Note
sur le texte.
La traduction est de Pierre Chambry. Je l’ai très
légèrement modifiée en consultant le texte grec et la traduction de François
Ollier in Xénophon, Banquet – Apologie de Socrate, texte
établi et traduit par François Ollier, troisième tirage, Paris, Les Belles
Lettres, 1993.
Patrice Bégnana
Xénophon, Apologie
de Socrate
1.
Il me semble qu’il serait bien de rapporter comment Socrate envisagea sa
défense (apologias) et sa mort quand
il fut traduit en justice. Il est vrai que d’autres en ont parlé et qu’ils ont
tous bien reproduit la fierté de son langage, ce qui prouve qu’il parla
réellement sur ce ton. Mais il est un point qu’ils n’ont pas mis en lumière,
c’est qu’il estimait dès lors que la mort était pour lui préférable à la vie, de
sorte que sa fierté de langage paraît un peu inconsidérée. 2. Mais Hermogène, fils d’Hipponicos, qui fut son disciple, nous a
rapporté sur lui des détails qui démontrent que cette fierté de langage
s’accordait avec le fond de sa pensée. Il a raconté en effet qu’en le voyant
discourir sur toute sorte de sujets plutôt que sur son procès, il lui avait
dit : 3. « Mais ne
devrais-tu pas, Socrate, songer aussi à ce que tu diras pour ta
défense ? » et que Socrate lui avait répondu tout d’abord :
« Tu ne vois donc pas que j’ai passé toute ma vie à préparer ma
défense ? – Comment ? avait demandé Hermogène. – En vivant sans
commettre jamais aucune injustice, ce qui est, à mon avis, la plus belle
manière de préparer sa défense. » 4.
Hermogène lui ayant dit encore : « Ne vois-tu pas que les tribunaux
athéniens, séduits par un discours éloquent, ont souvent fait mettre à mort des
innocents et ont souvent absous des coupables dont les discours les avaient
attendris ou charmés ? » Socrate lui avait répondu : « Eh
si ! par Zeus, et voilà deux fois que j’ai essayé de préparer ma défense,
mais la voix démonique (daïmonion) s’y
est opposée. 5. – Hermogène
dit : « Voilà qui est étonnant ». Il répliqua alors : « Trouves-tu
étonnant que le Dieu même juge qu’il vaut mieux que je finisse ma vie à présent ?
Ne sais-tu pas que je ne concéderais à personne qu’il a vécu mieux que moi
jusqu’à ce jour ? Car je sais, et c’est pour moi la suprême satisfaction,
que j’ai toujours mené une vie pieuse et juste, si bien que, m’estimant
beaucoup moi-même, j’ai toujours vu ceux qui me fréquentaient, animés du même
sentiment à mon égard. 6. Si, au
contraire, ma vie se prolonge, je suis sûr de voir infailliblement arriver tous
les maux de la vieillesse, je verrai moins clair, j’entendrai moins bien,
j’apprendrai plus difficilement et j’oublierai plus vite ce que j’aurai appris.
Or, si je me sens déchoir et que je sois mécontent de moi-même, comment,
poursuivit-il, pourrais-je encore prendre plaisir à vivre ? » 7. « Peut-être, ajouta-t-il,
est-ce aussi le Dieu qui, dans sa bonté, m’accorde de finir mes jours non
seulement à l’âge le plus opportun, mais encore par le chemin le plus facile.
Car, si l’on me condamne aujourd’hui, il est évident qu’il me sera donné de
mourir de la fin que les gens qui se sont occupés de cette question ont jugée
la plus facile, la moins ennuyeuse pour les amis, la plus propre à faire
regretter le mourant. En effet, quand on ne laisse aucune image fâcheuse ni
pénible dans l’esprit des assistants, et qu’on s’éteint avec un corps plein de
santé et une âme capable de montrer sa tendresse, comment pourrait-on n’être
pas regretté ? » 8. « C’est
donc avec raison, poursuivit-il, que les Dieux se sont opposés à la préparation
de ma défense, quand nous pensions devoir chercher à tout prix les moyens
d’échapper à une condamnation. Si en effet j’y étais parvenu, il est clair
qu’au lieu de finir ma vie aujourd’hui, je me serais préparé une mort assombrie
par les souffrances de la maladie ou d’une vieillesse, assaillie par tous les
maux à la fois et désertée par tous les plaisirs. » 9. « Non, par Zeus, Hermogène, poursuivit-il, si je dois
indisposer les juges en déclarant tous les avantages que je crois avoir obtenus
des dieux et des hommes, ainsi que l’opinion que j’ai de moi-même, j’aime mieux
mourir que de mendier bassement la faveur de vivre encore et de gagner ainsi
une existence bien pire que la mort. »
10. Telle était, dit Hermogène, la résolution de Socrate, lorsque accusé
par ses adversaires de ne pas reconnaître les mêmes dieux que la Cité , d’introduire des
divinités nouvelles et de corrompre la jeunesse[1], il
s’avança et dit : 11. « En
vérité, hommes, j’admire d’abord sur quoi Mélétos se fonde pour avancer que je
ne reconnais pas les mêmes dieux que la
Cité , alors que tous ceux qui se sont trouvés près de moi, et
Mélétos lui-même, s’il l’a voulu, m’ont vu sacrifier dans les fêtes communes et
sur les autels publics. 12. Comment,
d’autre part, puis-je introduire des divinités nouvelles, en disant qu’une voix
démonique se manifeste à moi pour m’indiquer ce que je dois faire[2] ?
