Sujet.
Résumez le texte suivant en 100 mots (plus ou moins 10%). Vous indiquerez les sous totaux de 20 en 20 (20, 40, …) par un trait vertical et par le chiffre correspondant dans la marge. Vous indiquerez obligatoirement votre total exact à la fin de votre résumé.
Dans le temps où les oiseaux nourrissent leurs petits, on a occasion d’observer un signe étonnant. Le nourrisson, dès qu’il aperçoit le nourricier, soulève un peu ses ailes, et leur imprime un tremblement de pauvre, en sorte que l’on reconnaît au premier coup d’œil celui qui demande et celui qui va donner, comme chez nous le mendiant et le riche. Tout mendiant se fait tremblant, et c’est pourquoi nous comprenons ce signe de l’oisillon. Mais on peut comprendre un signe sans se l’expliquer pour cela. Il n’est pas si aisé de dire pourquoi un homme tremble quand il a peur ; toutefois il est clair qu’un mouvement hésitant retenu, et recommencé sans qu’on le conduise à l’achèvement, est toujours un signe de faiblesse. C’est d’après cette vue qu’en toute catastrophe nous distinguons d’abord si bien le malheureux qui ne sait que faire de celui qui apporte secours, dont les mouvements sont, au contraire, prompts et décidés, et seulement signes d’eux-mêmes. Toutefois ces ailes tremblantes ne sont point faibles. Approchez-vous ; l’oisillon s’envolera comme père et mère. Ce tremblement est donc bien un signe, et non pas seulement un effet. Il s’agit maintenant de découvrir quelque pli de coutume et enfin l’histoire de ce signe, comme Darwin[1]a fait pour le cheval qui mord quand on l’étrille. Dès que l’on a observé deux chevaux au pâturage, qui se grattent l’un l’autre la crinière, tout est expliqué. Cet exemple, et tant d’autres non moins célèbres, ont engagé l’intelligence dans de nouveaux chemins. Je voudrais comprendre l’oisillon par les mêmes causes. Je n’ai pas à expliquer pourquoi il ouvre le bec dès qu’il aperçoit la nourriture ; ce signe n’est qu’une action. Comment comprendre que le tremblement de l’aile est aussi une action, mais une action dépassée et conservée ? Il faut voir comment les jeunes oiseaux sont disposés dans le nid, et comment ils s’agitent à l’approche du nourricier. En ce lit creux, où la pesanteur toujours les rassemble, il est naturel qu’ils se soulèvent et se poussent par de petits mouvements des ailes, qui sont comme leurs bras. Telles sont les premières actions par lesquelles l’oiseau s’approche de la nourriture. Or, je crois que ni l’oiseau, ni l’homme, ni aucun être n’oublient jamais ces mouvements-là. Ils restent attachés aux impressions de la faim, dès que la nourriture est reçue et non conquise ; ils sont encore, liés à tout désir, dès que l’accomplissement dépend d’un autre être. Tous ceux qui observent les amours des oiseaux au premier printemps peuvent vérifier cette supposition hardie, qui est déjà dans Descartes[2].
Dans les petites espèces tout au moins, et notamment dans le moineau, la fauvette, la mésange, le rouge-gorge, le pinson, le signe de l’amour est ce même tremblement de l’aile que l’on voit en l’oisillon. L’enfance revient ici, par le besoin que l’amour a du semblable. Ainsi l’antique image de l’Amour enfant est encore plus juste qu’on ne voudrait le croire. Qui aime redevient enfant, et se signifie à lui-même, par d’anciens signes, et bien émouvants pour lui, qu’il est de nouveau au nid et en dépendance. Ce retour des signes fait scandale en un homme qui se veut gouverner. La timidité s’explique assez par ce retour d’enfance, exprimé avec force, et sans notre permission, par des mouvements du corps qui signifient tout autre chose que la puissance ; bref, notre mimique va toujours au-delà de nos pensées, et quelquefois contre ; en sorte que le fier Alceste se trouve devant Célimène[3], et bien malgré lui, semblable à ces oisillons tremblants. L’humiliation n’est pas loin ; cette peur de soi non plus, qui annonce la colère. Et, puisque le courtisan est mis à certains égards dans la situation de l’amoureux, ainsi que le commun langage nous le rappelle, il est assez plaisant de penser que les signes de l’enfance nous reviennent aussi devant un roi ou un ministre, dans le moment même où nous voudrions prouver puissance au contraire et âge viril.
