Eugène Delacroix (1798-1863), La liberté guidant le peuple, 1830, huile sur toile, 260 × 325 cm, Musée
du Louvre, Paris.
Analyse
L’opinion commune définit la
liberté « faire ce qui nous plaît »
ou « faire ce qu’on veut ».
L’opinion commune toutefois n’admet pas qu’elle soit possible dans la mesure où
personne n’a tout à sa disposition. Que peut-on raisonnablement entendre par
liberté ?
Premièrement, le terme de
liberté possède un sens physique. C’est
celui qui se rapproche le plus de l’opinion commune. La liberté se dit alors de
celui qui n’est pas contraint, c’est-à-dire qui ne rencontre aucun obstacle qui
s’oppose à ce qu’il désire ou veut faire. En ce sens assez large, on l’attribue
même aux animaux ou aux choses. On dira que l’oiseau est libre ou que le cours
d’eau est libre.
En ce qui concerne les
hommes, sont des contraintes tout ce qui s’oppose à ce qu’ils désirent, quoi
qu’ils désirent. Les contraintes sont d’abord physiques. Elles peuvent être
mentales comme dans la menace qui accompagne la loi juridique, voire la loi
religieuse pour ceux qui y croient. La liberté donc s’oppose à la contrainte.
Elle s’oppose aussi à l’obligation dans la mesure où elle se présente
comme une loi non désirée mais qui ne
sert que de moyen pour éviter d’être menacé par les actions des autres.
Entendue comme absence de
contraintes, la liberté dépend pour partie de l’état de choses dans lequel vit
un homme et dépend pour partie de ses désirs.
Deuxièmement, le terme de
liberté possède un sens politique
fort. C’est le statut de l’homme libre, c’est-à-dire du citoyen en tant qu’il a
le droit de participer directement ou indirectement au débat public. Public
désigne ce qui concerne la collectivité tout entière et s’oppose à privé et
public s’oppose également à ce qui est secret. L’homme libre s’oppose bien sûr
à l’esclave qui est la propriété d’un autre. Mais il s’oppose plus généralement
à tout homme dirigé par un autre, le sujet, même s’il n’est pas esclave.
L’homme libre s’oppose aussi à tous les hommes qui vivent dans des communautés
où les coutumes sont censées être intangibles, à savoir les tribus. On attribue
aux anciens, grecs puis romains, cette conception de la liberté.
Il possède également un sens
politique faible, voire un sens antipolitique. C’est le statut de
l’homme qui possède un domaine privé où il peut décider de ce qu’il fait. La
liberté s’oppose alors à la politique en ce que cette dernière implique de la
part de l’individu un engagement. On attribue aux modernes, plus précisément
aux libéraux cette conception de la liberté.
Disons donc que la liberté
au sens politique dépend de
l’organisation des rapports avec les autres.
Troisièmement, la liberté a
un sens pour l’individu pris en lui-même, un sens métaphysique. Elle désigne alors le choix fait sans être déterminé
par des désirs ou toute autre détermination intérieure. En ce sens on dit d’un
homme qui dépend d’un désir qu’il est esclave de lui-même alors que celui qui
maîtrise son désir passe pour libre.
Si le choix est pensé
indépendamment de tout motif, on parle alors de libre arbitre. La liberté
s’oppose au serf arbitre.
Si le choix est pensé à
partir de la capacité du sujet à penser son action à partir d’une loi qu’il se
donne à lui-même, on parle alors d’autonomie. La liberté s’oppose à
l’hétéronomie.
De façon générale, la
liberté au sens métaphysique repose
sur l’idée qu’il est possible d’agir sans être déterminé par une cause.
Problème
Quelle est la vraie
liberté ? Est-ce seulement celle que nous avons en commun avec les animaux
sauvages, c’est-à-dire l’absence de contraintes ? Est-elle dans le choix
que nous pouvons toujours faire qui, quels que soient le régime politique, les
lois, est toujours notre choix et qui fait que « nous sommes condamnés à la liberté » (Sartre, L’être et le néant) ? Est-elle
plutôt dans la vie en commun avec d’autres ou rendue possible par une certaine
organisation de la vie en commun, c’est-à-dire la constitution d’un espace
public qui fait que nul ne peut être libre seul ?
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