Sujet
Résumez le texte suivant en 100 mots (plus ou moins
10%). Vous indiquerez les sous totaux de 20 en 20 (20, 40, …) par un trait
vertical et par le chiffre correspondant dans la marge. Vous indiquerez
obligatoirement votre total exact à la fin de votre résumé.
On supporte moins aisément la passion
que la maladie ; dont la cause est sans doute en ceci, que notre passion
nous paraît résulter entièrement de notre caractère et de nos idées, mais porte
avec cela les signes d’une nécessité invincible. Quand une blessure physique
nous fait souffrir, nous y reconnaissons la marque de la nécessité qui nous
entoure ; et tout est bien en nous, sauf la souffrance. Lorsqu’un objet
présent, par son aspect ou par le bruit qu’il fait, ou par son odeur, provoque
en nous de vifs mouvements de peur ou de désir, nous pouvons encore bien
accuser les choses et les fuir, afin de nous remettre en équilibre. Mais pour
la passion nous n’avons aucune espérance ; car si j’aime ou si je hais, il
n’est pas nécessaire que l’objet soit devant mes yeux ; je l’imagine, et
même je le change, par un travail intérieur qui est comme une poésie ;
tout m’y ramène ; mes raisonnements sont sophistiques et me paraissent
bons ; et c’est souvent la lucidité de l’intelligence qui me pique au bon
endroit. On ne souffre pas autant par les émotions ; une belle peur vous
jette dans la fuite, et vous ne pensez guère, alors, à vous-même. Mais la honte
d’avoir eu peur, si l’on vous fait honte, se tournera en colère ou en discours.
Surtout votre honte à vos propres yeux, quand vous êtes seul, et principalement
la nuit, dans le repos forcé, voilà qui est insupportable, parce qu’alors vous
la goûtez, si l’on peut dire, à loisir, et sans espérance ; toutes les
flèches sont lancées par vous et reviennent sur vous ; c’est vous qui êtes
votre ennemi. Quand le passionné s’est assuré qu’il n’est pas malade, et que
rien ne l’empêche pour l’instant de vivre bien, il en vient à cette réflexion :
« Ma passion, c’est moi ; et c’est plus fort que moi. »
Il y a toujours du remords et de l’épouvante
dans la passion, et par raison, il me semble ; car on se dit : « Devrais-je
me gouverner si mal ? Devrais-je ressasser ainsi les mêmes choses ? »
De là une humiliation. Mais une épouvante aussi, car on se dit : « C’est
ma pensée même qui est empoisonnée ; mes propres raisonnements sont contre
moi ; quel est ce pouvoir magique qui conduit ma pensée ? »
Magie est ici à sa place. Je crois que c’est la force des passions et l’esclavage
intérieur qui ont conduit les hommes à l’idée d’un pouvoir occulte et d’un
mauvais sort jeté par un mot ou par un regard. Faute de pouvoir se juger
malade, le passionné se juge maudit ; et cette idée lui fournit des
développements sans fin pour se torturer lui-même. Qui rendra compte de ces
vives souffrances qui ne sont nulle part ? Et la perspective d’un supplice
sans fin, et qui s’aggrave même de minute en minute, fait qu’ils courent à la
mort avec joie.
Beaucoup ont écrit là-dessus ; et
les stoïciens nous ont laissé de beaux raisonnements contre la crainte et contre
la colère. Mais Descartes est le premier, et il s’en vante, qui ait visé droit
au but dans son Traité des Passions.
