dimanche 28 juin 2015

Condillac, biographie

Etienne Bonnot (de Condillac) est né à Grenoble le 30 septembre 1715 dans une famille de la noblesse de robe. Son père Gabriel Bonnot est vicomte de Mably (~1650-1729). Il a cinq enfants : Jean (1696-1761), l’aîné, Gabriel, le second, connu sous le nom d’abbé de Mably (1709-1785), Etienne est donc le troisième, le quatrième se prénomme François et la cinquième, Anne.
En 1720, Gabriel Bonnot achète le domaine de Condillac près de Romans dont Etienne prendra le nom. Il semble qu’il ait eu une santé fragile.
Toutefois, en 1727, après la mort de son père, il s’installe chez son frère aîné à Lyon. Il y suit des études au Collège des Jésuites.
Vers 1733, son second frère, l’abbé de Mably, l’emmène à Paris où il reçoit un enseignement traditionnel de théologie, de philosophie et de sciences au séminaire de Saint-Sulpice, puis à la Sorbonne.
En 1740, il reçoit les ordres mais renonce à exercer le sacerdoce. Il n’aurait célébré qu’une fois la messe. Dans le même temps, il fréquente les salons. Il lie et étudie Descartes (1596-1650), Malebranche (1638-1715) et Leibniz (1646-1716) qui écrivaient en latin.
Ne sachant pas l’anglais, il lit l’Essai philosophique concernant l’entendement humain de Locke (1632-1704) dans la traduction de Pierre Coste (1668-1747) publiée en 1700 que Locke avait d’ailleurs revue lui-même. Il en retiendra le refus de l’innéisme et l’empirisme comme principe de la connaissance. Voltaire (1694-1778) n’écrivait-il pas de Locke en 1734 dans ses Lettres anglaises ou Lettres philosophiques :
« Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l’âme, un sage est venu qui en a fait modestement l’histoire. » Voltaire, Lettres philosophiques, treizième lettre sur M. Locke, Paris, GF Flammarion, 1964, p.83.
Les traités de Newton (1642-1727), Principes mathématiques de la philosophie (1ère édition 1697) et l’Optique (1704) étant parus en latin, il peut les étudier directement. En outre, en 1737, Voltaire avait vulgarisé la physique de Newton dans ses Éléments de la Philosophie de Newton (jusqu’au xviii° siècle, voire au xix°, la physique peut être appelée philosophie naturelle, philosophie seconde ou philosophie tout court, conformément à un usage qui remonte à Aristote).
Avec son frère, l’abbé de Mably, il fréquente l’hôtel célèbre de la marquise Marie de Tencin (1682-1749). Il retrouve Rousseau (1712-1778), qui fera son éloge dans l’Émile (1762) et dans les Confessions (posthume : livres I à VI 1782, livres VII à XII 1789). Le philosophe avait été précepteur des enfants de son frère aîné. C’est par lui qu’il se lie à Diderot (1713-1784). Il fréquente également tous les salons à la mode dont celui de Mademoiselle Ferrand, l’égérie des philosophes. Il prétendra qu’elle lui a inspiré le Traité des sensations et la fameuse hypothèse de la statue (cf. « Dessein de l’ouvrage » in Traité des sensations. Traité des animaux, Paris, Fayard, « Corpus des œuvres de philosophie en langue française, 1984, pp.10-14). Par Diderot, il rencontre les autres « philosophes » des Lumières, Duclos (1704-1772), d’Holbach (1723-1789), Helvétius (1715-1771), Voltaire. Il rencontre ultérieurement dans le salon de Mme Helvétius, Benjamin Franklin (1706-1790) et Turgot (1727-1781). Il est lié à d’Alembert (1717-1783) qui lui empruntera pour son Discours préliminaire de l’Encyclopédie (1751).
En 1746, grâce à Rousseau si l’on en croit le témoignage de ce dernier, paraît son Essai sur l’origine des connaissances humaines.
En 1748, il fait paraître anonymement dans un recueil de l’Académie de Berlin une « Dissertation sur les Monades » qui sera en grande partie reprise dans le chapitre 6 « Comment l’homme acquiert la connaissance de Dieu » de la Seconde partie du Traité des animaux (cf. Traité des animaux, Paris, Vrin, 2004, note 1, p.169).
En 1749, paraît le Traité des systèmes. Condillac y fait l’apologie de la méthode inductive et de Newton contre la méthode déductive de Descartes et des “cartésiens”, Spinoza (1632-1677), Malebranche, Leibniz. Il devient membre de l’Académie de Berlin.
En 1754 il fait paraître le Traité des sensations où Condillac analyse la fameuse statue qu’il dote progressivement de chaque sens. Le but du Traité des sensations est de montrer que toutes les facultés humaines dérivent de la sensation. Cette thèse sera désignée en 1804 par le terme “sensualisme” inventé par Joseph Marie baron de Gérando (1772-1842) dans la seconde édition de son ouvrage Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des connaissances pour faire l’éloge de Condillac. Le terme deviendra péjoratif chez les philosophes spiritualistes du xix° siècle. Il fait également paraître une Dissertation sur la liberté.
