Jacques-Louis David (1748-1825), Le serment du jeu de Paume, le 20 juin 1789,
après 1791, Huile sur toile, 65 cm x 88,7 cm, musée Carnavalet, Paris.
Analyse.
Étymologiquement,
la politique désigne l’expérience des Grecs. En effet, Hérodote (484-420 av.
J.-C.), le « père de l’histoire », nous permet dans un débat qu’il
propose entre deux Spartiates prisonniers et un satrape Perse d’en voir la
spécificité. Les Spartiates vantent la liberté qu’ils connaissent et pour
laquelle ils sont prêts à mourir et qu’ignore leur interlocuteur (cf. Hérodote,
Histoires, VII Polymnie, 135). Dans
la cité (polis) les citoyens sont libres, car ils ne sont pas gouvernés par un roi
ou un tyran. Le pouvoir est au milieu, il n’appartient à personne. Les citoyens
agissent les uns sur les autres ou avec les autres par la parole. Des lois
écrites organisent les relations entre les hommes dans la cité. Et les actes
politiques sont publics c’est-à-dire communs et non secrets.
Le philosophe
Aristote qui a défini l’homme « un
animal politique » (Politique,
I, 2, 1253a ; cf. aussi Histoire des
animaux, livre I, 487b-488a) nous permet de reconstituer ce sens
originellement grec. Pour lui, la cité est cette forme de communauté humaine
qui a pour fin de bien-vivre et qui réunit des hommes libres. Aussi, la cité
implique de s’interroger sur la meilleure façon de commander des hommes libres
sans attenter à leur liberté. Hérodote, en grec, fait s’interroger des Perses
sur le meilleur régime : est-ce la démocratie, l’aristocratie ou la
monarchie (Histoires, III Thalie,
80-82). C’est pourquoi pour Aristote comme pour son maître Platon, la justice
est la vertu politique par excellence.
Cette conception
grecque, partiellement reprise par Rome dont la cité (civitas) fut « République »
(res publica) puis « Empire » (imperium), reste limitée et
discutable. Car, en fait de liberté, ceux qui commandent peuvent passer pour
les maîtres véritables et ceux qui sont commandés pour leurs esclaves. Telle
est aussi la conception grecque qu’on trouve chez les Sophistes, voire chez
l’historien Thucydide (460-395 ? av. J.-C.) leur élève. Quant à la république
romaine, elle ne fut jamais égalitaire puisque le vote des classes les plus
riches suffisait à assurer l’élection. Quant à l’empire, il vit nombre de
césars ou empereurs chercher à gouverner comme des rois.
Si donc on
pense que cette conception de la politique n’est qu’un idéal, voire une sorte
de fiction à l’instar de Machiavel (Le
Prince, Chapitre XV), ne faut-il pas alors penser que la politique désigne
toutes les relations de pouvoir dans les sociétés humaines ? En ce sens,
la forme grecque en serait un exemple et pas forcément le meilleur.
S’y oppose
notamment la politique moderne dont on peut rapidement esquisser les traits.
Elle part non des citoyens, mais des hommes comme être de passions. Aussi
refuse-t-elle de penser l’homme comme un animal politique comme on le voit
clairement chez Hobbes qui refuse explicitement cet axime dans Le Citoyen (1642). La politique désigne
ce domaine où l’État exerce ses fonctions. L’État a affaire à la société,
c’est-à-dire ce mode du vivre ensemble où chaque individu échange des biens,
des services, voire des idées ou des sentiments en satisfaisant ses intérêts
avec les autres et qui demande à être protégé des actions néfastes ou de
l’absence d’actions des autres. Qu’on pense l’État comme la condition de
l’exercice de la liberté privée ou au contraire comme l’instrument de la domination
de classes, voire comme l’instrument de la domination de la race supérieure,
l’État est le maître mot de la politique moderne, c’est-à-dire d’une politique
qui vise à s’effacer comme fin de l’existence humaine.
Problèmes.
Pourquoi alors
la politique ? Est-elle nécessaire à la vie humaine qui sans elle serait
misérable ? Est-elle au contraire nécessaire seulement à la domination de
certains sur d’autres ?
Dès lors,
est-elle superflu, c’est-à-dire est-elle ce dont l’humanité doit finalement se
libérer, voire ce qu’il faut limiter comme une sorte de mal nécessaire ?
Ou bien
est-elle véritablement et comment la condition d’une vie meilleure ou chaque
homme est pour chaque autre ?
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