Etienne Bonnot
(de Condillac) est né à Grenoble le 30 septembre 1715 dans une famille de la
noblesse de robe. Son père Gabriel Bonnot est vicomte de Mably (~1650-1729). Il
a cinq enfants : Jean (1696-1761), l’aîné, Gabriel, le second, connu sous
le nom d’abbé de Mably (1709-1785), Etienne est donc le troisième, le quatrième
se prénomme François et la cinquième, Anne.
En 1720,
Gabriel Bonnot achète le domaine de Condillac près de Romans dont Etienne
prendra le nom. Il semble qu’il ait eu une santé fragile.
Toutefois, en
1727, après la mort de son père, il s’installe chez son frère aîné à Lyon. Il y
suit des études au Collège des Jésuites.
Vers 1733, son
second frère, l’abbé de Mably, l’emmène à Paris où il reçoit un enseignement
traditionnel de théologie, de philosophie et de sciences au séminaire de
Saint-Sulpice, puis à la Sorbonne.
En 1740, il
reçoit les ordres mais renonce à exercer le sacerdoce. Il n’aurait célébré
qu’une fois la messe. Dans le même temps, il fréquente les salons. Il lie et
étudie Descartes (1596-1650), Malebranche (1638-1715) et Leibniz (1646-1716)
qui écrivaient en latin.
Ne sachant pas
l’anglais, il lit l’Essai philosophique
concernant l’entendement humain de Locke (1632-1704) dans la traduction de
Pierre Coste (1668-1747) publiée en 1700 que Locke avait d’ailleurs revue
lui-même. Il en retiendra le refus de l’innéisme et l’empirisme comme principe
de la connaissance. Voltaire (1694-1778) n’écrivait-il pas de Locke en 1734
dans ses Lettres anglaises ou Lettres philosophiques :
« Tant de raisonneurs ayant fait le
roman de l’âme, un sage est venu qui en a fait modestement l’histoire. » Voltaire, Lettres philosophiques, treizième lettre sur M. Locke, Paris, GF
Flammarion, 1964, p.83.
Les traités de
Newton (1642-1727), Principes
mathématiques de la philosophie (1ère édition 1697) et l’Optique (1704) étant parus en latin, il
peut les étudier directement. En outre, en 1737, Voltaire avait vulgarisé la
physique de Newton dans ses Éléments de
la Philosophie de Newton (jusqu’au xviii°
siècle, voire au xix°, la physique
peut être appelée philosophie naturelle, philosophie seconde ou philosophie
tout court, conformément à un usage qui remonte à Aristote).
Avec son
frère, l’abbé de Mably, il fréquente l’hôtel célèbre de la marquise Marie de
Tencin (1682-1749). Il retrouve Rousseau (1712-1778), qui fera son éloge dans
l’Émile (1762) et dans les Confessions (posthume : livres I à
VI 1782, livres
VII à XII 1789). Le philosophe avait été précepteur des enfants de son frère
aîné. C’est par lui qu’il se lie à Diderot (1713-1784). Il fréquente également
tous les salons à la mode dont celui de Mademoiselle Ferrand, l’égérie des
philosophes. Il prétendra qu’elle lui a inspiré le Traité des sensations et la fameuse hypothèse de la statue (cf. « Dessein
de l’ouvrage » in Traité des sensations.
Traité des animaux, Paris, Fayard, « Corpus des œuvres de philosophie
en langue française, 1984, pp.10-14). Par Diderot, il rencontre les autres
« philosophes » des Lumières, Duclos (1704-1772), d’Holbach
(1723-1789), Helvétius (1715-1771), Voltaire. Il rencontre ultérieurement dans
le salon de Mme Helvétius, Benjamin Franklin (1706-1790) et Turgot (1727-1781).
Il est lié à d’Alembert (1717-1783) qui lui empruntera pour son Discours préliminaire de l’Encyclopédie
(1751).
En 1746, grâce
à Rousseau si l’on en croit le témoignage de ce dernier, paraît son Essai sur l’origine des connaissances
humaines.
En 1748, il
fait paraître anonymement dans un recueil de l’Académie de Berlin une « Dissertation
sur les Monades » qui sera en grande partie reprise dans le chapitre 6 « Comment
l’homme acquiert la connaissance de Dieu » de la Seconde partie du Traité des animaux (cf. Traité des animaux, Paris, Vrin, 2004,
note 1, p.169).
En 1749,
paraît le Traité des systèmes.
Condillac y fait l’apologie de la méthode inductive et de Newton contre la
méthode déductive de Descartes et des “cartésiens”, Spinoza (1632-1677),
Malebranche, Leibniz. Il devient membre de l’Académie de Berlin.
En 1754 il
fait paraître le Traité des sensations
où Condillac analyse la fameuse statue qu’il dote progressivement de chaque
sens. Le but du Traité des sensations
est de montrer que toutes les facultés humaines dérivent de la sensation. Cette
thèse sera désignée en 1804 par le terme “sensualisme” inventé par Joseph Marie
baron de Gérando (1772-1842) dans la seconde édition de son ouvrage Histoire comparée des systèmes de
philosophie relativement aux principes des connaissances pour faire l’éloge
de Condillac. Le terme deviendra péjoratif chez les philosophes spiritualistes
du xix° siècle. Il fait également
paraître une Dissertation sur la liberté.