Je saute de là aux saluts de cour, qui inclinent l’homme selon sa plus ancienne attitude. Et, par un saut encore plus hardi, faute de vues suffisantes, je reviens aux saluts du pinson amoureux, qui sont réglés comme un menuet, trois petits pas, un salut, et ainsi plusieurs fois, sur un demi-cercle très exactement tracé. Ces étonnantes cérémonies, que l’on finit par observer dès que l’on sait rester immobile, passent de loin notre physiologie ; mais c’est qu’aussi elle cherche souvent mal, occupée à torturer la nature comme un enfant qui éventre sa poupée, alors que la condition évidente de ces difficiles observations est de se tenir tranquille. Il n’y aurait jamais eu d’astronomie si nous avions pu mettre la main au système solaire et y changer quelque chose. La grande leçon de l’astronomie est qu’il faut tout contempler astronomiquement, tout, même la coquette, même le ministre. Toutes les fois que vous étendez seulement la main, une vérité s’envole.
Alain, Esquisses de l’homme (1927), VII Signes, Propos du 10 juillet 1925.
Corrigé
1) Analyse du texte et remarques.
Alain commence par donner des exemples de comportements qui sont des signes. C’est l’oisillon qui attend la becquée, c’est le mendiant qui attend une pièce. À chaque fois, un être est en position de faiblesse et le montre. Le signe peut être interprété correctement sans qu’on comprenne pourquoi il est tel en tant que signe comme le tremblement pour la peur. Il est possible de le comprendre en en faisant l’histoire. Alain donne l’exemple de l’explication du signe que manifeste le cheval qui mord quand on l’étrille qui s’explique par le fait que les chevaux se mordent au pâturage. Alain explique le battement des ailes de l’oisillon par les mouvements qu’il fait contre les autres pour s’avancer dans le nid. Il en induit que l’homme comme l’oiseau conserve toujours les premiers mouvements liés par la faim. Il en va de même pour les animaux du désir. Les amours des oiseaux le montrent. Alain se réfère positivement à Descartes.
L’observation de petits oiseaux montre selon Alain le même signe dans l’amour qui marque le besoin. Il justifie alors la représentation de l’amour par un enfant : elle provient du fait que dans l’amour l’homme redevient enfant. Les signes reviennent. Il en donne comme exemple la timidité. L’amour agit en nous et nous nous retrouvons en quelque sorte gouvernés. Alain illustre ce retour des signes par l’exemple d’Alceste si timide devant Célimène qu’il aime. Il poursuit son analyse en disant que le mouvement de l’amour va vers l’humiliation. Le courtisan lui paraît avoir la même attitude que l’amoureux : il est faible là où il voudrait être fort.
L’homme de cour comme le pinson amoureux ont des pas de cérémonie, réglés. Alain précise qu’il faut les observer et non tenter d’expérimenter comme le fait la physiologie. Il précise que l’astronomie n’aurait pu s’établir si les hommes avaient pu modifier le cours des planètes.
2) Idées essentielles.
1. Les oiseaux comme les hommes expriment leur besoin par des signes. De tels signes sont plus que des effets. On peut les expliquer à la façon de Darwin.
2. Les signes proviennent des besoins. Ni l’animal, ni l’homme ne se séparent de ces signes.
3. On retrouve les mêmes signes dans les amours des oiseaux.
4. La représentation de l’amour par un enfant s’explique par le fait que l’amour est un retour en enfance.
5. L’homme qui prétend gouverner se retrouve en état de soumission. L’amoureux est semblable au courtisan.
6. Il est fondamental que toutes les cérémonies, celles des oiseaux comme celles des hommes, soient observées de la même façon que l’astronomie observe les étoiles.
Proposition de résumé.
Les oiseaux émettent des signes exprimant leur besoin, l’homme aussi. Ces signes ne sont pas que des effets. Darwin [20] a montré qu’ils peuvent s’expliquer. Ils proviennent du besoin alimentaire et ne quittent ni l’animal ni l’[40] homme.
Les mêmes signes se retrouvent dans les amours aviaires. L’amour étant un retour en enfance, on comprend sa [60] représentation ancienne par un enfant. L’homme dominateur se retrouve soumis. L’amoureux ressemble ainsi au courtisan.
Les cérémonies aviaires [80] et humaines doivent être observées et non modifiées pour être comprises, comme l’astronomie l’a fait pour les étoiles.
100 mots
[1]1809-1882. Le naturaliste britannique a publié en 1859 L’évolution des espèces par le moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour l’existence.
[2]1596-1650. Le philosophe français a publié en 1649 un Traité des passions qui est un modèle pour Alain par ses explications physiologiques.
[3]Il s’agit des personnages du Misanthrope (1666) de Molière (1622-1673). Alceste, le misanthrope, sincère sans mesure, est amoureux de la coquette Célimène (notes de Bégnana : ne pas en tenir compte dans le résumé).
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