Il reste à prouver que la société ou l’un de ses fonctionnaires a reçu d’en haut la mission de venger toute offense supposée envers le Tout-puissant, qui ne soit pas un tort infligé à un de nos semblables. L’idée qu’il est du devoir d’un homme de veiller à ce qu’un autre soit religieux est la cause de toutes les persécutions religieuses jamais perpétrées ; et si on l’admettait, elle les justifierait pleinement. Quoique le sentiment qui transparaît dans les fréquentes tentatives d’arrêter le trafic des trains le dimanche, de fermer les musées, etc., n’ait pas la cruauté des anciens persécuteurs, l’état d'esprit qu’elles signalent est fondamentalement le même. C’est une détermination à ne pas tolérer que les autres fassent ce que leur permet leur religion, et cela parce que ce n’est pas permis par la religion du persécuteur. C’est croire que non seulement Dieu déteste l’acte du mécréant, mais qu’il ne nous tiendra pas non plus pour innocents si nous le laissons agir en paix.
John Stuart Mill, De la liberté, 1859.
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