vendredi 3 juillet 2015

Averroès, biographie

Vie.
Abû al-Walîd Mohammed Ibn Ahmed Ibn Rushd, dit Averroès dans le monde latin, est né à Cordoue en 1126. Son grand-père (1056-1126) meurt la même année. Il était juge, grand juriste, imâm (= guide) et « Cadi de la communauté », qâdi al qudât, de la grande mosquée de Cordoue en 1117. Les contemporains d’Averroès le considéraient comme le petit-fils (al-Hafîd) en tant que juge. Le qâdi est un juge en matières civiles, judiciaires et religieuses.
Entre 1129 et 1136, la dynastie Almoravides qui règne en Andalousie combat à la fois Alphonse VII (1105-1126-1157) de Castille et de Léon, et les Almohades qui viennent du Maroc.
On ne sait pratiquement rien de l’enfance d’Averroès. On pense qu’il a dû lire les travaux d’Ibn Bajja ou Avempace pour les latins (1085-1138), astronome, médecin, philosophe et poète mort empoisonné à Fès. Il a pu fréquenter Ibn Tufayl ou Abubacer (1110-1185), médecin et philosophe. Il appréciait al-Farabi (872-950) musulman chiite, qu’il a dû lire. Il le considérait comme le second maître après Aristote (384-322 av. J.-C.). Par contre, il n’appréciait ni Ibn Sina ou Avicenne pour les latins (980-1037), médecin et philosophe, ni al-Ghazâli ou Algazel pour les latins (1058-1111), théologien musulman antiphilosophe. Averroès a été formé en poésie et en droit musulman.
En 1134, Alphonse VII de Castille s’empare de Saragosse.
En 1135, Alphonse VII se fait proclamer empereur d’Espagne. Maïmonide naît à Cordoue.
En 1147 commence la deuxième croisade prêchée par (Saint) Bernard, abbé de Clairvaux (1090 ou 1091-1153) à laquelle participe le roi de France Louis VII (1120-1180). Dans le même temps, les Almohades s’emparent de l’Andalousie. La dynastie règnera jusqu’en 1269.
En 1149, les Almohades chassent les juifs et les chrétiens. La famille de Maïmonide quitte Al-Andalus.
En 1157, Averroès compose une œuvre aujourd’hui perdue, l’abrégé du Mustasfâ d’al-Gazâli qui porte sur le droit musulman. Alphonse VII meurt. Sanche III (vers 1133-1158) lui succède en Castille et Ferdinand II de León (1137-1188) en Léon et en Galice.
En 1158 Alphonse VIII (1155-1214) âgé de trois ans, devient roi de Castille et de Tolède. Averroès rédige les Mukhtassarât ou abrégés. Leur objectif est de donner le nécessaire pour la perfection humaine. Averroès donne une grande place aux commentateurs.
En 1160, Ibn Tufayl aurait présenté Averroès au calife Abû Ya’qûb Yûsuf ( ?-1184), second de la dynastie des Almohades, fils d’Abd’Al-Mûmin, lui-même disciple et successeur d’Ibn Tumart ( ?-1130).
En 1165, Averroès est juge à Tanger.
À partir de 1167, il rédige les Commentaires Moyens sur l’Organon d’Aristote, afin de redécouvrir l’œuvre d’Aristote selon le vœu du calife qui voulait une présentation pédagogique de l’œuvre du philosophe. Averroès qui ne connaît pas le grec cherche à retrouver à travers les traductions arabes dont il dispose l’œuvre authentique. Il arrive à d’heureuses corrections. Le Commentaire Moyen sur les Topiques d’Aristote date du début de l’entreprise.
En 1168, il rédige probablement la Bidâyat al-mujtahid wa wihâyat al-muqtasid (Début pour celui qui fait l’effort et fin pour celui qui se contente). Une première partie du livre est consacrée au culte (les Ibâdât) et une seconde aux relations sociales (Mu’âmalât). Livre juridique, relevons notamment la discussion sur l’interdiction de l’alcool qui divisait les juristes musulmans. Pour certains, les boissons alcoolisées sont interdites, pour d’autres c’est l’ivresse qui est interdite. Averroès examine les arguments et invite son lecteur a tranché (cf. Ali Benmakhlouf, p.179-181). Son père meurt. Ce jour-là, il n’aurait pas travaillé.
En 1169, Averroès est nommé Cadi de Séville. Il termine le Commentaire Moyen sur le Traité des animaux d’Aristote. Pendant dix ans, il parcourt l’empire almohade. Il séjourne souvent à Séville d’où sont datées certaines de ses œuvres.