Car ceux qui tirent des présages des cris des oiseaux et des paroles humaines
fondent apparemment leurs conjectures sur des voix. Contestera-t-on que le
tonnerre ait une voix et soit un augure de la plus grande importance ? Et
la prêtresse de Delphes sur son trépied, n’est-ce point par la voix qu’elle
aussi proclame la volonté du Dieu ? 13.
Assurément le Dieu connaît l’avenir et le révèle à qui il veut. Sur ce point
aussi tout le monde parle et pense, comme je fais moi-même. Seulement à ces
révélations on donne le nom d’augures, d’oracles, de présages, de divinations,
tandis que moi j’appelle cela un signe démonique et je crois qu’en le nommant
ainsi, j’use d’un terme plus vrai et plus religieux que ceux qui attribuent aux
oiseaux la puissance des dieux. Et la preuve que je ne mens pas contre le Dieu,
c’est qu’ayant communiqué à beaucoup de mes amis les conseils du Dieu, je n’ai
jamais été convaincu de mensonge. »
14. Comme ces paroles soulevaient des murmures parmi les juges, parce que
les uns ne croyaient pas ce qu’il disait et que les autres étaient jaloux de
voir que les Dieux mêmes le favorisaient plus qu’eux, Socrate continua ainsi :
« Eh bien ! écoutez encore, pour que ceux qui en ont envie doutent
encore davantage de la faveur dont les dieux m’ont honoré. Un jour que
Chéréphon[3]
interrogeait à mon sujet l’oracle de Delphes, en présence d’un grand nombre de
personnes, Apollon répondit qu’il n’y avait pas d’homme plus libre, plus juste
et plus sage que moi. » 15.
Comme les juges protestaient naturellement d’une façon plus bruyante encore,
Socrate reprit ainsi : « Cependant, hommes, le Dieu dans ses oracles
a parlé de Lycurgue[4], le législateur des
Lacédémoniens, en des termes plus magnifiques que pour moi. On rapporte en
effet qu’au moment où il entrait dans le temple, le Dieu lui dit : « Je
me demande si je dois t’appeler un dieu ou homme. »[5] Moi,
il ne m’a pas assimilé à un Dieu, mais il m’a jugé bien supérieur aux hommes.
Néanmoins, n’en croyez pas non plus aveuglément le Dieu sur ces déclarations,
mais examinez l’une après l’autre les choses qu’il a dites. 16. Qui connaissez-vous qui soit moins
asservi que moi aux désirs du corps, plus libre que moi, qui ne reçois de
personne ni présents ni salaire ? Qui pourriez-vous raisonnablement
considérer comme plus juste qu’un homme qui s’est si bien accommodé à sa
fortune qu’il n’a besoin de rien de ce qui appartient à autrui ? Quant au
titre de sage (sophon), peut-on
équitablement le dénier à un homme tel que moi, qui, dès que j’ai commencé à
comprendre le langage des hommes, n’ai jamais cessé de chercher et d’apprendre
ce que je pouvais de bon ? 17.
