mercredi 6 novembre 2019

Corrigé d'une dissertation Croire en la science, est-ce une forme de religion ?

On oppose souvent l’homme de science au religieux. Or, le premier paraît avoir foi en la science. Dès lors, croire en la science, est-ce une forme de religion ?
Croire en la science semble être une attitude non scientifique s’il est vrai que la science exige de ne pas croire et de chercher plutôt à toujours prouver ce qu’on avance alors que la religion exige de croire même en ce qui semble contraire à toute possibilité de preuves.
Cependant, pour faire de la science, il semble nécessaire de croire en la science, c’est-à-dire à la possibilité de prouver tout en étant apte à rejeter tout ce qui est insuffisant : ce qu’on ne retrouve pas dans la religion.
Dès lors, on peut se demander si croire en la science est une forme de religion ou bien s’il est possible de croire en la science sans adopter une attitude religieuse.
Croire en la science n’est pas une forme de religion si on croit après avoir bien examiné, voire parce qu’on ne croit pas dogmatiquement, mais croire en la science devient une forme de religion s’il est vrai que la science exige de ne croire en rien.


Croire en la science n’est pas une forme de religion. En effet, croire, c’est tenir pour vrai. Mais si on croit après avoir bien examiné comme le préconise Diderot dans l’article « Croire » de l’Encyclopédie(1752), alors on use bien de sa raison. Il faut lui faire confiance, même lorsque nous nous trompons car elle seule nous permet de chercher la vérité. Au contraire, lorsqu’on trouve le vrai sans user de sa raison ou en en usant mal, on ne peut être satisfait. Dès lors, croire en la science ne peut être une forme de religion puisque c’est la condition pour user de sa raison.
En effet, croire en la science, c’est finalement croire en la raison qui rend possible la science. Alors que la religion, sans s’opposer nécessairement à la raison, implique de croire parfois à ce qui n’est pas conforme à la raison. Le personnage de Thomas dans la Biblele montre. Lorsque les autres apôtres lui annoncent la résurrection du Christ, il refuse de le croire sans l’avoir vu et touché. Lorsque le Christ lui apparaît quelques jours plus tard dans une pièce fermée, il croit. Mais celui-ci lui déclare : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu. » (Évangile de Jean, 20 : 29). En science, il ne peut être question de croire sans voir, et même de croire ce qui est incroyable. Il faut que les faits ne soient pas contraires à l’expérience commune.

Cependant, si croire en la science ne semble pas une forme de religion parce que c’est croire en la raison et non en des faits contraire à l’expérience commune ou à la raison, toujours est-il qu’il s’agit semble-t-il aussi foi. Dès lors, croire en la science serait aussi une forme de religion. Ou alors, est-il possible de penser que croire en la science ne serait pas la même forme de croyance que celle qu’il y a en religion ?


On peut croire dogmatiquement, c’est-à-dire tenir pour vrai sans remettre en cause. Telle est la croyance religieuse. Par contre, la croyance en science n’est pas dogmatique. Le savant croit jusqu’à preuve du contraire. Comme le montre Russell dans « The essence and effect of religion » (1921), le savant abandonnera une conception théorique si une autre meilleure apparaît. Il donne l’exemple de la conception de Newton (1642-1727) de la gravitation qui a été remplacée par la conception d’Einstein (1879-1955). Qu’en est-il alors du fait de croire en la science ? Est-ce une forme de religion ?
On peut remarquer que croire en la science n’implique pas d’accepter des dogmes. C’est en ce sens que ce n’est pas une forme de religion. Les savants peuvent ne pas être d’accord sans qu’il y ait d’exclusions, de condamnations à mort. Ils peuvent remettre en cause les théories de leurs concurrents. Il suffit de tenter de prouver. Soit les preuves sont acceptées et une théorie l’emporte. Soit le différend reste et chaque savant cherche à le trancher. Par exemple, à l’époque de Galilée (1564-1642), la plupart des savants partisan de l’héliocentrisme soutenaient que les planètes tournaient de façon circulaire autour du Soleil. Seul Kepler (1571-1630) a soutenu qu’elles tournaient de façon elliptique : finalement, cette thèse s’appelle dorénavant la première loi de Kepler.

Toutefois, s’il apparaît que croire en la science n’est pas une forme de religion parce qu’il ne s’agit pas de croire dogmatiquement, il n’en reste pas moins vrai que croire implique de tenir pour vrai sans preuve de sorte qu’il semble qu’il soit nécessaire de ne pas croire en la science pour qu’elle soit en tant que telle. Dès lors, croire en la science n’est-il pas une forme de religion ?


Le scientifique ne doit croire en rien. C’est pour cela qu’Alain dans « Les ânes rouges » écrit que « le doute est le sel de l’esprit » (Propos du 5 mai 1931). Il veut dire que le doute, qui consiste à ne tenir ni pour vrai ni pour faux une proposition, permet de conserver les connaissances, même les connaissances qui reposent sur les preuves les plus solides. Par opposition, le croyant s’accroche à sa croyance et est prêt à mordre si on veut lui enlever. Même s’il doute, il reviendra à sa foi et n’en cherchera pas une meilleure. S’il en change, c’est une conversion.
Aussi, le savant véritable ne croit pas en la science. Il ne la confond pas avec une vérité absolue révélée. Il sait sa faillibilité. Celui qui croit en la science finalement adopte une forme de religion et ne comprend rien à la science. Alain, dans les Propos d’un normand (15 janvier 1908) dit ainsi que ceux qui ne croient en aucune religion se réfugient dans la croyance en la science. C’est donc bien que croire en la science est une forme de religion, non pas au sens où il y a un culte organisé et des articles de foi obligatoires, mais au sens où on a foi en ce qu’on croit être une vérité absolue et définitive.


En somme, le problème était de savoir si croire en la science est une forme de religion ou bien s’il est possible de croire en la science sans adopter une attitude religieuse. Il est apparu que le bon usage de la raison qui fait la croyance en science se distinguait de la croyance religieuse qui ne nécessité pas la raison. Toutefois, il fallait distinguer entre croire dogmatiquement comme en religion et croire de façon provisoire. Finalement, la science requiert de ne pas croire du tout, mais de toujours douter, c’est-à-dire examiner : c’est pour cela que croire en la science est bien une forme de religion.

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