercredi,
la fête s’achève. Le premier Tartuffe
est interdit sur l’intervention de la confrérie du Saint-Sacrement de l’Autel,
soutenue par la reine-mère, Anne d’Autriche. L’abbé Pierre Roullé, curé de Saint-Barthélemy,
dans un libelle intitulé Le Roy glorieux
au monde, ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les rois du monde, écrit contre
le Tartuffe de Molière où il dénonce une pièce écrite contre l’Église. Il le
nomme : « Un homme, ou plutôt
un démon vêtu de chair et habillé en homme, et le plus signalé impie et
libertin qui fût jamais ». Il l’accuse d’avoir, avec le premier
Tartuffe, donné une pièce « à la
dérision de toute l’Église, et au mépris du caractère le plus sacré et de la
fonction la plus divine, et au mépris de ce qu’il y a de plus saint dans
l’Église ». Il le voue au « dernier
supplice exemplaire et public, et le feu même ». La troupe de Molière crée
le 20 juin au Petit-Bourbon La Thébaïde ou les Frères ennemis la première
tragédie de Jean Racine (1639-1699). Le 21 juillet, il fait approuver sa pièce
par le légat Flavio Chigi (1631-1693). En août il écrit son « Premier
placet au roi » à propos de Tartuffe.
Il joue et lie sa pièce en privé. Boileau lui dédit la Satire
II où il écrit de lui « Rare et fameux esprit dont la fertile veine… » En novembre, Tartuffe comprend maintenant cinq actes.
Son fils meurt le 10 novembre. Le 29, il joue la nouvelle version du Tartuffe en privée sur l’ordre de
Monseigneur le Prince de Condé (1621-1686) qui appartient au parti libertin. André
Hubert ( ?-1700) remplace Brécourt dans la troupe. René Du Parc, dit
Gros-René, meurt et la femme de Du Croisy s’en va. Lagrange remplace Molière
comme orateur de la troupe.
Le 15 février 1665,
Don Juan est créé au Palais-Royal. La
pièce connaît un grand succès jusqu’à la clôture annuelle le 20 mars. S’ensuit
une nouvelle querelle. La pièce disparaît à la rentrée de l’affiche.
Certainement des pressions discrètes en sont-elles la cause. L’anonyme Sieur de
Rochemont fait paraître les Observations
sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre, dont le permis d’imprimer
date du 10 mai, un pamphlet contre Molière qui provient peut-être de l’entourage
de Port-Royal. Il y déclare notamment : « C’est là que l’on peut dire que l’impiété et le libertinage se présentent
tous moments à l’imagination ». C’est à ce moment que le prince de
Conti écrit son Traité de la comédie et
des spectacles. Le 14 août, la troupe de Molière devient la troupe des
Comédiens du roi qui lui accorde 6000 livres de pension. Molière a une fille
qui naît le 4 août, Esprit-Madeleine dont la marraine est Madeleine Béjart et
le parrain le duc de Modène. C’est le seul enfant qui lui survivra. À
Versailles, Molière crée le 15 septembre L’Amour
médecin où la flatterie apparaît comme l’essentiel de l’art médical. Il se
brouille avec Racine qui avait fait répéter son Alexandre le Grand par sa troupe et la troupe rivale de l’hôtel de
Bourgogne. C’est elle qui crée la pièce le 4 décembre. Molière est trahi par ce
jeune auteur qu’il a aidé.
En 1666 est
publié le Traité de la comédie et des
spectacles, selon la tradition de l’Église tirée des conciles et des saints
Pères du prince de Conti qui critique ce qu’il a adoré. Molière est
gravement malade. Il ne joue pas pendant deux mois. Il a des difficultés avec
sa femme, Armande, jeune et volage. Le
Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux, sur lequel il a travaillé durant
deux ans, est créé au Palais-Royal le 4 juin. Le succès n’est pas net jusqu’à
ce que la pièce partage l’affiche à partir du 6 août avec Le Médecin malgré lui. Mélicerte,
comédie pastorale héroïque avec un ballet est créée à Saint-Germain le 1er
décembre avec dans le premier rôle un jeune comédien de treize ans, Michel
Baron (1653-1729) ainsi que Le Ballet des
Muses.
En 1667, deux
comédies-ballets sont créées à Saint-Germain : La
Pastorale comique
le 5 janvier et Le Sicilien ou l’Amour
peintre le 14 février. Le thème du Sicilien
est encore une fois un mariage qui va se faire au nez et à la barbe d’un irascible.
Le petit Baron y joue le rôle de Myrtil. En avril et en mai, Molière ne joue
pas pour raison de santé. Il se retire à Auteuil. Ses amis l’y rejoignent,
Claude Chapelle, Nicolas Boileau, Jean de La Fontaine , Jean-Baptiste
Lully. L’affaire Tartuffe rebondit.