Et la preuve que je n’ai pas perdu ma peine, ne la voyez-vous pas dans le fait
que beaucoup de citoyens épris de la vertu et beaucoup d’étrangers préfèrent être
mes disciples ? Et que dirons-nous pour expliquer que beaucoup de gens
désirent me faire des présents, quand tout le monde sait que je n’ai pas du
tout d’argent pour les rendre ? Et que pas un homme ne réclame de moi la
reconnaissance d’un bienfait et qu’une foule de gens avouent m’avoir des
obligations ? 18. Pendant le
siège[6],
alors que les autres se lamentaient sur leur sort, ne vivais-je pas sans plus
d’embarras qu’au temps où la Cité
était le plus prospère ? Enfin pourquoi les autres achètent-ils à grands
frais leurs jouissances au marché alors que moi, sans rien dépenser, je tire de
mon âme des plaisirs plus doux que les leurs ? Que si dans tout ce que je
viens de dire de moi, personne ne peut me convaincre de mensonge, comment dès
lors n’aurais-je pas droit aux louanges des Dieux et des hommes ?
19. Telle est ma conduite Mélétos, cependant, tu m’accuses de corrompre
la jeunesse. Or nous savons, n’est-ce pas, comment sont les jeunes gens
corrompus. Eh bien, dis-moi si tu en connais un qui soit devenu par mon fait,
de pieux impie, de modéré violent, de tempérant prodigue, de sobre ivrogne, de
laborieux mou, ou qui se soit laissé vaincre par un autre pauvre plaisir. 20. – « Mais oui, par Zeus,
s’écria Mélétos, j’en connais à qui tu as persuadé de t’obéir, à toi, plutôt
qu’à leurs parents. » – « J’en conviens, répliqua Socrate, au moins
pour ce qui regarde l’éducation (païdeïas) ;
car ils savent que c’est un sujet auquel je me suis appliqué. Mais, quand il
s’agit de leur santé, les hommes écoutent les médecins plutôt que leurs
parents, et, dans les assemblées, il est certain que tous les Athéniens
écoutent ceux qui parlent le plus sagement plutôt que leurs proches. De même
pour les stratèges[7], vous choisissez, de
préférence à vos pères et à vos frères, et, par Zeus, de préférence à
vous-mêmes, ceux que vous jugez les plus compétents dans les choses de la
guerre. » – « Oui, Socrate, dit Mélétos ; car c’est notre
intérêt et c’est l’usage. » 21.
– « Et alors, reprit Socrate, ne te paraît-il pas étonnant que, dans les
autres matières, les gens les plus compétents soient non seulement égalés, mais
préférés aux autres, et que moi, parce que certains me tiennent pour le plus
compétent sur le sujet qui importe le plus aux hommes, l’éducation, j’encoure
de ta part une accusation capitale ? »
22. Il est évident que Socrate lui-même et ceux de ses amis qui parlèrent
en sa faveur[8] ne s’en tinrent pas à ces
paroles ; mais je n’ai pas pris à tâche de rapporter tous les détails du
procès, et il me suffit d’avoir montré que Socrate attachait la plus grande
importance à n’être pas impie envers les Dieux et à ne point paraître injuste
envers les hommes 23. Et pour éviter
la mort, il ne crut point devoir employer les supplications, mais il était persuadé
que le temps était venu pour lui de mourir. Que telle fut bien sa pensée, on le
vit surtout après sa condamnation. Tout d’abord, en effet, quand on l’invita à
fixer sa peine, il refusa de le faire lui-même et ne le permit point à ses
amis, disant que fixer sa peine, c’était avouer sa culpabilité[9].
Ensuite, lorsque ses amis voulurent le faire évader[10], il
s’y refusa et se moqua même d’eux, semble-t-il, en leur demandant s’ils
connaissaient en dehors de l’Attique quelque place où la mort n’eût pas d’accès.
24. Quand le jugement fut rendu, il
dit : « Assurément, Athéniens, ceux qui ont fait la leçon aux témoins
et leur ont dit qu’ils devaient se parjurer et porter contre moi de faux
témoignages, et ceux qui se sont laissé suborner doivent avoir conscience de
l’impiété et de l’injustice criante dont ils sont coupables. Mais pour moi,
pourquoi aurais-je à présent une moins bonne idée de moi-même qu’avant ma
condamnation, puisqu’on ne m’a pas convaincu d’avoir commis aucun des délits
qu’on m’impute ? Car on ne m’a jamais vu, oubliant Zeus, Héra et les dieux
qui leur sont associés, sacrifier à de nouvelles divinités, ni jurer par elles,
ni nommer d’autres dieux. 25. Quant
à corrompre les jeunes gens, comment pourrais-je le faire, moi qui les habitue à
la fermeté et à la simplicité ? Pour les crimes auxquels s’applique la
peine de mort, comme le pillage des temples, le vol avec effraction, le trafic
d’hommes libres, la trahison envers la
Cité , mes adversaires eux-mêmes ne m’accusent pas d’en avoir
commis aucun. Aussi me semble-t-il étonnant que vous ayez pu découvrir un acte
de moi qui méritât la mort. 26.