En 1755, paraît le Traité des animaux avec un extrait raisonné du Traité des sensations. L’ouvrage est explicitement placé sous le signe de la polémique avec Buffon (1707-1788). Condillac veut écarter l’accusation de plagiat. Il n’en reste pas moins lié à la problématique du Traité des sensations, à savoir faire la genèse de toutes les facultés humaines à partir de la sensation tout en témoignant de l’orthodoxie religieuse de l’abbé de Condillac.
En 1758, il est célèbre. À la demande de Louise-Élisabeth (1727-1759), fille aînée du roi Louis XV (1710-1715-1774), Condillac part pour Parme où il est précepteur de son fils, l’infant Don Ferdinand. Il remplit cet office jusqu’en 1767. Il en profite pour rédiger son Cours d’Études (Grammaire, Art d’écrire, Art de raisonner, Art de penser, Histoire ancienne, Histoire moderne). Il faillit y mourir de la petite vérole autrement nommée variole.
En 1766, l’extrait raisonné du Traité des sensations est réédité.
De retour à Paris en 1767, il reçoit l’abbaye de Mureau.
Le 28 novembre 1768, il est élu à l’Académie française. Dans son Discours de réception prononcé lors de sa réception le 22 décembre, il célèbre l’Europe sortie de la barbarie et acquérant progressivement les lumières. Il décline l’offre flatteuse d’éduquer les trois fils du Dauphin, les futurs Louis XVI (1753-1774-1793) Louis XVIII (1755-1814-1824) et Charles X (1757-1824-1830-1836).
En 1771, le Traité des systèmes est réédité.
En 1773, il achète le domaine de Flux près de Beaugency où il se retire. Il publie le Cours d’Études à Paris en 16 volumes qui sera réédité en 1778, 1780, 1782 et 1783.
En 1776, il entre à la Société Royale d’Agriculture d’Orléans où règne le libéralisme. Il y rencontre Antoine Lavoisier (1743-1794) qui se réfèrera à son œuvre en 1789 dans son Traité élémentaire de chimie et le physiocrate Guillaume-François Le Trosne (1728-1780). Rousseau, n’ayant pu déposer le manuscrit de ses Dialogues sur l’autel de Notre-Dame parce que les grilles étaient fermées, lui en fait don. Il publie Le Commerce et le Gouvernement considérés relativement l’un à l’autre l’année où Adam Smith (1723-1790) fait paraître ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. L’extrait qui suit montre si besoin en était que la question du libéralisme n’est pas récente.
« Si, dans un temps où les anglais et les Français ne commercent point ensemble, les récoltes surabondantes en Angleterre ont été insuffisantes en France, il s’établira deux prix, tous deux fondés sur la quantité relativement au besoin, et tous deux différens, puisque la quantité relativement au besoin n’est pas la même en France et en Angleterre. Aucun de ses prix ne sera donc tout à la fois proportionnel pour toutes deux : aucun ne sera également avantageux à toutes deux : aucun ne sera, pour toutes deux, le vrai prix.
Mais si les Anglais et les Français commerçoient entre eux avec une liberté pleine et entière, le blé, qui surabonde en Angleterre, se verseroit en France ; et parce qu’alors les quantités, relativement au besoin, seroient les mêmes dans l’une et l’autre monarchie, il s’atabliroit un prix qui seroit le même pour toutes deux et ce seroit le vrai pour l’une comme pour l’autre, puisqu’il leur seroit également avantageux.
On voit par-là combien il importeroit à toutes les nations de l’Europe de lever les obstacles qu’elles mettent pour la plupart à l’exportation et à l’importation. » Condillac, Le Commerce et le Gouvernement considérées relativement l’un à l’autre in Œuvres de Condillac, revues, corrigées par l’auteur, 23 volumes, in-8°, Paris, Imprimerie de C. Houiel, an VI-1798 (J’ai conservé l’orthographe originale).
En 1777, il rédige une Logique pour les écoles de Pologne à la demande du Comte Ignace Potocki (1751-1809). Ce dernier la traduisit en polonais (cf. Biographie nouvelle des contemporains ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit dans les pays étrangers; précédée d’un tableau par De Antoine-Vincent Arnault, Antoine Jay, Etienne de Jouy, Norvins, Publié par Librairie historique, 1824, p.45). Elle sera éditée en 1780.
Il commence l’année suivante La langue des Calculs qui restera inachevée.
Il meurt le 3 août 1780 au domaine de Flux.
En 1798, ses œuvres sont éditées. Elles comprennent La langue des Calculs. Elles servent de base à l’édition des œuvres de Condillac.


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