Le roi a rejoint l’armée des Flandres. Croyant à une autorisation royale,
Molière crée le 5 août, l’Imposteur,
une version douce du Tartuffe. Le
lendemain matin, la pièce est interdite par le premier président du parlement
de Paris Guillaume de Lamoignon (1617-1677), par ailleurs membre de la Confrérie du Saint-Sacrement
de l’Autel. Boileau et Molière vont le voir. Il refuse qu’elle soit jouée au
nom du principe selon lequel un comédien n’a pas à instruire sur les affaires
religieuses. Molière en veut à Mgr. Hardouin De Péréfixe (1605-1671), membre de
l’académie française, qu’il pense être le chef de la cabale des dévots. Un
second « Placet au roi » est porté par Lagrange et La Thorillère , sans
succès. Le 11 août une lettre de Mgr. De Péréfixe est publiée qui dénonce la
comédie de Molière comme un texte de libertin (le terme désignait un homme dont
la pensée est affranchie de la religion quelles que soient ses mœurs par
ailleurs). Elle fait interdiction aux chrétiens de la jouer ou de la lire.
Texte de droit canonique, il échappe au pouvoir temporel du roi. Un texte
anonyme relatif au Tartuffe intitulé Lettre sur la comédie de l’Imposteur et
daté du 20 août est publié. Il est peut-être dû à l’entourage de Chapelle,
voire a été dicté par Molière lui-même. Le 21 août, Molière connaît un premier
séjour forcé à Auteuil. La Du
Parc suit Racine, son amant, à l’hôtel de Bourgogne. Au mois
de décembre, la troupe joue une nouvelle pièce de La Thorillière , Cléopâtre.
Le 13 janvier
1668 Amphitryon est créé au
Palais-Royal. La pièce est démarquée de deux pièces : l’Amphitryon (187 av. J.-C.) de Plaute (~254-184
av. J.-C.) et Les deux Sosies (1636) de
Rotrou qui est la traduction de la précédente. Jupiter se change en Amphitryon
pour obtenir son épouse, Alcmène. Sont ainsi représentés, et la nouvelle
conquête du roi, Françoise Athénaïs de Rochechouart, Marquise de Montespan
(1640-1707) et la douleur du mari, le marquis (1640-1691), qui la clame à qui
veut l’entendre. La pièce justifie l’adultère royal – ce qui scandalisera Jean-Jacques
Rousseau (1712-1778) dans sa Lettre à d’Alembert
sur les spectacles (1758). En janvier, Tartuffe
est représenté à nouveau à titre privé chez le prince de Condé. Georges Dandin est représenté à
Versailles le 18 juillet avec une musique de Lully. Le Dandin des Plaideurs de Racine qui était démarqué
de La Jalousie
du barbouillé est repris par Molière. Ce dernier réussit à désamorcer un
conflit avec un dénommé Dandin, une personne réelle. Le 9 septembre, L’Avare est représenté au Palais-Royal. La
pièce est démarquée de l’Aulularia ou
Comédie de la marmite du poète
comique latin Plaute. Molière a-t-il connu La
Comédie de
l’Aridosia de Lorenzo de Médicis (1514-1548) ? Harpagon, l’avare, veut
épouser la jeune Mariane, aimée par son fils Cléante et donner en mariage sa
fille Élise au vieil et riche Anselme alors qu’elle est l’amante de Valère, un
jeune homme qui l’a sauvée et qui est devenu l’intendant d’Harpagon. Le valet
de Cléante volera le trésor d’Harpagon qui abandonne finalement ses idées de
mariage lorsque le vieil Anselme se révèlera le père de Mariane et Valère et se
proposera d’assurer tous les frais des mariages alors qu’Harpagon retrouve son
cher trésor. Molière joue Harpagon à qui il prête sa toux (cf. Acte II, scène
5). La pièce ne fait pas recette. En décembre, il reprend L’Avare. Il se sépare d’Armande, sa femme, qu’il ne voit plus qu’à
la scène. Il prête de l’argent à son père dont les affaires vont mal. Le 1er
décembre, Mlle Du Parc meurt.
En 1669, la
première représentation du Tartuffe autorisé
a lieu le 5 février. Un dévot, le personnage éponyme, s’est introduit dans une
famille bourgeoise où il tyrannise tout le monde. Le bourgeois Orgon qui s’en
est entiché sera détrompé par un stratagème de sa femme que Tartuffe tente de
séduire. Le roi intervient tel un deux ex machina pour dénouer la captation
d’héritage ourdi par l’hypocrite. Jusqu’à la clôture de Pâques, la pièce est
jouée avec succès. Molière donne son « Troisième placet au roi ». Le
21 février, la pièce est jouée chez la reine, Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683).