Mais, parce que je meurs injustement, ce n’est pas une raison pour que j’aie
moins bonne opinion de moi ; car ce n’est pas à moi, c’est à ceux qui
m’ont condamné qu’en revient la honte. Et puis, je trouve encore une
consolation dans l’exemple de Palamède[11], qui
périt à peu près comme moi ; car encore aujourd’hui il inspire des chants
bien plus beaux qu’Ulysse qui le fit mettre à mort injustement. Et moi aussi,
je sais que l’avenir et le passé rendront ce témoignage que je n’ai jamais fait
tort à personne, jamais perverti personne et qu’au contraire j’ai rendu service
à ceux qui conversaient avec moi, en leur enseignant gratuitement tout le bien
que je pouvais. »
27. À ces mots, il se retira, comme il avait parlé, avec la même sérénité
dans le regard, l’attitude et la démarche. Mais comme il s’aperçut que ceux qui
l’accompagnaient fondaient en larmes, Hermogène rapporte qu’il leur dit : « Qu’est-ce
là ? C’est à présent que vous pleurez ? Ne savez-vous pas depuis
longtemps que, dès ma naissance, j’ai été condamné à mort par la nature ?
Si pourtant je mourais prématurément dans l’affluence des plaisirs, il est
certain que j’aurais de quoi m’affliger et mes amis aussi ; mais si je
termine ma vie quand je n’ai plus que des maux à attendre, je crois que vous
devez tous vous en réjouir comme d’un bonheur qui m’échoit. » 28. Il y avait là un certain
Apollodore, fortement attaché à Socrate, homme simple du reste, qui lui dit :
« Pour moi, Socrate, ce qui me fait le plus de peine, c’est de te voir
mourir injustement. » Socrate, dit-on, lui passant la main sur la tête,
lui répondit : « Très cher Apollodore, aimerais-tu donc mieux me voir
mourir justement qu’injustement ? » Et là-dessus il se mit à rire. 29. On rapporte aussi qu’ayant vu
passer Anytos, il dit : « Voilà un homme qui est bien fier. Il croit
avoir accompli un grand et merveilleux exploit en me faisant mourir, parce que,
le voyant élevé par la cité aux plus hautes dignités, je lui ai dit qu’il ne
devrait pas élever son fils dans le métier de tanneur. Le misérable !
ajouta Socrate : il ignore apparemment que, de nous, celui qui accomplit
les actions qui doivent être à jamais les plus utiles et les plus belles, est
le vainqueur. 30. Au reste,
ajouta-t-il encore, puisque Homère a attribué à certains de ses héros sur le
point de mourir le don de prophétie, je veux, moi aussi, prophétiser. J’ai
fréquenté quelque temps le fils d’Anytos et il m’a semblé qu’il avait un esprit
assez vigoureux. Aussi je prédis qu’il ne continuera pas le métier servile que
lui a fait prendre son père, mais que, faute d’avoir un guide sérieux, il
tombera dans quelque honteuse passion et ira loin dans la voie du vice. » 31. Et en disant cela, il ne se trompa
point : le jeune homme, s’étant adonné au vin, ne cessa de boire ni nuit
ni jour et finit par devenir incapable de rien faire de bon pour sa cité, pour
ses amis et pour lui-même. Et Anytos, pour avoir mal élevé son fils et fait
preuve d’une dureté inconsidérée, conserve, même après sa mort, une mauvaise
réputation (kakodoxias). 32. Quant à Socrate, en se glorifiant
devant le tribunal, il souleva l’envie et inclina les juges à le condamner ;
mais à mes yeux, son lot fut un bienfait des Dieux, puisqu’il a esquivé la
portion la plus pénible de la vie et obtenu la fin la plus douce. 33. Il n’en a pas moins déployé la
force de son âme ; car, quand il eut reconnu qu’il valait mieux pour lui
mourir que de vivre encore, il garda la même contenance qu’il avait montrée en
présence des biens de la vie, et il ne faiblit point non plus devant la mort :
il l’attendit et la reçut avec joie.
