Introduction
L’idée de bonheur évoque le plaisir, le bien-être, la joie. Son contraire
c’est le malheur qui évoque plutôt la tristesse, la souffrance, le mal-être.
On peut lier le bonheur et la liberté si cette dernière renvoie au plaisir
ou à la joie.
Le bonheur paraît la fin de la vie humaine. C’est même le but final,
c’est-à-dire un but (ou fin) qui n’est pas moyen d’un autre but. Un but ou fin
ne disparaît pas parce qu’il a été atteint. Certains buts (ou fins), une fois
atteint, implique de rechercher de nouveaux buts (ou fins). D’autres non :
le bonheur est une fin qui reste constante toute la vie. Lorsqu’on l’atteint,
on ne peut que chercher à le conserver.
On n’identifie souvent la vie heureuse à la vie de plaisirs.
Toutefois, il y a des plaisirs qu’on ne recherche pas ou qui sont mauvais.
Est nuisible la consommation excessive d’alcool. L’alcoolisme conduit le sujet
à ne pas pouvoir se passer d’alcool : il est dépendant. Certains plaisirs
s’opposent donc à la liberté entendue comme maîtrise de soi. Et il y a des
douleurs positives. Par exemple, celles qu’on a lorsqu’on s’exerce (sport,
activité intellectuelle), voire celles qui nous permettent de retrouver la
santé.
On peut donc chercher à déterminer quelles sont les conditions qui
permettraient une vie heureuse.
I. La vie de plaisirs.
Le plaisir est un sentiment. Il arrive parfois lorsqu’on réalise un de nos
désirs, voire notre volonté. La différence entre le plaisir et la douleur
réside en ce que dans le premier cas, le sujet cherche à persévérer dans le
sentiment alors que dans le second cas, il cherche à en sortir.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure définit le bonheur par le
plaisir dont il fait le but final de la vie. Or, il y a des plaisirs qu’on
estime mauvais et, au contraire, des douleurs qu’on estime bonnes.
Exemple : fumer (tout) est mauvais. Exemple : les soins dentaires
sont bons.
Si on peut définir le bonheur par le plaisir, c’est parce qu’on évite
certains plaisirs parce qu’il en résulte des douleurs plus grandes.
Inversement, si on choisit certaines douleurs, c’est parce qu’il en résulte un
plaisir plus grand. Dans tous les cas, c’est bien le plaisir qui est le
principe du choix des activités. Et on peut définir la vie heureuse, la vie où
les plaisirs sont plus importants que les douleurs.
Cependant, il peut arriver qu’on évite certains plaisirs non pas parce
qu’ils sont sources de plus grandes souffrances, mais parce qu’ils sont mauvais
moralement. Ne faut-il donc pas distinguer la recherche du bonheur de la
recherche du bien ou alors ne sont-elles pas identiques ?
II. La vertu.
Dans son traité sur Le bonheur, Sénèque distingue la recherche
du bonheur de la recherche du plaisir. Pour lui, c’est la vertu qui donne le
bonheur. Par vertu, il faut entendre la disposition à réaliser le bien moral,
disposition qui dépend de la volonté de faire le bien.
Sénèque réfute l’idée que le plaisir est le but de la vie humaine en usant
d’une analogie. De la même manière qu’on laboure pour obtenir une moisson et
non pour faire pousser les fleurs qui surgissent dans le champ, on agit avec
vertu pour obtenir le bonheur et le plaisir arrive parfois de surcroit. On
pourrait ainsi distinguer la joie qui est le résultat de l’exercice de la
volonté du plaisir qui touche le corps de façon involontaire.
Le bonheur apparaît alors comme essentiellement lié à l’exercice de la
liberté. En effet, comme il est le fruit de la vertu, et comme la vertu ne peut
être cherchée que pour elle-même, le bonheur est accessible à qui veut être
heureux.
Néanmoins, on ne comprend pas pourquoi tous les hommes ne sont pas heureux.
Comment peuvent-ils, si le bonheur est à leur portée, rechercher les
plaisirs ? Ne faut-il pas penser que le bonheur n’est pas seulement dans
la vertu ?
III. L’action.
On peut alors concilier les deux points de vue sur le bonheur en
distinguant entre le plaisir reçu qui ennuie et le plaisir voulu qui satisfait.
Ainsi Alain, dans Minerve ou de la
sagesse (propos de janvier 1934), pense-t-il que le bonheur est d’abord
dans l’action, c’est-à-dire dans l’exercice de la liberté. Peu importe alors
l’action. Elle plaît dans la mesure où le sujet l’exerce. Elle plaît même
malgré les peines. Alain prend en ce sens à la fois l’exemple des activités
intellectuelles et des activités sportives comme la course ou la boxe qui ne
sont pas exempts de souffrances mais qui font le bonheur du sujet qui les
pratique avec plaisir. On peut comprendre par ailleurs qu’on accepte les
douleurs qui permettent la santé, car elle est la condition justement de
l’action et donc du bonheur.
Il faut même considérer que le plaisir accompagne l’activité plus qu’il
n’en est la récompense. Le plaisir qu’on prend à manger n’est pas le plaisir
que l’on a d’être rassasié. Le second supprime le besoin ou le désir, le
premier accompagne sa réalisation.
En ce sens, la vertu peut rendre heureux, mais elle n’est pas la seule.
D’autres actions indifférentes le peuvent tout aussi bien. L’essentiel est que
l’action soit libre. C’est pour cela que la morale imposée donne plutôt le
désir de la transgresser pour exercer sa liberté. La morale ne peut s’accompagner
du bonheur que si elle est voulue, c’est-à-dire finalement, si elle est
véritablement morale, c’est-à-dire libre.
Bilan.
Pour être heureux, il ne suffit ni de sélectionner certains plaisirs pour
éviter les douleurs, ni d’agir moralement. Il faut agir librement et alors le
plaisir accompagne l’action. La première difficulté alors est de trouver les
actions qui nous procurent ce plaisir qui nous fait accepter certaines peines
comme ingrédients du bonheur. La seconde est de trouver les conditions de l’exercice
de la liberté.
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