Elle est représentée à Saint-Germain le 3 août. Le père de Molière meurt le 27,
endetté, presque pauvre. Une succession difficile s’ouvre. La comédie-ballet, Monsieur de Pourceaugnac, est donnée à
Chambord le 6 octobre avec une musique de Lully.
Début 1670, un
dénommé Le Boulanger de Chalussay (un pseudonyme) publie Élomire hypocondre ou les Médecins vengés. Élomire est l’anagramme
de Molière qui est montré soucieux de sa santé et despotique, voire incestueux.
Molière réussit à faire retirer la pièce. Le 4 février la comédie-ballet, Les Amants magnifiques, est représentée
à Saint-Germain. Le sujet en a été dicté par le roi lui-même qui y joue Neptune
puis Apollon. Il y danse pour la dernière fois. Puis, une autre comédie-ballet,
Le Bourgeois gentilhomme, est créée à
Chambord le 13 octobre. À la première représentation, le roi ne rit pas. Cinq
jours plus tard, à la seconde, il félicite Molière qui l’a échappé belle. Alors
que la Bérénice de Racine triomphe à l’hôtel de
Bourgogne, Tite et Bérénice de
Corneille joué par la troupe de Molière au Palais-Royal n’a pas le même succès.
Le 17 février
1671 Psyché, la comédie ballet à
laquelle ont collaboré, Corneille et Quinault (1635-1688) avec une musique de Lully
est créée. C’est un grand succès. Les
Fourberies de Scapin sont créées au Palais-Royal le 24 mai. Psyché est publiée le 6 octobre. La
comédie-ballet, La Comtesse d’Escarbagnas est créée à Saint-Germain
le 2 décembre sur une musique de Marc Antoine Charpentier (1643-1704) pendant
que Lully présente Le Ballet des ballets
où il reprend plusieurs de ses compositions : le premier intermède de Psyché, la troisième entrée du Ballet des Muses, le troisième intermède
de George Dandin et la cérémonie
turque du Bourgeois gentilhomme. Le
sujet de La Comtesse
d’Escarbagnas est le ridicule d’une femme d’Angoulême éblouie par ce
qu’elle a vu lors de son séjour à la cour à Paris. Psyché est publiée le 6 octobre.
Le 17 février 1672, Madeleine Béjart meurt.
Molière rompt avec Lully après que ce dernier a obtenu le privilège de
l’Académie royale de musique. Les Femmes
savantes sont créées au Palais-Royal le 11 mars. Le sujet en est deux
amants dont les amours sont contrariés par leur mère. Molière y raille l’écrivain
Gilles Ménage (1613-1692) et l’abbé et poète Charles Cotin (1604-1682) sous les
personnages de Vadius et de Trissotin qui se disputent l’attachement littéraire
de la dame de la maison. Pour ce dernier, il va jusqu’à le citer textuellement.
Le 13 mars, Lully obtient le monopole de la musique et de la danse pour
l’Académie royale de musique. Dès deux musiciens, il faut son autorisation et
payer une redevance. Les comédiens du Palais-Royal attaquent en justice et
obtiennent de pouvoir utiliser douze violons et six chanteurs. C’est
insuffisant pour certaines parties de ballet et un coup dur pour les recettes
de la troupe. Le 15 septembre, Armande accouche de Pierre-Jean-Baptiste-Armand.
Baptisé le 1er octobre, il est enterré le 11.
Le 10 février
1673 est créée au Palais-Royal la comédie-ballet, Le Malade imaginaire, dont la musique a été composée par Marc
Antoine Charpentier. Le 17 février, Molière meurt après s’être écroulé sur
scène lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire. Il n’a pas renié son métier de comédien.
Le 21, il est
enterré après intervention du roi au cimetière Saint-Joseph. Lully fait du
Palais-Royal l’Opéra. Lagrange et Armande transportent la troupe rue Guénégaud
où ils sont rejoints par les comédiens du Marais.
En 1674 le
bruit court que le corps de Molière a été exhumé et jeté à la fosse commune des
non-baptisés.
En 1680, le
roi fait des troupes des comédiens de la rue Guénégaud et de l’Hôtel de
Bourgogne une seule troupe : la
Comédie française.
En 1792, la Révolution exhume les
restes présumés de Molière et de La Fontaine. Ils sont transférés à la mairie
du troisième arrondissement puis au couvent des Petits-Augustins.
En 1817, leurs
restes sont transportés au Père Lachaise.
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