34. Pour moi, quand je songe à la sagesse (sophian) et à la noblesse de caractère de ce grand homme, je ne
puis m’empêcher d’en parler, et, quand j’en parle, de le louer. Et si, parmi
ceux qui aspirent à la vertu, il en est un qui ait eu un maître plus utile que
Socrate, je pense que celui-là mérite d’être regardé comme le plus heureux des
hommes.
Plan
Première
partie. Avant le procès.
(1-9)
Objet
de l’ouvrage. Xénophon se propose d’expliquer la fierté de langage (mégalègoria) de Socrate mieux que ceux
(peut-être Platon) qui en ont parlé avant lui. Il s’appuie sur un témoin, à
savoir Hermogène (1-2).
Xénophon
explique en rapportant le dialogue qu’eurent Hermogène et Socrate avant son
procès pourquoi il n’a pas préparé sa défense (2-9).
Hermogène demande à Socrate avant son procès pourquoi
il ne se défend pas. Socrate lui répond qu’il n’a pas besoin de se défendre car
c’est sa vie tout entière qui constitue la préparation à sa défense (3).
Hermogène lui réplique que c’est l’éloquence et non la
vérité qui décide au tribunal. Socrate lui répond que c’est son signe divin (daïmonion) qui l’en a empêché (4).
Devant le scepticisme d’Hermogène, Socrate entreprend
de lui expliquer que le dieu a voulu ainsi qu’il meurt avant d’être à ce point
dégradé que la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécu et qu’il ne soit pas
regretté (5-8).
Socrate conclut qu’il préfère montrer à ces juges les
avantages qu’il a reçus des Dieux et des hommes et l’opinion (doxa) qu’il a de lui-même et mourir
plutôt que d’obtenir une vile vie (9)
Deuxième
partie. Au tribunal.
(10-26)
L’acte
d’accusation : Socrate est « accusé
par ses adversaires de ne pas reconnaître les mêmes dieux que la Cité , d’introduire des
divinités nouvelles et de corrompre la jeunesse » (10).
Xénophon
donne la parole à Socrate (11-21).
Il se défend contre l’accusation d’impiété (11-13).
Il argumente d’abord en prenant à témoin tous ceux qui
l’ont vu participer aux sacrifices communs. Il reconnaît donc les Dieux de la
cité (11).
Le signe démonique (12-13)
La voix divine, l’oracle de Delphes (14-18)
Socrate se défend contre l’accusation de corruption de
la jeunesse (19-21).
Le
but de Xénophon : il précise qu’il n’a pas voulu être exhaustif, mais
seulement montrer en Socrate un homme qui n’était ni impie, ni injuste. Il
voulait aussi montrer que Socrate pensait qu’il était temps de mourir (22-23).
Socrate
est condamné. Il refuse de fixer sa peine. Après sa condamnation à mort, il
refusera de s’évader (23).
Xénophon
revient au procès et fait s’adresser Socrate à ses juges après sa condamnation
(24-26).
Socrate précise d’abord qu’il a toujours été pieux
avec les dieux de la cité, qu’il n’a introduit aucune divinité nouvelle (24-25)
Quant aux jeunes il les engage toujours à être
vertueux (25).
Il s’étonne d’être condamné à mort comparé aux crimes
qui appellent habituellement cette peine (25).
Quant à sa mort, elle ne change pas l’opinion qu’il a
de lui. Elle l’invite à se comparer à Palamède mort injustement à cause
d’Ulysse (26).
Troisième
partie. Après la condamnation.
(27-34)
Une
mort opportune : Socrate console ses amis en leur répétant qu’il meurt au
meilleur moment (27).
Apollodore :
Socrate se moque d’un de ses disciples en lui faisant remarquer qu’il est
préférable de mourir injustement plutôt que justement (28).
Contre
Anytos (29-31).
Socrate s’adresse à des gens en parlant d’Anytos qui
passe. Il rapporte la raison de la haine d’Anytos à son endroit ; il lui a
déconseillé d’élever son fils dans le métier de tanneur. Socrate prétend qu’il
est le véritable vainqueur de leur conflit (28-29).
Socrate prophétise que le fils d’Anytos quittera son
métier et tombera dans un vice (30)
Xénophon confirme la prophétie de Socrate. Le fils
d’Anytos est devenu ivrogne. Quant à Anytos, il a acquis après sa mort une
mauvaise réputation (31).
Conclusion
de Xénophon (32-34)
Xénophon revient sur l’attitude de Socrate. Il suscita
par ses propos l’envie des juges, ce qui lui permit d’obtenir une bonne mort.