En 1755, paraît
le Traité des animaux avec un extrait
raisonné du Traité des sensations.
L’ouvrage est explicitement placé sous le signe de la polémique avec Buffon
(1707-1788). Condillac veut écarter l’accusation de plagiat. Il n’en reste pas
moins lié à la problématique du Traité
des sensations, à savoir faire la genèse de toutes les facultés humaines à
partir de la sensation tout en témoignant de l’orthodoxie religieuse de l’abbé
de Condillac.
En 1758, il
est célèbre. À la demande de Louise-Élisabeth (1727-1759), fille aînée du roi
Louis XV (1710-1715-1774), Condillac
part pour Parme où il est précepteur de son fils, l’infant Don Ferdinand. Il
remplit cet office jusqu’en 1767. Il en profite pour rédiger son Cours d’Études (Grammaire, Art d’écrire, Art de raisonner, Art de penser, Histoire
ancienne, Histoire moderne). Il
faillit y mourir de la petite vérole autrement nommée variole.
En 1766,
l’extrait raisonné du Traité des
sensations est réédité.
De retour à
Paris en 1767, il reçoit l’abbaye de Mureau.
Le 28 novembre
1768, il est élu à l’Académie française. Dans son Discours de réception prononcé lors de sa réception le 22 décembre,
il célèbre l’Europe sortie de la barbarie et acquérant progressivement les
lumières. Il décline l’offre flatteuse d’éduquer les trois fils du Dauphin, les
futurs Louis XVI (1753-1774-1793)
Louis XVIII (1755-1814-1824) et
Charles X (1757-1824-1830-1836).
En 1771, le Traité des systèmes est réédité.
En 1773, il
achète le domaine de Flux près de Beaugency où il se retire. Il publie le Cours d’Études à Paris en 16 volumes qui
sera réédité en 1778, 1780, 1782 et 1783.
En 1776, il
entre à la Société
Royale d’Agriculture d’Orléans où règne le libéralisme. Il y
rencontre Antoine Lavoisier (1743-1794) qui se réfèrera à son œuvre en 1789
dans son Traité élémentaire de chimie
et le physiocrate Guillaume-François Le Trosne (1728-1780). Rousseau, n’ayant
pu déposer le manuscrit de ses Dialogues
sur l’autel de Notre-Dame parce que les grilles étaient fermées, lui en fait
don. Il publie Le Commerce et le
Gouvernement considérés relativement l’un à l’autre l’année où Adam Smith
(1723-1790) fait paraître ses Recherches
sur la nature et les causes de la richesse des nations. L’extrait qui suit
montre si besoin en était que la question du libéralisme n’est pas récente.
« Si, dans un temps où les anglais et les Français ne commercent
point ensemble, les récoltes surabondantes en Angleterre ont été insuffisantes
en France, il s’établira deux prix, tous deux fondés sur la quantité
relativement au besoin, et tous deux différens, puisque la quantité
relativement au besoin n’est pas la même en France et en Angleterre. Aucun de
ses prix ne sera donc tout à la fois proportionnel pour toutes deux :
aucun ne sera également avantageux à toutes deux : aucun ne sera, pour
toutes deux, le vrai prix.
Mais si les Anglais et les Français commerçoient entre eux avec une
liberté pleine et entière, le blé, qui surabonde en Angleterre, se verseroit en
France ; et parce qu’alors les quantités, relativement au besoin, seroient
les mêmes dans l’une et l’autre monarchie, il s’atabliroit un prix qui seroit
le même pour toutes deux et ce seroit le vrai pour l’une comme pour l’autre,
puisqu’il leur seroit également avantageux.
On voit par-là combien il importeroit à toutes
les nations de l’Europe de lever les obstacles qu’elles mettent pour la plupart
à l’exportation et à l’importation. » Condillac,
Le Commerce et le Gouvernement
considérées relativement l’un à l’autre in Œuvres de Condillac, revues, corrigées par l’auteur, 23 volumes,
in-8°, Paris, Imprimerie de C. Houiel, an VI-1798 (J’ai conservé l’orthographe
originale).
En 1777, il
rédige une Logique pour les écoles de
Pologne à la demande du Comte Ignace Potocki (1751-1809). Ce dernier la
traduisit en polonais (cf. Biographie
nouvelle des contemporains ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les
hommes qui, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité par
leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit
dans les pays étrangers; précédée d’un tableau par De Antoine-Vincent
Arnault, Antoine Jay, Etienne de Jouy, Norvins, Publié par Librairie
historique, 1824, p.45). Elle sera éditée en 1780.
Il commence
l’année suivante La langue des Calculs
qui restera inachevée.
Il meurt le 3
août 1780 au domaine de Flux.
En 1798, ses
œuvres sont éditées. Elles comprennent La
langue des Calculs. Elles servent de base à l’édition des œuvres de
Condillac.
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