Il a fait voir que la passion, quoiqu’elle soit toute dans un état de nos
pensées, dépend néanmoins des mouvements qui se font dans notre corps ; c’est
par le mouvement du sang, et par la course d’on ne sait quel fluide qui voyage
dans les nerfs et le cerveau, que les mêmes idées nous reviennent, et si vives,
dans le silence de la nuit ; cette agitation physique nous échappe
communément ; nous n’en voyons que les effets ; ou bien encore nous
croyons qu’elle résulte de la passion, alors qu’au contraire c’est le mouvement
corporel qui nourrit les passions. Si l’on comprenait bien cela, on s’épargnerait
tout jugement de réflexion, soit sur les rêves, soit sur les passions qui sont
des rêves mieux liés ; on y reconnaîtrait la nécessité extérieure à
laquelle nous sommes tous soumis, au lieu de s’accuser soi-même et de se
maudire soi-même. On se dirait : « Je suis triste ; je vois tout
noir ; mais les événements n’y sont pour rien ; mes raisonnements n’y
sont pour rien ; c’est mon corps qui veut raisonner ; ce sont des
opinions d’estomac. »
Alain,
Propos sur le bonheur (1925, 1928),
VI Des passions, propos du 9 mai 1911.
Corrigé
1)
Analyse du texte et remarques.
Alain commence par avancer que la
passion est moins supportée que la maladie. Il en donne comme raison que la
passion a deux caractéristiques opposées, d’une part elle semble provenir de
nous et d’autre par elle manifeste la nécessité.
Il importe de bien remarquer que le
premier caractère est une apparence, ce que marque le terme
« paraît ».
Alain compare alors différents cas qui
montrent la spécificité de ce caractère apparent des passions. La blessure
physique, les objets qui suscitent certaines réactions affectives, nous
permettent de rejeter hors de nous la cause de la souffrance. Il lui oppose la
passion qui est possible sans objet en ce qu’il peut être imaginaire. Et
surtout, la passion façonne ainsi l’objet imaginaire qui commande alors tous
les raisonnements et les falsifie. Il oppose ainsi l’émotion de la peur qui
fait agir de la passion de la honte de cette peur qui implique de se torturer
soi-même au point que le passionné finit par se rendre responsable tout en se
sentant impuissant.
Alain montre ensuite que toute passion
enveloppe du repentir et une frayeur. Repentir de ne pas se maîtriser et
frayeur vis-à-vis d’une pensée comme infectée. De là, Alain déduit que le
passionné pense qu’il y a de l’ensorcellement en lui, ce qui pour l’auteur rend
compte de la croyance en la magie.
Il aborde dans un dernier temps la lutte
contre les passions. Après avoir loué les stoïciens, il insiste sur
l’importance de Descartes. Il résume la pensée et l’intérêt du philosophe dans
sont Traité des passions (1649). Elle
réside en cela que, ramenant la passion à des conditions physiologiques,
Descartes, tout en reconnaissant qu’elle a une dimension mentale, permet de
comprendre que nous n’en sommes pas responsables. Dès lors, le comprendre
permet de refuser d’interpréter les passions, de les laisser à leur extériorité
et donc d’éviter ainsi le repentir et la frayeur en ne gardant que la
nécessité.
2)
Idées.
1.
La passion fait plus souffrir que la maladie car outre la causalité extérieure
elle nous donne à penser qu’elle vient de nous.
2.
La comparaison avec les maux physiques, et même les émotions montre que ce
caractère est essentiel.
3.
La conséquence en est que la passion est habitée par le remords et l’épouvante.
4.
La passion nous donne à penser que nous sommes comme envoutés (d’où vient
l’idée de magie).
5.
Descartes a montré que les causes de la passion, qui est pensée, sont
physiologiques.
6.
Il permet de rejeter à l’extérieur la passion et de ne plus souffrir de torture
mentale.
3)
Proposition de résumé.
La passion nous fait plus souffrir que
la maladie car elle nous semble provenir de causes extérieures et de notre [20]
propre pensée. Alors que les maux physiques, mêmes les émotions, peuvent être
rapportés à l’extérieur, nous paraissons responsable de [40] notre passion.
Aussi est-elle accompagnée du repentir sur notre état et de frayeur sur
nous-mêmes. Nous nous croyons [60] envoutés – la passion est l’origine de la
sorcellerie.
Or, Descartes a montré que les passions
sont des pensées causées [80] par des mouvements physiologiques. Le savoir
permettrait alors de ne plus se torturer et de les rejeter à l’extérieur.
100 mots
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