En 1170, il achève le Commentaire Moyen sur la Physique et celui sur les Seconds Analytiques d’Aristote.
En 1171, Averroès est nommé qâdi à Cordoue.
En 1174, il finit probablement le Commentaire Moyen sur les Réfutations sophistiques et le Commentaire Moyen sur le Traité de l’âme.
En 1176, il achève le Commentaire Moyen sur la Rhétorique.
En 1177, il achève le Commentaire moyen sur l’Éthique à Nicomaque d’Aristote.
En 1178, il séjourne à Marrakech et y termine le De Substantia Orbis (De la substance de la terre).
En 1179, il est de nouveau nommé qâdi de Séville. Il rédige probablement le Fasl al Maqât (Discours décisif) et le Kachf manâhij a-adilla fi ‘aqâ’id al-milla (Exposition des méthodes de preuve relatives aux dogmes de la religion).
En 1180, il publie l’Al-Tahâfut al-Tahâfut (L’incohérence de l’incohérence) qui répond de façon polémique à l’ouvrage d’al-Ghazâli, Al-Tahâfut al-Falâsifa (L’incohérence des philosophes).
En 1181, il publie le commentaire du poème d’Avicenne sur la médecine (Urjûzat fî al-tibb).
En 1182, Averroès se rend à Marrakech pour remplacer, en tant que médecin, Ibn Tufayl auprès du calife Abû Ya’cûb Yûssuf. Durant cette période, Averroès commente les œuvres médicales d’Avicenne et de Galien (~129-201).
En 1183, il achève le Grand Commentaire sur les Seconds Analytiques d’Aristote qui inaugure la série des Grands Commentaires.
En 1184, Abû Yûssuf Ya’cûb, plus tard surnommé al-Mansûr, c’est-à-dire le Victorieux (1160-1199) succède à son père. Pendant dix ans encore, Averroès aura les faveurs du pouvoir.
En 1187, commence la troisième Croisade prêchée par le pape Grégoire VIII (1100-1187) qui régna quelques mois. Les musulmans dirigés par Saladin (1138-1193) venaient de reprendre Jérusalem aux chrétiens cette année-là. À cette croisade ont participé Frédéric Barberousse (1122-1190), empereur germanique, Richard Cœur de Lion (1157-1199), roi d’Angleterre et Philippe Auguste (1165-1223), roi de France.
En 1188, Averroès achève le Grand Commentaire sur le Traité du ciel d’Aristote.
En 1190, il achève le Grand Commentaire sur le Traité de l’âme d’Aristote. Il commence peut-être Le nécessaire en politique : résumé du livre de la Politique de Platon.Il ne dispose pas en effet du texte de La Politique d’Aristote qu’il voulait commenter. Il n’est pas impossible qu’il ait critiqué le pouvoir du calife et qu’il y ait là une des causes de sa disgrâce.
De 1192 à 1194, il achève le Grand Commentaire sur la Métaphysique d’Aristote qui est le dernier de ces Grands Commentaires. Il rédige également des Commentaires Moyens des œuvres de Galien, sur les Tempéraments, sur les Éléments, sur Les facultés naturelles et sur Les Fièvres.
En 1193, le frère du Calife, gouverneur de Cordoue, Abu Yahha, et ami d’Averroès, est tué par son frère. Il s’apprêtait à lui succéder parce qu’il était malade.
En 1195, Abû Yûssuf Ya’cûb al-Mansûr défait Alphonse VIII à la bataille d’Alarcos. Le calife se retourne contre Averroès. Averroès, suspect comme philosophe, est victime d’une campagne d’opinion dirigé par les oulémas qui visent à anéantir son prestige de qâdi.
En 1197, Averroès tombe en disgrâce (nakba) vraisemblablement à cause des mâlikites (une école de droit musulman), théologiens et juristes dont s’entourait le calife à ce moment. Les fuqahâ, théologiens et juristes, lui reprochent de vouloir compléter le Coran. Or, s’il est bien formellement complet pour Averroès, il ne l’est pas matériellement, proposant, voire obligeant la raison à chercher. Il est banni à Lucena, près de Cordoue. Une loi impose de brûler ses œuvres (sauf celle de médecine ou qui concerne le calcul) et son enseignement est interdit.
En 1198, le calife retourne à Marrakech. Il annule l’édit et rappelle le philosophe près de lui. Mais Averroès meurt en décembre à Marrakech où il est d’abord enterré avant que son corps soit rapatrié à Cordoue.
En 1199 ont lieu ses funérailles à Cordoue en présence du mystique Ibn al-‘Arabî (1164-1240). Peu après, le calife meurt.