Il a montré face à l’épreuve une force d’âme égale que par rapport aux plaisirs
(32-33).
Xénophon explique pourquoi le souvenir de Socrate le
fait parler : c’est la sagesse et le caractère de son héros. C’est la
vertu qu’il inspire. Il pense qu’il est le plus heureux des hommes.
Index
nominum
Anytos, enrichi par une fabrique de tannerie, homme politique athénien, démocrate,
il fut stratège en 409. Il fut un des chefs des Athéniens exilés qui
vainquirent les Trente tyrans qui avaient pris le pouvoir après la défaite de
404 contre Sparte et dont le régime fut sanglant. Parmi eux se trouvaient deux
membres de la famille de Platon, Charmide et Critias, disciples de Socrate.
Cf.
Platon, Apologie de Socrate ; Ménon (90 b-95 a)
Xénophon,
Apologie de Socrate, 29-31.
Apollodore de Phalère, disciple admirateur de Socrate.
Cf.
Platon, Banquet, 172 b-c ; Phédon 59 a-b
Xénophon,
Mémorables, III, 2, 17 ; Apologie de Socrate, 28.
Chéréphon, ami et disciple de Socrate. Platon comme Xénophon en
font l’auteur de la question posée à l’oracle de Delphes sur la valeur de
Socrate. Mais tandis que pour Platon, la question est seulement de savoir s’il
y a un homme plus sage que Socrate, la question selon Xénophon est plus large
et fait place à d’autres vertus, le désintéressement (ou liberté) et la
justice.
Cf.
Platon, Apologie de Socrate, 21
a ; Charmide, 153 b
Xénophon,
Mémorables, II, 3, Apologie de Socrate, 14.
Hermogène, fils d’Hipponicos, bâtard, demi-frère du riche
Callias, il était très pauvre car il n’avait pas hérité de son père. Il fut un
disciple de Socrate.
Cf.
Platon, Phédon, 59 b. C’est un
des deux interlocuteurs de Socrate dans le Cratyle
de Platon.
Xénophon,
Mémorables, II, 10 ; IV,
49 ; Apologie de Socrate, 2.
Mélétos, poète tragique qui a introduit l’accusation contre
Socrate.
Cf.
Platon, Apologie de Socrate, 23
e ; Euthyphron, 2 b
Xénophon,
Apologie de Socrate, 11
[1] Même
texte dans les Mémorables (I, I, 1)
de Xénophon. Dans l’Apologie de Socrate
(24 b) de Platon, c’est l’accusation de corruption de la jeunesse qui est
énoncée la première lorsque Socrate s’adresse à Mélétos.
[2] Il
est question de cette voix dans le Banquet
de Xénophon (VIII, 5). Socrate, chez Platon, (Apologie de Socrate, 31 d ; Phèdre, 242 b-c), indique que son signe démonique le détourne
d’agir, mais ne lui dit jamais quoi faire.
[3]
Chéréphon, ami de Socrate, démocrate, était mort au moment du procès selon
Platon (Apologie de Socrate, 21a).
Selon Platon (Apologie de Socrate,
20 e-21 b). Chéréphon demande seulement à l’oracle si Socrate est
l’homme le plus sage. Xénophon se réfère à lui dans les Mémorables (II, 3). Il apparaît également dans le Charmide de Platon (153b).
[4] C’est
le législateur légendaire de Sparte. Les Anciens croyaient à son existence.
[5] Cf.
Hérodote, Histoires, I, 65.
[6]
Socrate fait allusion au siège d’Athènes par Lysandre, le chef effectif de la
flotte des Spartiates, qui en 404 av. J.-C., prend Athènes.
[7] Chefs
militaires, ils étaient élus par l’Assemblée du peuple (l’ecclésia) pour un an.
[8] Il y
aurait eu donc des témoins en faveur de Socrate lors de son procès.
[9] Dans
l’Apologie de Socrate de Platon,
Socrate propose d’abord d’être nourri aux frais de la Cité (36 d) puis une
amende d’une mine puis une amende de trente mines poussé par ses amis dont
Platon (38 b et sqq.). Il y a donc là une contradiction entre les deux
textes.
[10]
Platon présente les faits dans son dialogue intitulé le Criton.
[11]
Palamède est un des héros de la guerre de Troie. Il avait déjoué la ruse
d’Ulysse simulant la folie pour ne pas se rendre au siège de Troie. Ulysse se
vengea de lui en l’accusant d’intelligence avec Priam et le fit lapider par les
Grecs.
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