C’est comme philosophe, et plus particulièrement comme commentateur d’Aristote, qu’il passe à la postérité, exerçant une influence considérable sur le monde latin. “al chârih” fut son surnom en arabe, “Commentator” en latin, le « Commentateur » comme Aristote était le « Philosophe ». Dans le monde musulman, il n’aura pas de successeur. Une partie de son œuvre a été sauvée par ses traducteurs juifs, l’original arabe ayant disparu. Ils la transmettront à l’occident chrétien.


Ouvrages disponibles en français.
Grand commentaire sur la Métaphysique (livres XI et XII), traduction et annotation d’Aubert Martin, Paris, Les Belles-Lettres, 1984.
Discours décisif sur l’accord de la religion et de la philosophie (1179),traduction Marc Geoffroy, GF-Flammarion, 1996.
L’intelligence et la pensée. Grand commentaire du De anima III (1186), traduction, introduction et notes par Alain de Libera, GF-Flammarion, 1998.
L’Islam et la raison. Anthologie de textes juridiques, théologiques et polémiques,précédé de « Pour Averroès » par Alain de Libera), trad. Marc Geoffroy, GF-Flammarion, n°1132, 2000.
Dévoilement des méthodes de démonstration des dogmes de la religion musulmane (1180),trad. partielle Marc Geoffroy, in Alain de Libera, Averroès. L’Islam et la raison, GF Flammarion, 2000.
Incohérence de l’incohérence, traduction partielle Marc Geoffroy, in Alain de Libera, AverroèsL’Islam et la raison, GF, Flammarion, 2000.
Moyen commentaire du De interpretatione d’Aristote, traduction Ali Benmakhlouf et Stéphane Diebler, Paris, Vrin, 2000.
La béatitude de l’âme, éditions, traductions et études par Marc Geoffroy et Carlos Stelle, Vrin, 2001
Grand Commentaire (Tafsîr) de la Métaphysique. Livre Bêta. Averroès et les apories de la Métaphysique d’Aristote, présentation et traduction par Laurence Bauloye, ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre, Paris, Vrin (collection “Sic et Non”), 2001.
Commentaire moyen à la Rhétorique d’Aristote (1176),édition critique du texte arabe et traduction française par Maroun Aouad, trois volumes, Union Académique Internationale, Corpus Philosophorum Medii Aevi, Averrois Opera, Series A : Averroes Arabicus, XVII, coll. « Textes et traditions » 5, Vrin, 2002.

Bibliographie.
Benmakhlouf Ali, Averroès, Les Belles Lettres, 2000.




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